263% de cas de violence en plus en quatre ans contre les femmes et les enfants. Les derniers chiffres publiés par le gouvernement sur les agressions envers les femmes entre 2004 et 2008 ont de quoi faire frémir. Néanmoins, s'il est encore difficile de traduire ces statistiques, certains experts y voient avant tout le résultat d'une meilleure prévention
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Alors que la journée internationale de la femme célèbre cette année son centenaire, la Thaïlande affiche une augmentation impressionnante du nombre de femmes et d'enfants victimes de violences. Selon les chiffres du ministère thaïlandais de la Santé publique, le compte des agressions aurait plus que triplé en quatre ans, passant de 6.951 en 2004 à 25.268 en 2008 - dans la grande majorité des cas, l'agresseur est un parent, conjoint, ou ami. Une telle tendance a de quoi susciter l'inquiétude à première vue mais, si le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (Unifem) n'a pas été en mesure de nous apporter un éclairage, un certain nombre d'experts y voient avant tout le résultat d'une prise de conscience chez les femmes et aussi des pouvoirs publics qui permettent un meilleur recensement des cas.
Des femmes mieux encadrées
Pour Boonploy Tulaphan, responsable du développement des One Stop Crisis Center, centres d'accueil pour les femmes violentées mis en place récemment, ces résultats ne tiennent pas à une recrudescence des crimes, mais plutôt à un meilleur accès à l'information. "Les femmes connaissent désormais leurs droits, en particulier grâce aux spots et émissions tv, et ont accès à des services pour les aider, explique-t-elle. De plus, le personnel hospitalier reconnait désormais les signes de violence, et est donc capable de détecter les cas plus facilement".
Un certain nombre de changements drastiques sont en effet intervenus ces dix dernières années pour permettre une meilleure information et proposer un encadrement à ces femmes souvent isolées, de manière à leur venir en aide tout en les amenant à dénoncer leur agresseur. D'où une forte augmentation du nombre de cas dans les statistiques. Le gouvernement a notamment développé en 2001 les One Stop Crisis Center (OSCC). Ces centres d'accueil polyvalents permettent de recevoir et d'aider les femmes victimes de violences domestiques ou de viols. "Nous avons 95 OSCC rattachés aux centres hospitaliers. Nous sommes en train d'étendre ce chiffre à 150, en particulier dans les hôpitaux communautaires, avec pour objectif d'atteindre 724 OSCC dans le futur", explique Boonploy Tulaphan.
La Thaïlande a également fait un grand pas en 2007 avec la mise en vigueur d'une loi condamnant pour la première fois le viol conjugal, rendant tout agresseur passible d'une peine pouvant aller jusqu'à vingt ans de prison et 40.000 bahts d'amende - en France, le "devoir conjugal" a été aboli en 1990 et le viol entre conjoints est condamnable depuis 1992. Le vote de cette loi par le Parlement thaïlandais a de plus été suivi d'une participation du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (Unifem), qui a notamment formé les juges de la Cour pénale de Thonburi afin de les sensibiliser à ces questions.
Une violence romancée à la télé
Néanmoins, il reste à la Thaïlande à relever un certain nombre de défis dans sa lutte contre la violence sur les femmes et les enfants, notamment sur la question de l'éducation et des médias. Si ces derniers sont un vecteur incontournable de sensibilisation, ils peuvent aussi jouer un rôle néfaste en véhiculant des messages de justification de la violence qui sont vus par des millions de téléspectateurs chaque soir. "Les thaïlandaises acceptent la violence et la romance. Vous pouvez voir que dans les soaps opéras, les scènes de gifles et de baisers sont très populaires auprès des femmes. Elles rêvent de romance et de violence, mais cela n'existe pas", explique Wilasinee Phiphitkul, de la Fondation pour la Promotion de la Santé Thaïlandaise, citée dans une analyse de l'Irin, organisme rattaché aux affaires humanitaires de l'ONU. Il peut d'ailleurs paraitre surprenant de voir que ces séries rassemblent une forte audience à majorité féminine qui semble, si ce n'est apprécier, au moins rester insensible à ce genre de scénarios. "Si le viol est justifiable à l'écran, au fil du temps il le sera aussi dans la vraie vie ? si ce n'est pas déjà le cas", avait d'ailleurs prévenu dans un article consacré aux soaps opéras Nattakorn Devakul, analyste au Bangkok Post.
Quentin WEINSANTO jeudi 4 mars 2010
Voir aussi le site de la journée internationale de la femme (en anglais)
Bon élève des Nations Unies en matière de sensibilisation et de préventionLa Thaïlande a initié ces dernières années de nombreuses actions pour lutter contre les violences domestiques, aidé par plusieurs organismes internationaux. Fin 2009, le ministère de l'Education et le bureau de l'Unifem à Bangkok ont lancé conjointement une campagne de sensibilisation auprès des étudiants, pour inculquer notamment aux hommes le respect et la tolérance envers les femmes. Depuis janvier 2010, Thai Airways s'engage à diffuser dans 250 de ses vols nationaux et internationaux un message vidéo de 30 secondes de la princesse Bajrakitiyabha Mahidol, avant de mener une quête à bord de l'avion pour récupérer des dons. En 2008, l'Unifem avait par ailleurs lancé la première partie d'une campagne mondiale intitulée "Say NO to Violence against Women?, avec la princesse thaïlandaise Bajrakitiyabha Mahidol comme "Ambassadrice de bonne volonté", aux cotés de Nicole Kidman. Une pétition a récolté ainsi 5 millions de signatures à travers le monde, dont 3 millions en provenance de la Thaïlande, avant d'être présentée au Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon. De plus, le gouvernement thaïlandais a mis en place un numéro de téléphone d'urgence pour les victimes de violences : le 1300. Le ministère du Développement social a par ailleurs révélé le mois dernier que 4.252 centres de développement familial avaient été mis en place afin de permettre aux familles thaïlandaises de recevoir des conseils pour mieux gérer les relations entre les membres d'une même famille, et entre autres réduire les risques de violences. |