Aider à définir des objectifs, planifier les différentes étapes d’une reconversion, trouver les bonnes ressources telles sont les atouts d’un coach de vie. Avec la crise actuelle en Thaïlande, la coach Isabelle Brantley donne quelques conseils aux entrepreneurs.
Installée à Bangkok depuis 7 ans, Isabelle Brantley est coach de vie spécialisée en business coaching et en programmation neurolinguistique (PNL), une approche pragmatique dans le domaine de la psychologie appliquée qui consiste entre autres à modéliser les savoir-faire de gens de talent dans leur domaine pour les transmettre à d'autres. Une orientation que la Française originaire d’Orléans a choisie au début de la cinquantaine après avoir passé plus de 20 ans dans l’enseignement.
“J’ai sans doute eu ce que l’on pourrait appeler une crise de la cinquantaine!”, dit-elle. “J’ai remarqué qu’au fil de mes expériences, le fil conducteur était mon rapport aux autres et j’ai décidé d’entamer un changement dans ma vie il y a un an. Le rôle de coach de vie est d’aider à aller plus vite en posant les bonnes questions pour trouver les bonnes réponses”.
Face aux mesures qui ont été prises pour lutter contre l’épidémie de coronavirus, de nombreux entrepreneurs et petites entreprises se retrouvent en difficulté avec pour beaucoup le besoin de se réinventer ou de se réorienter. Pour aider ces personnes, Isabelle a déjà participé à des forums virtuels organisés par l’Association française de bienfaisance en Thaïlande (AFBT) ou la Chambre de commerce franco-thaï (FTCC) et fait partie des personnes ressources de la cellule d’écoute psychologique mise en place par l’ambassade de France en Thaïlande.
Lepetitjournal.com/bangkok a discuté avec Isabelle pour en savoir plus sur le coaching et comment se préparer pour l’après Covid-19.
LEPETITJOURNAL.COM: Quelles sont les problématiques principales pour lesquelles vous avez été contactée ?
ISABELLE BRANTLEY: Au début des mesures, il y a eu un moment de panique avec pour certains entrepreneurs l’obligation de faire des coupes drastiques. Les trois principaux points sur lesquels il a fallu travailler sont : couper les coûts, s’occuper de la masse salariale, changer le business model.
Pour certains, se séparer des employés était très difficile parce qu’il y a un attachement, et la solution prisée dans un premier temps a souvent été de diminuer les salaires. Après, on a cherché d’autres solutions pour diminuer les coûts, que ce soit en essayant d’avoir une réduction sur les loyers, voire même en remettant son commerce, en déménageant, en exerçant depuis la maison, etc.
La formule pour s’en sortir, c’est de mettre toute son énergie dans les projets que l’on peut mettre en place, que ce soit en se tournant vers la livraison, des services à domicile, en mettant à jour sa communication sur les réseaux sociaux et en faisant un nouveau site internet. Il ne faut pas penser que c’est un plan B, mais une solution durable.
Quels sont les conseils que vous pouvez donner ?
Il faut garder un état d’esprit positif, avoir des croyances portantes,-un terme en coaching que j'oppose aux croyances limitantes-, pour ne pas partir dans des spirales négatives. Quand tout s’effondre, c’est normal de broyer du noir, mais il ne faut pas rester là-dedans sinon c’est là qu’on met la clé sous la porte.
Après je trouve que pour beaucoup d’entrepreneurs ici, -des gens qui se sont déjà lancés une fois dans l’inconnu en s’expatriant et en lançant une affaire-, il y une forte capacité à s’ajuster, même si le contexte cette fois-ci est difficile.
La crise est une opportunité de changement. Chacun peut profiter de cette période pour faire une introspection en se posant les questions de savoir ce que l’on veut faire, si notre activité correspond toujours aux valeurs auxquelles nous croyons, si nous avons toujours assez d’énergie et de détermination pour continuer et si ce n’est plus le cas, peut-être que c’est la fin d’un chemin et qu’il faut prendre une autre route.
Il ne faut pas non plus avoir peur de se faire aider, les Chambres de commerce sont très présentes en cette période et continuent d’organiser des webinaires, des speed-datings en ligne où il est possible de “pitcher” ses idées, d’échanger avec d’autres et pourquoi pas créer de nouveaux partenariats.
À quoi faut-il penser pour réorienter son activité ou pour l’adapter ?
Il faut être à l’écoute de ce qui se passe et regarder ce qui peut être fait à court terme, il n’y a pas besoin de se projeter dans un an. La situation change sans cesse, il y a des secteurs qui ont déjà redémarré, d’autres qui doivent attendre le retour des touristes et là c’est un peu l’inconnue. Par contre, on peut se concentrer sur ceux qui sont là comme les expatriés et se recentrer sur son quartier ou sa ville.
Il faut aussi relancer son réseau, reprendre contact avec des personnes avec qui l’on n’a pas échangé depuis longtemps, discuter de comment chacun réagit, parfois cela peut faire écho, cela donne des idées et permet d’aller plus loin dans la réflexion.
Et bien sûr, il faut étudier ce dont nous avons besoin pour continuer : se former, se documenter, prendre le temps d’analyser les tendances, etc. Souvent quand tout va bien, nous ne prenons pas le temps de nous arrêter pour regarder en soi et autour de soi. Et quand il y a une bonne idée qui émerge, il ne faut pas attendre, il faut se lancer et être précurseur pour ne pas se retrouver dans six mois en se disant : “j’avais la même idée qu’untel, mais je n’ai pas osé et là maintenant pour lui ça marche”.
J’ajouterais aussi qu’il ne faut pas trop investir financièrement.
Voyez-vous des changements pour le futur ?
Je trouve que cela bouge pas mal, les gens sont en train d’extrapoler sur le monde de demain, sur un monde meilleur. Il ne faut pas attendre que le changement vienne d’en haut, il faut que cela vienne d’initiatives citoyennes.
Nous pouvons observer un intérêt pour la permaculture, les fermes organiques, l’écorénovation. En septembre, beaucoup de jeunes diplômés se retrouveront sur un marché où il sera difficile de trouver des stages ou du travail, c’est peut-être l’occasion de prendre une année sabbatique ou de faire du volontariat dans des projets alternatifs.
Je pense que les deux mois et demi que nous avons passés, qui ont été très durs pour certains et où nous avons dû faire le deuil du monde que nous avons connu, ont ouvert une période de réflexion auprès de la population. Certains revoient leurs valeurs, le lieu où veulent vivre, ce qu’ils veulent faire. Il y a beaucoup de remises en question.
Personnellement, quels sont les changements que vous avez mis en place ?
Je m’investis en tant que volontaire auprès de Home of Grace, un foyer pour jeunes mamans célibataires. L’objectif est d’ouvrir un café et un magasin de seconde main où la communauté pourra acheter des produits à bas prix. Il sera géré par les pensionnaires qui développeront ainsi compétences, confiance en elles et seront plus fortes pour affronter l'avenir.
Quand je discutais avec ces jeunes femmes, elles se bloquaient un peu en disant “mais nous ne sommes que des amateurs”. En coaching, c’est ce que nous appelons des croyances limitantes. Il ne faut pas pour autant que cela empêche de faire des choses, nous sommes tous des amateurs, l’important est de garder en tête quel est le but ou l’objectif et chercher les ressources en soi, mais aussi autour de soi pour y arriver. Je crois à leur projet et j’ai de l’énergie pour les aider. Ce mardi 2 juin, il y a eu un speed-dating organisé par la FTCC où j’ai pu pitcher ce projet et directement Morgan Largouet, un entrepreneur spécialisé dans le tek et les matériaux durables, proposait de venir voir le lieu pour évaluer avec ses compétences ce qu’il pouvait apporter par exemple. C’est un exemple concret de partenariat et de solidarité.