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P. Basset: "D’ici 15 à 20 ans, je vois 70 à 80 M de touristes par an en Thaïlande"

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courtoisie AccorHotels - Après 38 ans au groupe Accor, Patrick Basset quitte ses fonctions de directeur régional, mais il ne prend pas pour autant sa retraite
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 1 novembre 2021, mis à jour le 1 septembre 2022

Après 38 ans au groupe Accor, Patrick Basset quitte ses fonctions de directeur régional. Lepetitjournal.com revient avec lui sur sa carrière en Asie et sur sa vision du tourisme de demain en Thaïlande

Entré au sein du groupe AccorHotels en 1983, Patrick Basset a eu une carrière internationale bien remplie qui l’a d’abord mené en Irak, au Qatar, au Ghana et en Turquie. En 1993, le cadre français s’est installé en Asie pour diriger l’hôtel phare d’Accor Hotels à cette période: le Novotel Bangkok Siam Square.

Il a ensuite pris en charge de nombreux rôles de cadre dirigeant au sein d'Accor Hotels dans la région afin de superviser le développement de la marque en Thaïlande, au Cambodge, au Laos, au Vietnam et aux Philippines. En 2015, il endosse le poste de directeur général opérationnel Asie du Sud-Est & Nord-Est et Maldives du groupe AccorHotels. 

Après 38 ans de carrière au sein du même groupe, Patrick Basset a décidé de se retirer, mais sans pour autant prendre sa retraite. Lepetitjournal.com s'est entretenu avec lui afin de revenir sur sa carrière, mais aussi pour évoquer les défis qui attendent la Thaïlande et les perspectives de la réouverture prochaine du pays aux touristes étrangers vaccinés. 

Vous quittez le groupe Accor après bientôt 40 ans de carrière, était-ce prévu ou la situation actuelle a-t-elle accéléré cette décision ?

Il y a un peu des deux. J’ai 65 ans, l’âge de partir à la retraite et j’ai bénéficié du plan de restructuration du groupe, je clos ainsi mon chapitre au sein d’Accor après 38 ans sur quatre régions : l’Europe, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie. 

J’ai eu la chance de travailler pour un groupe qui est passé de 400 hôtels à 5.000 hôtels en l’espace de 40 ans, ce fut un parcours fantastique et hyperintéressant. J’ai pu bénéficier d’opportunités à travers le monde et en particulier en Asie. Quand je suis arrivé en Asie en 1993, nous avions seulement une cinquantaine d'hôtels et nous sommes maintenant à 1.200. Je me suis vraiment éclaté en Asie si je peux dire, parce que nous avons vraiment été des pionniers dans beaucoup de pays. 

Chez Accor, il y a une grande volonté d’être des pionniers en innovant au niveau des destinations, en lançant de nouvelles marques, etc. C’est un groupe très dynamique où il y a un nombre invraisemblable d’opportunités pour les employés de se développer, de faire partie de nouveaux projets. C’est très intéressant de voir comment le groupe est passé de quatre marques (Sofitel, Novotel, Ibis et Mercure) à plus de 40 marques dont notamment plusieurs dans le luxe ou dans le lifestyle. 

Qu’est-ce qui vous a amené en Thaïlande ?

J’ai découvert la Thaïlande en 1992-93, je crois avoir passé plus d’années à Bangkok qu’en France!

À l’époque où je travaillais au Moyen-Orient, je venais souvent faire des voyages de recrutement en Asie. Je venais en Thaïlande, à Hong Kong, aux Philippines pour trouver du personnel pour travailler au Moyen-Orient. Lors de ces voyages, j’ai découvert la qualité de l’hôtellerie en Asie, en particulier au niveau de l’accueil et de la qualité du personnel. À l’époque déjà, la Thaïlande était un pays de référence au niveau de la qualité des services. J’avais vraiment envie d’expérimenter cette qualité au quotidien. Quand je suis arrivé, je ne pensais pas rester plus de trois ans et voilà, 30 ans plus tard, je suis toujours là. 

Quels sont vos projets là maintenant, une retraite tranquille ou une nouvelle carrière ?

Je m’étais dit que le jour où je prendrais ma retraite du groupe Accor, je vivrais à cheval entre la France et la Thaïlande, j’ai toujours cette intention sauf que je ne prends pas encore ma retraite. 

D’une part, je suis toujours impliqué dans trois écoles hôtelières dans la région : à Siem Réap au Cambodge, à Singapour et à Hô Chi Minh au Vietnam. En Asie du Sud-Est, le tourisme s’est énormément développé avec une forte augmentation du nombre de visiteurs et d’hôtels, malheureusement, il n'y a pas un système éducatif ou suffisamment d’écoles hôtelières pour faire face à la demande. 

Ensuite, j’ai décidé de m’investir à titre personnel dans la société Nova Asset Management, une compagnie de conseil dans la gestion hôtelière. 

En fait, je suis passionné par ce que je fais et je ne souhaite pas encore arrêter, j’ai envie d’aider les investisseurs à développer leur activité hôtelière en termes de produit et de stratégie. 

Actuellement, il y a un vrai besoin d’aider les hôteliers à gérer au mieux la crise du Covid-19 et à en sortir. Plusieurs dossiers que je traite en ce moment sont en rapport avec le développement de leur parc hôtelier dans le futur. Dès lors, il s’agit de trouver des opportunités dans un marché qui souffre pour leur permettre de s’inscrire dans une vision à long terme. 

Quel a été l’impact de la crise liée au Covid-19 sur les hôtels du groupe Accor en Thaïlande ?

Accor n’a pas perdu d’hôtels, même si sur 90 hôtels gérés par Accor en Thaïlande, seulement 40 sont ouverts, 5 ont été reconvertis en hôtels de quarantaine (AQI), 14 en hospitel tandis que 31 sont fermés. Certains hôtels ont été mis en pause pour faire face à des taux d’occupation qui sont descendus à 6 ou 8%. Par contre, c’était important de conserver les équipes, de maintenir les hôtels pour qu’ils ne souffrent pas trop au niveau de leur structure et des entretiens afin de se préparer à la réouverture. 

Bien sûr, il y a eu des licenciements (Le groupe hôtelier, qui comptait dans le royaume 14.000 employés parmi les hôtels avant la crise du Covid, a vu ce nombre réduit de près de la moitié, NDLR) car on ne peut conserver tous les employés quand les taux d’occupation chutent de 80% à moins de 10%. Mais nous avons trouvé des solutions pour mettre une partie des employés en temps partiel afin d’essayer de préserver l’emploi au maximum. Le groupe Accor a également mis en place un fond de soutien afin que les employés ayant perdu leur emploi continuent d’être payés. 

Quelles sont les évolutions de l’industrie hôtelière auxquelles on peut s’attendre ?

En termes du produit, la mise en place des normes d’hygiène et de sécurité va perdurer pendant un certain temps. Les gens sont sensibles et veulent se protéger donc ils vont privilégier les chaînes hôtelières parce qu’il y a des standards qui ont été validés par les autorités et les agences gouvernementales. 

Ensuite, on constate dans les hôtels un investissement de plus en plus important dans les technologies, en particulier dans tout ce qui est “contactless-touchless”, pour éviter les points de contact, pour éviter de s’exposer au virus. 

Beaucoup d’hôtels cherchent également à adapter les espaces communs ainsi que les chambres d’hôtel pour être plus flexibles. Avec le télétravail, certains hôtels ont transformé des chambres en bureaux ou ont créé des espaces de travail partagés. 

Comment voyez-vous la reprise du tourisme en Thaïlande ?

J’ai toujours dit, et je maintiens que tant qu’il y aura une quarantaine, la destination ne pourra pas repartir. Actuellement, tout le monde a un œil attentif sur les dernières annonces du gouvernement thaïlandais, qui semblerait effectivement mettre fin à la quarantaine et sur la réouverture des frontières. 

Si on regarde les pays où la crise a été gérée différemment, la reprise d’activité a été assez forte. Personnellement, je suis confiant que la Thaïlande va redémarrer progressivement dès qu’il n’y aura plus de quarantaine. En 2019, sur les 40 millions de touristes venus en Thaïlande, un touriste sur trois était Chinois. Pour des raisons politiques, la Chine ne va certainement pas rouvrir ses frontières avant le deuxième semestre de 2022. Cela va affecter le nombre de visiteurs en Thaïlande. 

Quelles sont vos projections en nombre de visiteurs en Thaïlande ?

J’estime que la reprise d’activité dans le tourisme pourrait être de 40% en 2022, environ 60 à 65% en 2023, 80% en 2024 et un retour d’activité normal en 2025. 

D’ici 15 à 20 ans, je vois 70 à 80 millions de touristes par an en Thaïlande. Avant le Covid-19, la Thaïlande accueillait 13 millions de visiteurs chinois sur à peu près 200 millions de voyageurs chinois annuels. Dans 5 ans, ils seront plus de 500 millions à voyager à l’étranger et l’une des premières destinations qu’ils veulent connaître est la Thaïlande. Il y a donc un potentiel énorme et je ne parle même pas de l’Inde!

Avec la fermeture des hôtels et les licenciements dans l’industrie du tourisme, la Thaïlande a-t-elle toujours les infrastructures suffisantes pour accueillir les voyageurs ?

Pour un redémarrage, il faut tout d’abord que les compagnies aériennes se réorganisent, relancent leurs activités. Selon les informations qui circulent, celles-ci risquent de continuer à limiter le nombre de sièges disponibles pendant les premiers mois après la réouverture de la Thaïlande. 

Ensuite, sur le tissu touristique en Thaïlande, les agences de voyages, les services, les hôtels, cela va sans doute mettre un certain temps, mais je pense que la progression sera linéaire et se fera en même temps que l’augmentation du nombre de visiteurs. La Thaïlande a une grande faculté d’adaptation par rapport aux besoins. 

Par contre, c’est vrai qu’aujourd’hui, il y a au moins 4 ou 5 millions de chômeurs dans le tourisme et certains ont préféré se tourner vers d’autres secteurs professionnels. Au départ, il risque d’y avoir un engorgement où nous n’aurons pas assez d’employés pour l’ensemble des hôtels, surtout pour les niveaux de direction et de management. 

Après, l’industrie hôtelière n’a jamais eu de problème à prendre du personnel et à le former en quelques semaines ou quelques mois. Mais cela va être compliqué et l’on aura certainement une dégradation de la qualité des services pendant un an ou deux. On peut déjà le constater dans la restauration. 

En Thaïlande, il y a un gros décalage avec d’autres pays comme la Corée, le Japon ou l’Europe sur le ratio du nombre d’employés par chambre. Il va donc y avoir une baisse du nombre d’employés dans les hôtels et la formation va aller vers plus de flexibilité et du multitâche. À terme, cela va rendre le travail plus intéressant pour les employés, mais il va falloir passer par une phase de transition complexe. 

Faire carrière ou investir dans le tourisme est-ce toujours aussi attractif ?

Le tourisme a toujours été vu comme une voie de carrière facilement atteignable, où l’on peut progresser rapidement. Au départ, il y aura un ralentissement, mais sur le long terme, le tourisme a toujours été un employeur important et va le redevenir. 

Au niveau du parc hôtelier, il y a eu un ralentissement de l’activité de construction et des ouvertures d’hôtels pendant deux ans. Mais je sens déjà un frémissement et un intérêt pour la planification des futurs hôtels, les investisseurs restent confiants sur le moyen terme, c’est-à-dire sur des échéances de deux ou trois ans. 

Il a souvent été annoncé que le tourisme de demain serait différent, plus écologique, plus responsable, etc. Pensez-vous que le tourisme va réellement changer ?

Je pense que nous allons revenir à la normalité graduellement. Nous l’avons bien vu cet été en France, les gens sont partis en vacances et ils se comportaient comme avant le Covid-19. Les touristes ont envie de retrouver la normalité, de voyager sans contrainte et je pense même que nous allons avoir une accélération du voyage. Les gens sont restés chez eux pendant des mois, ils n’aspirent qu’à une chose : retrouver la vie d’avant. 

Après, nous voyons des évolutions au niveau de l'écotourisme ainsi que dans le secteur du lifestyle. Les voyageurs veulent de plus en plus vivre des expériences différentes, se prendre en photo dans un cadre original, etc. Par contre, le tourisme de masse continuera d’exister, c’est évident, la Thaïlande reste une destination où il est possible de passer 15 jours pour un budget de 1.000 euros. D’autant plus que dans un premier temps, il y aura certainement une guerre des prix parce qu’il y a un nombre de chambres disponibles énorme pour faire face à plus de 40 millions de touristes. Les clients vont avoir accès à des catégories supérieures de ce qu’ils peuvent se permettre habituellement. Cela durera quelques mois avant de revenir à la normale. 

Les voyages d’affaires reprendront-ils également ?

Ils vont prendre un coup. Les gens ont appris à être efficaces en travaillant de chez eux, en organisant des réunions audiovisuelles. Beaucoup de sociétés vont continuer à mettre en place des facilités pour pouvoir maintenir ce genre d’activité, ça leur permet de diminuer les frais généraux dans les surfaces de bureaux, les voyages d’affaires, etc. La partie exposition va reprendre parce que les compagnies ont besoin d’exposer leurs produits, mais les réunions d’affaires, les séminaires ou les colloques vont prendre plus de temps à redémarrer. 

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