Le premier code pénal thaïlandais, adopté en 1908, a été rédigé par une équipe de fonctionnaires français sur l'initiative du roi Chulalongkorn qui souhaitait moderniser le droit du royaume. Un quart de siècle plus tard, ce sont aussi des juristes français qui ont écrit le code de procédure pénal thaïlandais. Les législations pénales des deux pays présentent donc de nombreux points communs
Le droit pénal thaïlandais est très inspiré du droit pénal français. Les Français, confrontés un jour à la justice pénale thaïlandaise en tant que victime, témoin ou auteur, ne seront pas totalement perdus. Il est tout de même toujours conseillé, dans ce cas, de consulter un avocat. "Des différences existent entre les législations pénales des deux pays, mais les similarités sont plus importantes qu'il n'y paraît, notamment en raison de la présence permanente de juristes français en Thaïlande jusqu'à la seconde guerre mondiale", explique Pokpong Srisanit, professeur à la faculté de droit de l'université de Thammasat, qui a étudié le droit à l'université d'Aix-en-Provence et s'exprime dans un français parfait.
Un juriste français conseiller législatif du roi Chulalongkorn
Ces ressemblances entre les législations pénales des deux pays remontent à 1908, date de l'adoption du premier Code pénal thaïlandais, qui a été rédigé par une équipe de fonctionnaires français dirigée par Georges Padoux. Ce dernier avait le titre officiel de conseiller législatif du roi Chulalongkorn (1868-1910), monarque qui souhaitait moderniser le droit du royaume et ses institutions judiciaires. Ce code pénal, d'inspiration hexagonale, est toujours en vigueur, même s'il a été complété en 1956. La forme du code pénal thaïlandais est d'ailleurs calquée sur celle du code pénal français : chaque infraction y est définie article par article, avec la peine maximale qui lui est associée, le juge gardant toute liberté, en fonction de la gravité des faits et de la personnalité de leur auteur, de retenir une peine inférieure. "Le code pénal thaïlandais s'organise aussi sur la base des distinctions retenues par le code français : infractions relevant du droit pénal général ou du droit pénal spécial (délits économiques et financiers par exemple), infractions commises contre les biens ou contre les personnes, infractions contre les personnes privées ou contre l'Etat, infractions portant atteinte à l'intégrité physique ou à l'honneur, infractions intentionnelles ou non intentionnelles", détaille le professeur Pokpong Srisanit. En revanche, on ne retrouve pas la distinction tripartite française des infractions (crimes, délits et contraventions) puisqu'en Thaïlande, il n'existe que deux catégories d'infractions en fonction de leur gravité : les délits et les délits dits minimes, ces derniers d'une gravité moindre étant sanctionnés d'un maximum de 1 mois d'emprisonnement et de 1.000 bahts d'amende.
La responsabilité pénale des personnes morales reconnue
Sur le fond, le code pénal thaïlandais a repris certaines des infractions particulières prévues par le code français : la fraude et les falsifications, le trouble à l'ordre public, l'injure et la diffamation (ces deux dernières infractions étant encore punies d'une peine d'emprisonnement en Thaïlande). De même, certaines règles de droit pénal général sont issues du droit français. Ainsi, les causes d'irresponsabilité pénale de l'auteur d'une infraction ou d'atténuation de cette responsabilité sont identiques, qu'il s'agisse des causes objectives (ordre de la loi, légitime défense, état de nécessité, commandement de l'autorité légitime) ou des causes subjectives (trouble mental, minorité, contrainte, erreur). La jurisprudence des juridictions pénales thaïlandaises s'inspire aussi de la loi française : elle reconnait la responsabilité pénale des personnes morales, alors que celle-ci n'est pas spécifiquement prévue par la loi. La jurisprudence, qui a vu le jour pour sanctionner des entreprises après des accidents du travail dans lesquels des travailleurs avaient été blessés, permet de les condamner à des peines d'amende.
Confiance donnée aux juges plutôt qu'aux jurés
En matière de procédure pénale, l'influence française n'est pas non plus négligeable. C'est aussi une équipe de fonctionnaires français, cette fois-ci animée par René Guyon (devenu par la suite citoyen thaï), qui a rédigé le premier code de procédure pénale thaïlandais adopté en 1934. Ce code, toujours en vigueur, intègre des dispositions d'inspiration anglo-saxonne tout en s'inspirant de nombreuses règles hexagonales. "Ont été repris ainsi la distinction police judiciaire (recherche des infractions) et police administrative (prévention des troubles à l'ordre public), la possibilité ouverte à la victime d'exercer l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction tant devant la justice civile que devant la justice pénale, l'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil, l'absence de frais à la charge de la victime d'une infraction qui se constitue partie civile", précise le professeur Pokpong Srisanit.
La procédure pénale thaïlandaise donne aussi la possibilité à la victime de déclencher l'action publique lorsque le procureur ne veut pas engager de poursuites. Cette dernière possibilité, qui n'est toutefois pas ouverte pour les infractions qui portent atteinte à l'Etat, permet la saisine d'un juge d'instruction, qui va instruire l'affaire pour déterminer s'il y a lieu ou non de saisir le tribunal pour que l'affaire soit jugée. Et tout comme en France d'ailleurs, le code de procédure pénale autorise le juge à avoir un rôle actif lors de l'audience, notamment pour l'audition des témoins et par la faculté qui lui est donnée de faire citer lui-même des témoins. Enfin, tout comme en France, le législateur thaïlandais fait plus confiance aux juges professionnels qu'aux jurés pour traiter les affaires pénales.
Qu'il s'agisse des affaires relevant du tribunal de petite instance, compétent pour les infractions punies d'un maximum de 3 ans d'emprisonnement, ou de celles relevant du tribunal provincial (appelé tribunal pénal à Bangkok), compétent pour toutes les autres infractions (y compris pour celles punies de la peine de mort : meurtre, viol, trafic de stupéfiants), elles sont toutes jugées par des magistrats de carrière.
Par Ghislain POISSONNIER