L'émergence en Thaïlande de parasites du paludisme résistants au traitement le plus efficace fait craindre une propagation en Asie et en Afrique avec une forte mortalité, prévenaient hier des chercheurs qui espèrent éviter ce scénario grâce à leurs avancées.
Une équipe du Texas Biomedical Research Institute (TBRI) a étudié, de 2001 à 2010, un groupe de 3.202 malades du paludisme traités dans des cliniques du nord-ouest de la Thaïlande, à 800 km d'une région du Cambodge où des cas de résistance à l'artémisinine, la thérapie la plus efficace, ont déjà été observés. Les chercheurs, dont les travaux paraissent dans la revue médicale britannique The Lancet, ont constaté un fort déclin de l'efficacité de cet anti-paludéen durant cette période.
Propagation de gènes mutants
De plus, en mesurant l'efficacité de ce médicament chez les malades infectés avec des parasites du paludisme --Plasmodium falciparum-- identiques génétiquement, ils ont montré que cette résistance provenait de la propagation de gènes mutants. "La dissémination des parasites résistants à l'artémisinine en Asie du Sud-Est et le risque de propagation en Afrique subsaharienne, où la plupart des décès se produisent, seraient un désastre en terme de santé publique et provoqueraient des millions de morts", met en garde Standwell Nkhoma, chercheur du TBRI et principal auteur de l'étude.
La résistance aux autres anti-paludéens comme la chloroquine et le fansidar s'est répandue dans le passé de l'Asie du Sud-Est à l'Afrique, créant un précédent préoccupant. "Avec la propagation des parasites résistants à l'artémisinine on risque de se retrouver sans autres traitements contre le paludisme", redoute le chercheur.
Les scientifiques déjà dans la course
Initialement les responsables sanitaires avaient espéré pouvoir éviter que ces parasites mutants résistants se propagent du Cambodge à d'autres zones géographiques en essayant de les détruire tous, explique le Dr Nick White, un responsable des programmes anti-paludéens au Wellcome Trust, fondation britannique de charité qui a co-financé ces études avec les Instituts américains de la santé (NIH).
Une seconde étude menée par ce même groupe de chercheurs, publiée simultanément jeudi dans la revue américaine Science, suscite toutefois un certain espoir. Ces scientifiques ont identifié une zone clé dans le génome de ces Plasmodium falciparum --les plus mortels des parasites du paludisme--, où siège la résistance à l'artémisinine. Cette découverte pourrait bientôt permettre de créer des marqueurs moléculaires efficaces pour surveiller la propagation des parasites résistants. "Si à partir de là nous pouvons identifier le ou les gènes spécifiques, dont les mutations sont à l'origine de cette résistance, nous pourrons alors en comprendre le mécanisme", relève le Dr Tim Anderson du TBRI.
30% de cas mortels de paludisme en moins depuis dix ans
Le paludisme a fait 655.000 morts en 2010, majoritairement des enfants de moins de cinq ans et des femmes enceintes en Afrique subsaharienne, selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Bien que ce bilan soit encore élevé, la mortalité résultant du paludisme a baissé de 30% depuis dix ans grâce à un contrôle efficace avec une combinaison de thérapies comprenant de l'artémisinine. L'artémisinine, qui provient d'une plante chinoise et définie en 2001 par l'OMS comme "étant le plus grand espoir contre le paludisme", a quelquefois été mal utilisée, ce qui explique cette résistance.
En 2006, l'OMS avait recommandé de ne pas donner ce médicament seul. L'artémisinine affaiblit le parasite mais ne le détruit pas systématiquement, ce qui requiert de l'utiliser en le combinant à d'autres traitements. Les parasites du paludisme sont transmis par des moustiques Anophèles.