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COOPERATION – Le droit français enseigné aux meilleurs étudiants thaïlandais

droit francais en Thailandedroit francais en Thailande
Nattika Sriphongkul et Thirasak Horsittisomboon, élèves du Centre vont étudier en France à la rentrée prochaine (photo Ghislain Poissonnier)
Écrit par Ghislain Poissonnier 
Publié le 25 juillet 2011, mis à jour le 18 décembre 2018

Au sein de la prestigieuse faculté de droit de Thammasat, le Centre d’études du droit français permet depuis plus de 20 ans aux meilleurs étudiants thaïlandais de se familiariser avec les normes juridiques et le système judiciaire français. Durant ce cursus, certains d’entre eux peuvent même partir en France pour étudier dans une université de droit

La faculté de droit de l’Université de Thammasat, située au sein du quartier historique de Bangkok entre la rivière Chao Praya et le Grand Palais, a été fondée en 1934 par Pridi, ancien étudiant à La Sorbonne, après l’établissement de la monarchie constitutionnelle. Elle est l’école de droit la plus ancienne de Thaïlande, mais aussi la plus connue et la plus prestigieuse, ayant formé les plus grands juristes du pays parmi lesquels de nombreux Premiers ministres, ministres, hauts fonctionnaires, magistrats de la Cour suprême et des plus hautes juridictions judiciaires et administratives. En 1988, a été fondé en son sein, avec la collaboration des pouvoirs publics français, le Centre d’études du droit français (CEDF), une institution unique dans le pays qui a pour double mission de contribuer à la réflexion juridique en Thaïlande, notamment en assurant la promotion du droit français, et de développer le dialogue et la coopération entre les systèmes juridiques français et thaïlandais.

Le droit thaïlandais s’inspire du droit français

Le droit thaïlandais a toujours été en partie inspiré du droit français, dans au moins trois domaines : le droit civil, le droit administratif, et le droit pénal, même si la procédure pénale est plutôt d’influence anglo-saxonne. "N’oublions pas que le premier code pénal thaï, recensant toutes les infractions, a été rédigé en 1908 par le juriste français Georges Padoux, à la demande du roi Chulalongkorn, explique le professeur Nontawat Nawatrakulpisut, actuel directeur du CEDF. Bien qu’amendé depuis, ce code est toujours en vigueur." Ainsi, depuis plus d’un siècle, l’introduction de la pensée juridique française en Thaïlande a nourri de nombreux échanges entre les deux pays et a apporté une contribution dans le processus de modernisation et de démocratisation du royaume.

Sous l’impulsion du CEDF, la faculté de droit de Thammasat continue de faire vivre cette coopération. Elle propose aux étudiants de première année en droit, des cours de langue pour perfectionner leur maîtrise du français. Sur les 150 étudiants de chaque promotion ayant des rudiments de français, une cinquantaine font chaque année ce choix. Par la suite, l’Université offre aux étudiants de seconde année des cours en langue française d’introduction puis d’approfondissement au droit français, suivis par une dizaine d’étudiants. Plus tard, les étudiants francophones sur le point d’achever leur licence (d’une durée de quatre ans en Thaïlande) ou leur master (qui dure, suivant le rythme de l’étudiant, entre deux et quatre ans après la licence) se voient parfois proposer la possibilité d’aller étudier le droit en France. Thirasak Horsittisomboon, 24 ans, originaire de Bangkok, étudiant en master à l’Université de Thammasat, part ainsi en septembre prochain étudier le droit administratif en master à l’Université de Toulouse 1 Capitole. Nattika Sriphongkul, originaire du nord de la Thaïlande, qui vient d’achever sa licence, partira à la même période étudier le droit public à l’Université d’Aix-Marseille 3.

Des échanges permanents entre universitaires des deux pays

Les volontaires pour enseigner en français ne manquent pas, puisque sur 80 professeurs et maîtres de conférences que compte la faculté de droit de Thammasat, une vingtaine sont francophones, dont le doyen et le président. "Il s’agit d’une opportunité unique pour la culture française et le rayonnement du droit français," insiste Nontawat Nawatrakulpisut, qui parle lui-même un français parfait perfectionné à la faculté de droit de Paris 2 Assas à la fin des années 1990. Nontawat Nawatrakulpisut prépare actuellement un article pour une revue juridique française sur le droit de la protection du consommateur, à l’heure où la Thaïlande a adopté la class action (ou recours collectif) et où la France paraît en retard sur ce point. Le CEDF continue d’ailleurs d’alimenter le vivier de futurs professeurs francophones, en envoyant des enseignants thaïlandais dans les universités françaises. C’est le cas actuellement de deux enseignants-chercheurs qui travaillent à Aix-en-Provence et à Toulouse sur le droit de la propriété intellectuelle et le droit de la santé.

Le Centre conduit également des activités scientifiques variées pour faire vivre cette relation franco-thaïe. Certains de ses professeurs travaillent en ce moment sur un projet de traduction des Code civil et du Code de commerce thaïlandais en français. Le CEDF enrichit sans cesse avec de nouveaux ouvrages de droit français la salle de la bibliothèque de droit pour en faire un point de référence pour tous les juristes francophones vivant en Thaïlande, avec la possibilité également de consulter des bases de données. Il organise aussi des voyages d’études en France, voyages qui comportent des cours, mais aussi des visites de tribunaux et des rencontres avec des professionnels du droit (avocats, huissiers, magistrats) : une vingtaine d’étudiants sont concernés chaque année. Il est enfin à l’initiative de plusieurs conférences et colloques de réflexion juridique, le plus récent ayant porté sur la réforme du droit des données personnelles.

Le Centre dispose d’un budget autonome de 200.000 bahts chaque année, ce qui semble peu par rapport aux sommes attribuées par les coopérations japonaise et allemande, qui ont aussi ouvert leur centre à la faculté de droit de Thammasat. "L’avenir financier du CEDF passe par un projet de reconnaissance et de financement par l’Agence universitaire de la francophonie, explique Nontawat Nawatrakulpisut. Le Centre, bien que relevant d’un Etat qui est simple observateur dans le monde de la francophonie, voudrait y être intégré et possède de solides arguments." En dépit des contraintes budgétaires, la relève semble assurée. Thirasak Horsittisomboon et Nattika Sriphongkul, les deux étudiants en partance pour Toulouse et Aix-en-Provence qui ont suivi en deuxième année les cours d’introduction au droit français et qui vont régulièrement consulter les ouvrages français situés dans la bibliothèque, débattent déjà avec passion des sujets de mémoire en droit public français qu’ils entendent choisir l’année prochaine.

Ghislain Poissonnier (http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html) lundi 25 juillet 2011
 

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Publié le 25 juillet 2011, mis à jour le 18 décembre 2018

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