De Chiang à Phuket en passant par Pattaya, Samui ou encore Nakhon Sri Thammarat, la reprise du tourisme est très inégale. Pour certains, les six prochains mois s’annoncent encore difficiles !
Deux ans après le début de l’épidémie du coronavirus, la situation reste compliquée pour les acteurs du tourisme en Thaïlande, en particulier dans les régions fortement dépendantes des voyageurs internationaux comme Phuket, Koh Samui ou Pattaya.
Au premier trimestre 2022, la Thaïlande a accueilli 400.000 touristes. Les prévisions de fréquentation touristique étrangère pour 2022 visaient en début d’année 5,5 millions de personnes, mais elles ont été revues à la baisse ces derniers jours à 3 millions, soit 7,5% des quelque 40 millions de 2019!
Même si la Thaïlande a assoupli ses conditions d’entrée dans le pays, notamment le nombre de test RT-PCR à effectuer avant et pendant le séjour, de nombreux professionnels estiment qu’il faudra attendre la levée complète des restrictions, annoncée pour juillet si tout va bien, pour sentir un véritable rebond du tourisme international.
En attendant, les restrictions sanitaires sur les aspects les plus festifs des célébrations du Nouvel An bouddhique et le contexte de forte inflation dû à la crise en Ukraine ne permettent même plus de s’appuyer sur le tourisme domestique.
Khanom désertée par le tourisme domestique
Ainsi, plusieurs destinations qui avaient jusqu’ici tiré leur épingle du jeu grâce à un flux de touristes thaïlandais et expatriés, ressentent aujourd’hui un essoufflement.
C’est notamment le cas de Khanom, discret petit paradis de la province de Nakhon Sri Thammarat. Après avoir fait un bon mois de décembre, 2022 démarre sur un rythme très calme pour Nadine Gires, propriétaire du Bamboo Resort. “J’attends Songkran avec impatience", dit-elle. "Nous devrions être rempli, mais depuis le mois de janvier, je n’ai presque personne. Nous devrions avoir du monde au moins les week-ends…”, déplore la Française qui est connue pour avoir aidé à l’arrestation du tueur en série Charles Sobhraj dans les années 70 et dont l’histoire est retracée dans la série à succès The Serpent.
Suite à une interview donnée à lepetitjournal.com l’an dernier, Nadine a reçu la visite de plusieurs expatriés et compte plusieurs réservations de touristes curieux de la rencontrer pour les mois de juillet et août. Par contre, entre Songkran et juillet, elle s’attend à peu de visiteurs.
À quelques pas du Bamboo Resort, un autre Français, Sylvain Brel, gère le Leeloo Paradise Resort à Khanom. Pour lui, la baisse du tourisme domestique remonte à la mi-février avec la crise en Ukraine et la hausse du prix de l’essence. “Décembre 2021 et janvier 2022, nous avons bien travaillé. Par contre, depuis le mois de mars nous avons à peine 30% de taux d’occupation et nous n’avons presque pas de réservations pour Songkran”, dit-il.
Selon Sylvain, les familles thaïlandaises modestes des provinces environnantes viennent beaucoup moins qu’avant. Par contre, il constate que Khanom est en plein développement et que de nombreux hôtels de luxe sont en train de se construire.
Démarrage lent à Samui
L’île de Koh Samui était censée bénéficier dès le mois d’août 2021 du programme “Samui Plus” qui permettait, comme à Phuket, aux touristes vaccinés d’éviter la quarantaine de se déplacer librement pendant 7 jours sur l’île avant de d’être autorises à se rendre vers d’autres destinations en Thaïlande. Mais le programme n’a rencontré qu’un succès mitigé. Et ce n’est qu’à partir du mois de novembre, avec le programme Test & Go qui levait la quarantaine sur tout le territoire pour les voyageurs de plus de 60 pays vaccinés contre le Covid-19, que l’île a commencé à voir une augmentation de touristes étrangers.
“Depuis le mois de novembre, il y a des hauts et des bas en fonction des décisions du gouvernement”, commente Pascal Humbert, propriétaire français de salons de massage à Koh Samui.
“Avec Songkran et les congés de Pâques, il devrait y avoir plus de monde. Malheureusement après le mois d’avril, nous allons entrer dans la basse saison, cela va être compliqué pour l’île. Aujourd’hui, je dirais que seulement 30% des commerces sont ouverts”, ajoute Pascal Humbert.
Si les grandes enseignes telles que Hard Rock Café, Hooters et de nombreux 7 Eleven sont encore fermés, les habitants de Koh Samui constatent l’ouverture de nombreux cafés, restaurants et petits commerces tenus par des Thaïlandais. “On sent une réappropriation des activités par les Thaïlandais, c’est une bonne chose mais cela va compliquer la reprise pour les activités tenues par des étrangers, ils risquent de ne pouvoir concurrencer les Thaïlandais au niveau des tarifs”, commente Pascal Humbert.
Koh Phangan "en haute saison depuis décembre"
Les voisines de Koh Samui connaissent par contre une ambiance différente avec une reprise bien amorcée à Koh Phangan et Koh Tao. Tenu par Quentin Seynaeve, le Seetanu Resort à Koh Phangan affiche complet en avril. “Pour moi, nous sommes en haute saison depuis le 20 décembre, la situation est comme avant le Covid-19”, s’enthousiasme le Belge.
Depuis plusieurs mois, les soirées dans les bars ou les fêtes de pleine lune sur la plage, les fameuses "Full moon parties", attirent facilement entre 400 et 500 personnes. Même sans batailles d’eau, les bars de Koh Phangan sont optimistes et pensent faire le plein, d’autant plus que le Nouvel An bouddhique tombe en même temps que la pleine lune.
“Nous attendons beaucoup de Bangkokois. Avec le Covid-19, les Thaïlandais découvrent une autre facette de Koh Phangan, ils investissent également beaucoup sur l’île, on sent que les gens ne veulent plus être confinés dans de petits espaces. Du coup, il y a une flambée des prix des terrains et l’on voit de plus en plus de voitures de luxe!", précise Quentin Seynaeve.
À Koh Tao, l’ambiance semble également à la fête avec l’organisation du festival B2TG du 14 au 16 avril et des clubs de plongée qui reprennent leurs activités. Pimp My Dive organise des sorties en mer presque tous les jours depuis le mois de décembre. “On sent que nous sommes en pleine reprise”, confirme Aude Rivasseau, la propriétaire française.
Hua Hin, situation relativement stable mais pas pour tous
À seulement 200 km au sud de Bangkok, la station balnéaire de Hua Hin continue d’être fréquentée par les Thaïlandais lors des week-ends, en particulier les habitants de la capitale.
“À Hua Hin, il n’y a jamais eu cette impression d’abandon comme à Koh Samui ou Phuket”, déclare Stéphane Rousseau, consul honoraire de l’ambassade de France à Hua Hin. “Mis à part les bars habituellement fréquentés par des étrangers avant le Covid-19, le reste des commerces arrive à vivre avec le tourisme intérieur”, ajoute-t-il.
De son côté, Emmanuel Mimran, patron du restaurant L’Occitan est plus prudent : “La situation à Hua Hin n’est pas si facile, je connais beaucoup de confrères qui sont en difficulté et les prochains mois vont sans doute encore être compliqués à cause de la crise en Ukraine et de l’inflation”, relate le Français qui a également ouvert une boulangerie il y a un an et demi.
Emmanuel estime qu’il y en a encore pour un an avant de retrouver une situation similaire à l’avant Covid-19. Mais la ville de Hua Hin devrait aussi connaître des développements touristiques importants comme l’agrandissement de l’aéroport et la mise en place d’une ligne de chemin de fer plus rapide avec Bangkok.
En attendant, le patron de L’Occitan mise sur une clientèle de retraités qui fréquentent régulièrement son établissement et de Thaïlandais le week-end.
Pattaya fait le yo-yo entre la semaine et le week-end
Dans la province de Chonburi, Christophe Germez, le propriétaire du restaurant Natan’s situé à quelques pas de la plage de Jomtien, se réjouit de pouvoir également compter sur les expatriés et retraités : “Avant le mois de novembre, nous tournions à 20% de notre capacité, aujourd’hui nous sommes à 50%, ce n’est pas la haute saison comme avant, mais on sent que les gens sortent de nouveau”.
Entre les fermetures, les interdictions de ventes d’alcool et la progression du coronavirus, plusieurs restaurateurs de Pattaya et Jomtien ont connu une baisse importante de fréquentation, beaucoup de retraités préférant rester chez eux plutôt que de sortir.
Comme dans de nombreux endroits, c’est surtout le tourisme domestique et les expatriés qui font vivre les hôtels et les restaurants, explique Cédric Tardivel, responsable marketing chez Aspira Hotels and Resorts : “Après un an et demi de fermeture, nous avons rouvert l’hôtel T2 à Jomtien le 28 mars, nous restons sur un marché domestique qui vient passer le week-end à Pattaya et qui réserve souvent en dernière minute. Les jours de semaine c’est vide”.
"Il n’y a plus de sourires comme avant"
Néanmoins, la répartition du tourisme local n’est pas identique partout et les plages de Bang Saen ou Jomtien sont nettement plus prisées que la ville de Pattaya.
Pour Gérard Porcon, propriétaire des résidences de services pour sénior Mandara, Pattaya reste une ville morte avec des rues dont 60% des commerces sont toujours fermés. “La haute saison est bientôt finie, Songkran est encore fichue avec l’annulation des batailles d’eau, beaucoup de personnes qui auraient aimé venir n’ont pu le faire. A Pattaya, la population fait un peu la grimace, il n’y a plus de sourires comme avant”, détaille Gérard.
De son côté, Cédric Tardivel mise sur les congés de Songkran pour espérer avoir quelques réservations supplémentaires, par contre il s’inquiète pour après : “Quelles sont les décisions que prendra le gouvernement s’il y a une flambée des infections au coronvirus ? La Thaïlande va-t-elle continuer à s’engager vers la suppression du Test & Go ou au contraire, pourrait-elle durcir les restrictions et les mesures d’entrées ? Avec toujours le risque d’être prévenu moins de 24 heures à l’avance!”, s’inquiète le Français qui n'envisage pas de réel retour des touristes étrangers à Pattaya avant le mois de décembre.
Courte embellie et contraste à Phuket
À Phuket, le quartier de Patong revit de plus en plus depuis le mois de novembre. Tous les restaurants et les bars du front de mer ont rouvert, même si l’activité n’est pas encore au même niveau qu’avant le Covid-19. Moins touchés par l’absence de touristes, certains quartiers restent animés tandis que les locaux visitent de plus en plus la vieille ville de Phuket.
Pour Yann Diouron, directeur de l’agence de location de voitures et de scooters Nina’s Car, Phuket n’est plus une île morte comme au début de l’épidémie. “Evidement, il n’y a plus tout le tourisme de masse, mais on sent que ça revit, en particulier dans les quartiers de Rawai, Naiharn, Chalong, la vieille ville de Phuket ou Surin et même Patong. On voit des touristes, des retraités et même de plus en plus de nomades numériques”, détaille le trentenaire.
Alain Faudot, le président de l’association Bonjour Phuket, s’inquiète plutôt des prochains mois : “la crise en Ukraine a entraîné le départ d’un grand nombre de Russes", dit-il. "Les quartiers de Katong et Kamala sont désertés. Après Songkran, Phuket va encore se vider. En novembre, de nombreux hôtels et restaurants ont cru à la reprise, mais avec les décisions du gouvernement, la haute saison n’a pas été aussi bonne que prévu et là, nous allons entrer dans la basse saison touristique. Employés et patrons dans le tourisme vont de nouveau connaître une période difficile pour les 6 prochains mois, tous ne vont pas tenir le coup et il y aura sans doute encore des fermetures”.
Chiang Mai sortie des circuits habituels
Avec la suspension du programme Test & Go le 22 décembre, Chiang Mai a vu sans haute saison fortement réduite. Avec ses températures fraîches entre novembre et février, la Rose du Nord attire autant les voyageurs étrangers que locaux. Avant le Covid-19, la ville pouvait même compter sur les festivités de Songkran pour séduire les touristes grâce à des batailles d’eau géantes dans les rues. Sauf que pour la troisième année consécutive, elles sont encore une fois annulées.
Nithaphon Boriboun, gérante du bar-restaurant Wishbeer, dans le quartier de Nimman, avoue ne pas savoir à quoi s’attendre pour Songkran : “J’ignore s’il y aura du monde! En fait, je m’attends à un Songkran très calme”.
Selon La-iad Bungsrithong, présidente de l’association des hôtels pour le nord de la Thaïlande, le taux d’occupation dans les hôtels ne devrait pas dépasser 20% pendant les congés de Songkran du 12 au 15 avril. Le prix de l’essence devrait être un frein pour les Thaïlandais pour venir jusqu’à Chiang Mai.
De son côté, Olivier Rymer, directeur de l’agence Les Voyages d’Angèle note que Chiang Mai est sortie de certains circuits touristiques : “La plupart des touristes étrangers arrivent à Bangkok. Par le passé, souvent ils montaient quelques jours à Chiang Mai avant d’aller sur les plages du sud. Aujourd’hui, ils vont moins dans le nord et partent découvrir d’autres régions dans le sud comme Nakhon Sri Thammarat, Phattalung, etc.”.
Un choix qui s’explique par l’augmentation du prix des liaisons aériennes entre Chiang Mai et Phuket ou Surathani, ou encore par le zonage sanitaire de Chiang Mai qui confinait jusqu’au 1er avril les touristes à quelques districts de la province. “C’était compliqué pour nos clients de venir à Chiang Mai, donc nous avons adapté nos programmes pour rester dans le sud, en alternant une partie nature et aventure et une partie plage”, conclut le Français installé à Chiang Mai.