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Ces Thaïlandais qui travaillent en français au pays du sourire

Jong-Orn RemigereauJong-Orn Remigereau
courtoisie - Aujourd'hui directrice pays, Jong-Orn Remigereau travaille depuis 15 ans en Thaïlande pour la compagnie réunionnaise Air Austral
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 1 avril 2022, mis à jour le 1 avril 2022

Bien que la langue française soit en perte de vitesse en Thaïlande, il n’est pas rare de rencontrer des francophones dans le travail. Et ce, bien au-delà des milieux de l’enseignement et du tourisme

La langue française perd du terrain en Thaïlande depuis plusieurs années. Selon l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), le royaume compterait aujourd’hui environ 300.000 locuteurs de français contre 560.000 en 2010, soit une baisse de plus de 46% en un peu plus de 10 ans.

Cette diminution vient de plusieurs facteurs dont l’un des principaux est la concurrence des autres langues (principalement le chinois et l’anglais) et la fin, depuis 2006, du français imposé comme langue obligatoire à l’université.

Il y a 40 ans, je n’avais pas d’autre choix que de prendre le français comme deuxième langue”, explique Sukanya Uerchuchai, ancienne directrice de la Chambre de commerce franco-thaïlandaise (FTCC) et membre honoraire. “Aujourd’hui, les jeunes se tournent beaucoup plus vers les langues asiatiques comme le chinois, le coréen, le japonais, etc.”, ajoute celle qui est également présidente de l’Association des anciens étudiants thaïlandais en France (AAEF).

Moins recherché dans les entreprises, mais néanmoins un plus

Pour Khun Sukanya, si le français reste un atout indéniable pour trouver un emploi en Thaïlande, elle constate que ce n’est plus un critère prioritaire sur le marché de l’emploi. “Les jeunes générations de directeurs d’entreprises ne cherchent plus spécifiquement des francophones, l’anglais est devenu la langue de base. S’ils ont besoin d’un spécialiste en marketing, ils vont se concentrer sur le parcours scolaire et professionnel correspondant au profil recherché, le français n’est pas une priorité. Par contre, parler français peut aider à monter les échelons plus rapidement, cela facilite l’intégration au sein de l’entreprise et offre plus de possibilités d’être envoyé en France en tant qu’expatrié”, explique-t-elle.

Marie Lucchini et Sukanya Uerchuchai a la Chambre de commerce franco-thai
Pour Sukanya Uerchuchai (droite), la nouvelle génération de directeurs d’entreprises françaises ​accorde moins d'importance au français dans le recrutement, mais elle estime néanmoins que cela reste un plus. Photo d'archives Pierre QUEFFELEC

Dès lors, il est important de développer ses connaissances dans certains domaines et de ne pas miser que sur la connaissance du français pour trouver un emploi. Sukanya souligne également l’importance de varier les expériences et de ne pas se diriger uniquement vers les professions attendues comme professeur ou guide.

Beaucoup d’étudiants thaïlandais qui ont comme moi étudié en France sont devenus ensuite professeurs pour le reste de leur carrière alors qu’il y a plein d’autres secteurs où le français est utile. D’autant plus qu’en étudiant en France, on développe aussi une connaissance de la culture française”, précise-t-elle.

Au-delà de la langue, la culture

Ayant appris le français au lycée puis à l’université Silapakorn, Jong-Orn Remigereau est partie étudier pendant quatre ans à Angers. 

J’ai étudié le tourisme en France et, à mon retour en 2007, j’ai vu une annonce chez Air Austral. J’ai présenté ma candidature et j’ai été retenue. Cela fait 15 ans que je travaille pour eux. Parmi mes atouts figurait la connaissance de la culture française. Chaque nationalité a ses caractéristiques et, étant amenée à être en contact avec des Français, je sais comment me comporter avec eux”, explique celle qui est aujourd’hui responsable pays de la compagnie aérienne réunionnaise en Thaïlande. 

Arawan Namak devant le bureau de Poe-ma Insurances
Courtière en assurance à Phuket, Arawan Namak a passé cinq année en France grâce à l’obtention d’une bourse. Photo courtoisie

Si Jong-Orn reconnaît également que les jeunes thaïlandais se tournent moins vers le français qu’auparavant et que le nombre de francophones pourrait encore baisser, elle estime que la langue de Molière pourrait s’avérer un atout très intéressant dans les années à venir, pointant un phénomène de rareté. 

Un constat que fait également Arawan Namak. Courtière en assurances, la jeune femme de 35 ans compte parmi sa clientèle près de 70% de Français. “L’assurance est un domaine parfois complexe autant pour assister les clients lorsqu’ils doivent se faire rembourser ou lors d’un sinistre que pour leur proposer des solutions adaptées au moment de souscrire une assurance. Dès lors, pouvoir parler dans leur langue facilite les contacts”, explique-t-elle. 

Chanikarn Pumjumpa
Pour Chanikarn Pumjumpa sa maîtrise de la langue française lui permet d’avoir un emploi exaltant, où chaque jour est différent du précédent. Photo courtoisie

En plus de la langue, elle ajoute qu’avoir eu l’opportunité de bénéficier d’une bourse d’études pour suivre un cursus en gestion administrative à Bordeaux et à Lyon lui a permis d’acquérir une ouverture d’esprit et une curiosité nouvelle, ainsi que des expériences professionnelles intéressantes.

Lors de mon stage à l’ambassade de Thaïlande à Paris, j’ai rencontré un français constructeur de bateau de luxe à Chonburi et il m’a engagé comme assistante. Alors que je travaillais là, j’ai été approchée par Poe-Ma Insurance et j’ai ouvert pour eux un bureau à Phuket”, relate-t-elle, tout en ajoutant que la connaissance du français permet d’avoir des prétentions salariales plus élevées. 

Le rôle clé de la communauté expatriée

Parler des langues étrangères en Thaïlande a de la valeur”, commente d’emblée Chanikarn Pumjumpa. À l’inverse de la majorité des jeunes de nos jours, elle n’a jamais été attirée par l’apprentissage des langues asiatiques et a préféré se tourner vers le français, une langue plus proche de l’anglais. De plus, elle constate qu’il y a une importante communauté francophone en Thaïlande et de nombreuses entreprises françaises. 

Après avoir étudié le français à la faculté des Sciences humaines de l’université de Kasetsart et effectué un stage en France, la jeune femme de 24 ans travaille aujourd’hui avec l’artiste français Arnaud Nazare-Aga. “Je suis son assistante à l’atelier PAJ'Art Studio à Bangkok, je m’occupe de la gestion des employés, de la comptabilité, des ressources humaines, de la traduction, etc. J’ai une casquette multifonction en fait. J’enseigne également le thaïlandais à des Français en cours privé, Arnaud est l’un de mes élèves!”, explique-t-elle.

Adji Lewis et Janjira Kinkannak dans les locaux de Lepetitjournal.com Bangkok
Janjira Kingkannak (droite) lors de son stage au bureau de Bangkok de Lepetitjournal.com en 2014 en compagnie d'une stagiaire française​, Adji Lewis. Photo Pierre QUEFFELEC

Si un certain nombre de Thaïlandais ont la chance de pouvoir partir dans des pays francophones pour poursuivre leurs études et améliorer leur connaissance du français, beaucoup profitent aussi de la présence de nombreux expatriés et de plusieurs centaines d’entreprises francophones en Thaïlande pour s'offrir une immersion luiguistique et culturelle sans sortir du royaume.

Au cours de ses études en communication, Janjira Kingkannak a effectué un stage au sein de la rédaction de Lepetitjournal.com/bangkok qui l’a aiguillée vers son actuel emploi à l’ambassade de France à Bangkok. “J’ai appris le français au lycée et à l’université, mais plutôt de manière théorique, je n’avais jamais vraiment eu l’occasion de le parler. J’avoue que ce n’était pas facile au début de mon stage, mais j’ai appris à être plus à l’aise pour communiquer en français. Cela m'a aussi permis de rencontrer beaucoup d’expatriés, et ainsi de me familiariser avec d’autres cultures”, détaille la jeune femme de 29 ans.

Après avoir ainsi parfait sa maîtrise du français et achevé ses études en communication, Janjira a rejoint le service culturel de l’ambassade de France à Bangkok en 2016 et a eu l’occasion de partir en France où elle a eu l'occasion jusqu'ici de découvrir Paris, Vichy, Clermont-Ferrand, Nantes et Lyon. “J’ai hâte d’y retourner!”, ajoute-t-elle.

Thanakit Martiniani lors d'un stage au Novotel de Nice
En formation hôtelière chez Vattel à Bangkok, Thanakit Martiniani effectue un stage dans hôtel Novotel à Nice avec le Chef Franck Muller. Photo courtoisie

De son côté, Thanakit Martiniani s’est envolé ce dimanche 27 mars 2022 pour effectuer un stage au Novotel de Nice. “J’ai déjà eu l’occasion d’aller en France, mais pour des vacances. Là, c’est ma première expérience d’une longue durée en France”, s’enthousiasme le jeune homme de 22 ans qui suit une formation hôtelière chez Vattel à Bangkok.

Fils adoptif de Serge Martiniani, propriétaire du restaurant Le Bouchon, Thanakit a appris le français à l’âge de 6 ans en rejoignant le Lycée français international de Bangkok (LFIB). “Je ne parlais pas du tout français avant d’aller au LFIB, j’ai eu des difficultés au début!”, se souvient-il.

À son retour de stage, Thanakit pense rejoindre son père dans la gestion du restaurant Le Bouchon qui doit rouvrir prochainement dans le quartier Sathorn, mais reste ouvert à d’autres expériences. “Pour le moment, je me vois revenir en Thaïlande pour aider mon père, mais je pense qu’avec ma connaissance du français, du thaïlandais et de l’anglais, je devrais avoir aussi la possibilité de me faire des expériences ailleurs en Thaïlande ou même à l’étranger, mais là j’avoue que c’est un peu tôt pour le dire, on en reparle à la fin de mon stage ?” interroge le futur chef de cuisine. 

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