Aujourd’hui installé en Thaïlande, Tristan Lecomte est un serial entrepreneur et un serial planteur d’arbres. Depuis plus de 25 ans, il parcourt le monde, plante des graines, soutient des communautés agricoles locales et fonde des entreprises, pépites dans leur domaine respectif. Son dernier projet est Second Life. Lancée en 2020, cette entreprise sociale se dédie au développement de chaînes d’approvisionnement circulaires pour les déchets plastiques. Pour toutes ses activités, Tristan Lecomte a été récompensé du prix Entrepreneur des Trophées des Français de l’ASEAN 2024, remis par EDHEC Business School ce lundi 29 janvier 2024.
Vous avez remporté le Trophée Entrepreneur des Trophées des Français de l'ASEAN, remis par EDHEC Business School. Que peut vous apporter une telle reconnaissance ?
Ce trophée nos apporte une reconnaissance de notre travail et celui de nos partenaires, mais aussi une exposition médiatique et de nouveaux partenaires dans la région. A titre personnel, cela nous fait très plaisir. C’est un bel encouragement. J’ai commencé en 1998, j’avais eu un prix à mes débuts de la Fondation de France. En 2010, j’ai été désigné comme « l'une des 100 personnes les plus influentes » par le magazine américain Time et en 2013, j’ai été nommé l'un des 24 entrepreneurs sociaux de l'année par la Fondation Schwab. Ce nouveau prix est très utile pour créer un réseau de personnes dans notre activité innovante.
Quels conseils peut-on donner aux entrepreneurs qui se lancent dans la préservation de la biodiversité et la lutte contre le réchauffement climatique ?
C’est un secteur qui est plein d’opportunités. Malheureusement ou heureusement, les crises sont des opportunités pour créer des nouveaux services, de nouvelles entreprises, de nouveaux emplois. C’est une chance aussi pour créer de la valeur, réorienter notre économie qui est très carbonée vers une économie plus légère en carbone. Il faut se tourner vers une économie beaucoup plus circulaire et changer les modèles économiques mondiaux. Comme le digital, ou le développement personnel depuis le Covid, l’environnement est un secteur d’avenir. Ces trois secteurs peuvent d’ailleurs se combiner.
Il faut redessiner nos produits pour qu’ils soient tous circulaires, recyclables et issus du recyclage. Stoppons l’économie linéaire.
Retour sur votre aventure Second Life, lancée en 2020. Comment envisagez-vous de susciter un impact mondial dans la lutte contre la pollution plastique ?
Nous sommes très centrés sur la pollution plastique des océans qui est le problème asiatique à 90 %. Il y a six pays qui représentent 90 % des 13 millions de tonnes déversées chaque année dans les océans. C'est un enjeu au niveau régional, mais qui est énorme puisque aujourd'hui, avec Second Life, nous avons récolté en moyenne 2.000 tonnes par an. En Thaïlande, il y a à peu près 1 million de tonnes qui sont déversées chaque année. Donc nous sommes une goutte d'eau, contrairement à PUR Projet, un projet pour lequel nous avons des entreprises naissantes. Il faudrait que beaucoup d'autres opérateurs s'engagent pour travailler à l'échelle supérieure dans tous les domaines du développement durable. Là où, en général, il y a quelques petits opérateurs qui ont des initiatives - et c'est bien - , mais ce n’est clairement pas suffisant pour faire face aux enjeux auxquels nous sommes tous confrontés, et notamment aux emballages plastiques. Nous voulons embarquer tous les opérateurs qui veulent s’engager sur ces questions environnementales et aller contribuer dans des pays déficients, comme la Thaïlande, l’Indonésie, la Chine, les Philippines, l’Indonésie qui sont les principaux pays à l’origine de la pollution plastique des océans.
Cela nécessite de redessiner nos produits pour qu’ils soient tous circulaires, recyclables et issus du recyclage. C'est un secteur qu'il faut vraiment mettre en avant parce que nous sommes dans une économie linéaire dramatique, à la fois en termes de CO2 et aussi en termes de déchets, de pollution et d'aliments et de santé humaine. Il y a une étude qui montre que chaque personne consomme en moyenne l’équivalent plastique d’une carte de crédit par semaine.
Vous vivez en Thaïlande depuis 13 ans. Comment sont abordées les questions environnementales dans le pays ?
Pour un certain nombre de personnes, la préoccupation première est déjà d'assurer leur moyen de subsistance. Et cela est normal, partout dans le monde, pas uniquement en Thaïlande. Ensuite, la société thaïlandaise est très sensible aux questions d'environnement et de nature, pour des raisons culturelles et rituelles. Par exemple, l'ancien roi de Thaïlande Bhumibol Adulyadej qui était très engagé pour l'environnement, le développement durable, en particulier l'autosuffisance alimentaire, l'agriculture biologique. Spirituellement aussi, le Bouddha a trouvé l'illumination dans la forêt sous un arbre. Je trouve qu'il y a ici une culture qui est proche de la sensibilité liée aux plantes, à son rapport à la nature et aux conséquences de l’Homme sur celle-ci. Il y a néanmoins des enjeux de dégradation de l'environnement, de mauvaise gestion des déchets, comme dans tous les pays. C'est un pays déficient. Et comme partout, nous ne sommes pas à la hauteur de ce que nous devrions faire en termes de responsabilité sociale et environnementale.
Je veux réinventer les mouvements environnementaux à travers un discours positif, porteur de solutions et qui accueille de nouveaux vecteurs comme l'émerveillement.
Nous nous doutons bien que vous n'allez pas vous arrêter là, quels sont les futurs projets pour un avenir plus durable ?
J'ai l'impression qu'en ce moment il y a de plus en plus de gens qui se posent des questions autour de la dimension du changement intérieur. Planter un arbre, acheter un café, c'est un peu en bout de chaîne. En amont, il faut savoir comment est-ce que nous pouvons aussi susciter et accélérer le mouvement, la prise de conscience du changement pour les causes environnementales et sociales, tout en restant dans une dimension d'envie et pas d'être coercitif ou d'être donneur de leçons. Ce qui a pu être le cas dans les premiers mouvements environnementaux. Il faut réinventer à travers un discours qui soit positif, mais aussi porteur de solutions et qui accueille de nouveaux vecteurs comme l'émerveillement, le plaisir. Il y a des manières d'aborder l'environnement pour le rapprocher un peu à ce que nous avons envie de vivre, chacun dans notre vie de tous les jours. En trouvant des nouveaux moyens de voyager par exemple, de s'amuser, de prendre des vacances plus proches, en restant chez soi ou pas loin de chez soi. Encourager le life style.
Avez-vous une dernière chose à ajouter ?
Pour les plus jeunes générations, je les invite à s'engager dans le secteur de la transformation sociétale, environnementale, sociale et culturelle. À mon avis, il est plus facile d'entreprendre dans ces secteurs car nous sommes plus soucieux de l'intérêt général. Surtout, ce secteur qui rend heureux, motive, passionne et donne du sens. La preuve !