Sébastien Ferrand et Happy Pawn Chess, le succès par les échecs

Retrouvez l'interview de Sébastien Ferrand sur la Radio des Français dans le monde 

Pouvez-vous nous raconter à quel moment vous avez réalisé que les échecs dépasseraient la passion personnelle en devenant une opportunité professionnelle ?

L'idée que les échecs pourraient dépasser un simple hobby a germé en 2012, à Pékin, où j'avais développé un club d'échecs pour jeunes en parallèle de ma carrière en informatique. J’avais beaucoup d’idées et je me suis passionné à enseigner les échecs aux plus jeunes. À cette époque, j'étais encore hésitant à me lancer dans cette voie, tiraillé entre la pression sociale et mon jeune âge. J'ai ensuite pris la décision de quitter la Chine pour avancer dans ma carrière informatique, tout en gardant les échecs en tête. Ce n'est qu'en 2019 que j'ai réalisé que ma passion pour l’enseignement était prioritaire. Voir les enfants s'épanouir et développer leur esprit logique est extrêmement gratifiant.

Le moment le plus marquant pour moi est lorsque des élèves supposément en « difficulté », se révèlent et s’épanouissent lors de compétition par exemple et créent se faisant des souvenirs de réussite inoubliables.

La liste des bénéfices des échecs est longue

Vous fondez le Happy Pawn Chess Club à Bangkok en 2019. Qu’apprennent les élèves de toutes nationalités, au-delà des échecs bien-sûr ? 

Les échecs ont de multiples bénéfices. Celui que j'apprécie le plus, le développement de la capacité de concentration et d'analyse, dans une époque où l'attention diminue et le besoin de récompense est pressant.

Voir des enfants s'épanouir en étant capable de longues minutes de concentration pure pour trouver le meilleur coup, est une image dont je ne me lasserai pas. Toutefois, la liste des bénéfices des échecs est longue: la gestion des risques, la créativité, la visualisation, la capacité à comprendre le plan adverse, la mémoire, et bien d’autres…

Avez-vous des histoires personnelles à nous partager pour illustrer votre approche inclusive et pédagogique ? 

Pour moi, le gros du travail de l'inclusion aux échecs se fait dans l'acceptation des différences de chaque enfant, et à la capacité du professeur à s'adapter à ces différences. Il est très courant dans le monde de l'enseignement des échecs que les professeurs ne donnent l'attention qu'aux élèves qu'ils jugent capables de gagner en compétition. Par conséquent, ils ferment la porte à l'éveil qu'apportent les échecs aux autres enfants, se privent de talents cachés, et peuvent même parfois dégoûter leur champions. J'ai désiré dès le départ de prendre le sens inverse: quelle que soit la difficulté que l'enfant ressent dans les premiers cours, il est de mon devoir de m'assurer que l'enfant s'amuse et passe un bon moment en apprenant, et de trouver la manière unique de l'élève pour apprendre et progresser. "No kids left behind!". 

Cette philosophie provient d'une histoire personnelle: à l'âge de 5 ans, j'ai été mis de côté au début de mon aventure échiquéenne, et n'ai par conséquent compris l'interêt pour les échecs qu'à l'âge de 12 ans, lorsque j'ai été entraîné par Patrick Loubatière, qui pratique cette philosophie d'inclusion. J'ai pu battre à ce moment nombre de mes collègues qui avaient reçu plus d'attention de professeurs précédents. J'ai ainsi compris que chaque enfant mérite une attention particulière. Il est difficile de briser cette vision élitiste auprès du corps d'enseignement aux échecs, mais heureusement les exemples qui prouvent cette théorie sont nombreux et grossissent encore.

Vous voulez étendre le projet au-delà de la Thaïlande. Où souhaitez-vous exporter Happy Pawn Chess Club ?

Bien sûr dans les pays proches, tels que Singapour, Vietnam, Chine... La proximité permet de faciliter les choses. La passion des échecs est le moteur de notre expansion, et notre ambition est de transmettre cette passion et nos méthodes pédagogiques dans le plus grand nombre de régions possible. Nous sommes convaincus que les échecs ont beaucoup à offrir, et nous sommes impatients de partager notre amour pour ce jeu avec de nouveaux publics.

Vous avez remporté le Trophée Education et Culture des Trophées des Français de l’ASEAN, remis par La Petite École. Que peut vous apporter une telle reconnaissance ? 

Recevoir ce trophée valide le travail de notre équipe, notre passion et notre engagement pour l’enseignement des échecs. Il ne s'agit pas seulement d'une validation pour nous, mais aussi d'une opportunité d'augmenter la visibilité du club, d'établir de nouveaux partenariats, et de renforcer notre crédibilité auprès de notre public.