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Pour les Thaïlandais francophones, pratiquer le français reste un défi

Datuk Peter SombooncharoenDatuk Peter Sombooncharoen
Courtoisie - Si aujourd’hui Datuk “Peter” Sombooncharoen a l’impression de moins bien parlé le français, des séjours réguliers en Europe et la lecture l’aide beaucoup pour maintenir son niveau.
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 21 mars 2022, mis à jour le 23 août 2022

Le dimanche 20 mars était la journée de la francophonie, l’occasion d’échanger en français avec des Thaïlandais sur les atouts de parler français en Thaïlande et les défis pour maintenir un bon niveau. 

La Thaïlande compte 300.000 locuteurs de français et plus de 30.000 élèves ou étudiants apprennent le français dans 186 écoles secondaires et 20 universités, selon l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Un nombre qui ne cesse de diminuer puisqu’en 2010, la Thaïlande comptait près de 560.000 personnes parlant français. 

A l’occasion de la journée de la francophonie qui avait lieu ce dimanche 20 mars, Lepetitjournal.com a rencontré plusieurs Thaïlandais francophones et francophiles afin de comprendre pourquoi ils ont souhaité apprendre le français, les atouts de connaître cette langue en vivant en Thaïlande et les difficultés pour maintenir un bon niveau de français. 

Le français, langue de la diplomatie

“Le français n’a plus le même prestige”, commente d’emblée Poksak Nilubol, ancien ambassadeur de Thaïlande en Birmanie et en Suède. 

Poksak Nilubol a étudié le droit public à Poitiers et à Tours à la fin des années 1970 avant de rejoindre le ministère des Affaires étrangères en Thaïlande. “Pendant ma carrière, le français m’a permis de travailler plus facilement, en particulier au Vietnam, en France et en Belgique autant de pays où j’ai été en poste au sein des ambassades de Thaïlande”, détaille Poksak Nilubol. 

Poksak Nilubol
Après des études en France, Poksak Nilubol a fait une carrière dans la diplomatie en travaillant à Hanoï, Paris et Bruxelles avant d’être ambassadeur de Thaïlande en Birmanie et en Suède. Photo Catherine Vanesse

Aujourd’hui, le diplomate a pris sa retraite à Chiang Mai, une ville où il a selon lui beaucoup moins l’occasion de parler le français. “Depuis une cinquantaine d'années, le nombre d’étudiants de français ne fait que diminuer, les jeunes sont plus attirés par le chinois, le coréen ou le japonais parce qu’il y a plus de débouchés. En comparaison, le français n’apparaît pas comme une langue utile, il faudrait trouver plus de stimulants”, déplore celui qui a pris la présidence du comité de gestion de l'Alliance française de Chiang Mai en 2019. Il ajoute néanmoins que le français est encore fort utilisé au sein du ministère des Affaires étrangères et au ministère de la Justice. 

La reconnaissance d’un diplôme français en Thaïlande

Néanmoins, pour certains Thaïlandais, la connaissance du français offre des avantages en Thaïlande. Wisit “Lek” Jivakul a étudié l’architecture à l’université de Silpakorn à Bangkok avant de poursuivre avec un master d'architecture à Paris. À son retour en Thaïlande, l’un de ses premiers clients n’est autre qu’Air France. “Je pense que nous avons travaillé ensemble parce que je parlais français. Par la suite, j’ai commencé à avoir de plus en plus de clients étrangers, des Américains, des Japonais, des Coréens, des Européens. Eux voyaient surtout que j’avais étudié l’architecture à Paris et donc ils voulaient travailler avec moi pour cette double formation ou vision de l’architecture”, explique-t-il. 

Wisit Jivakul
Depuis le début de l’épidémie du Covid-19, Wisit “Lek” Jivakul a l’impression que son niveau de français a baissé car il a moins eu l’occasion d’accueillir des amis de France chez lui. Photo Catherine Vanesse

Lorsqu'il viviait à Bangkok, Lek était entouré de nombreux amis francophones et n'était jamais très loin de la communauté d'expatriés de la capitale, un moyen de continuer à parler le français, une langue qu’il aime beaucoup même si elle lui a donné du fil à retordre lors de son apprentissage.

“En Thaïlande, pour tous projets d’architectures, vous êtes obligés d’engager un architecte thaïlandais. À un moment donné, j’ai commencé à avoir plus de clients français. En général, ils me trouvaient via Internet ou via le réseau de la communauté francophone en Thaïlande. À un moment donné, j’avais plus de clients étrangers que thaïlandais!”, ajoute celui qui s’est installé à Chiang Mai en 2017. 

Outre la facilité de la langue pour exprimer ses souhaits en termes d’architecture, les clients de Lek cherchent également une manière d’aborder l’architecture plus proche de la vision européenne.

Le français, un atout, même pour les sportifs

À 25 ans, Jean-Luc Pelletier est coach sportif dans la salle de fitness OxGym, à Hang Dong au sud de Chiang Mai. Franco-thaïlandais, Jean-Luc est né à Chiang Mai et a appris le français grâce à son père. “J’ai une bonne compréhension du français, mais j’avoue que je suis plus à l’aise en thaïlandais. À Chiang Mai, il n’y a pas d’école française et je rencontre peu de Français”, déplore le jeune homme. 

Jean-Luc Pelletier, instructeur Franco-Thailandais a Chiang Mai
Jean-Luc Pelletier (droite) avec un client français dans la salle de fitness OxGym à Chiang Mai. Photo LPJ Bangkok.com

À la salle de sport, il entraîne et accompagne principalement des Thaïlande, mais il a aussi quelques clients français. “Je ne dirais pas qu’ils viennent spécialement pour moi. Par contre, le fait de parler français est un atout pour les clients francophones, en particulier ceux qui ne parlent pas bien anglais, et je sens que certains sont plus à l’aise ou plus assidus”, précise celui qui aimerait avoir plus de clients francophones afin de parler encore plus souvent la langue de Molière. 

En effet, Jean-Luc souhaiterait, dans le futur, partir vivre en France : “J’y suis déjà allé pour des vacances et rendre visite à la famille de mon père, la France me fait rêver pour les opportunités professionnelles, la nourriture, surtout le vin et le fromage, et bien sûr le climat plus frais!”

Le français, une langue de séduction même en Thaïlande

Après avoir appris le français à l’école secondaire en Thaïlande, Datuk “Peter” Sombooncharoen est parti en France à la fin des années 1980 pour parfaire son français et entamer des études de droit international à Nice, sans les terminer. “J’ai plus profité de la plage et des filles que des études”, avoue Peter. 

À son retour à Bangkok, il rejoint la section des informations internationales au sein de la chaîne de télévision Channel 3. “Je pensais que mon français me serait utile en tant que journaliste, mais au final, toutes les informations que nous recevions étaient en anglais. Je trouve que le français est très chic, mais je ne l’utilise presque jamais. Quand je suis revenu en Thaïlande en 1990, il n’y avait pas internet, je ne suis pas vraiment resté en contact avec les personnes que j’avais rencontré et je n’étais pas vraiment dans la communauté française, je les rencontrais juste lors des réceptions à l’ambassade de France à Bangkok. Aujourd’hui, mon niveau de français n’est plus aussi bon”, relate le sexagénaire.

Le défi d’apprendre le français en province

Le manque d’opportunité de parler français en Thaïlande est un défi également pour les nouveaux apprenants comme en témoigne le Germano-Thaïlandais Christopher Venzky-Stalling. À 17 ans, Christopher parle parfaitement thaïlandais, allemand, anglais et français. 

“J’aime étudier et apprendre de nouvelles langues, quand j’ai eu l’occasion de choisir une deuxième langue à l’école, j’ai opté pour le français. Je prévois de faire mes études supérieures en Europe, avec l’anglais, l’allemand et le français, je me dis que je peux vraiment aller partout et pourquoi pas étudier en France”, raconte le jeune homme qui s’apprête à passer une première année en Allemagne dès le mois de septembre 2022. 

Christopher Venzky-stalling
Christopher Venzky-Stalling a appris le français pendant trois ans à l'école et grâce au soutien d'un tuteur, aujourd'hui, il s'exprime parfaitement dans cette langue. Courtoisie

Pour Christopher, le plus frustrant est d’apprendre une langue sous l’angle pour ainsi dire exclusivement théorique à l’école et regrette l’absence de lieux de rencontres entre francophones à Chiang Mai. Dès lors, il a décidé de faire appel à un tuteur une fois par semaine pour se concentrer sur le français parlé et se mettre en contact avec la culture européenne et francophone. “Même si mon père est Allemand et que j’étudie à l’école internationale allemande de Chiang Mai, c’est un peu stressant de me dire que dans quelques mois je pars pour l’Europe. Par contre, je pense que même si je prévois de rester au début en Allemagne, j’aurais sans doute plus l’occasion de rencontrer des francophones là-bas et puis aussi de profiter des week-ends et congés pour aller quelques jours en France”, se réjouit l’adolescent. 

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