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Crise Covid: Où en sont les acteurs français du tourisme en Thaïlande?

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REUTERS / Jorge Silva – Des Thaïlandaises se détendent dans une piscine sur la plage de Hua Hin après que le gouvernement a assoupli certaines mesures sanitaires, le 12 juin 2020.
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 24 juillet 2020, mis à jour le 29 juillet 2020

Avec la fermeture des frontières aux touristes et l’incertitude sur leur date de réouverture, l’industrie du tourisme en Thaïlande n’a d’autre choix que d’attendre, de se réinventer ou de se tourner vers le marché domestique pour survivre.

A la fin du mois d’avril, l’office du tourisme en Thaïlande (TAT) espérait encore attirer 16 millions de touristes étrangers en Thaïlande pour l’année 2020. Trois mois plus tard, en juillet, la Banque de Thaïlande (BOT) estime que le royaume n’accueillera cette année que 8 millions de voyageurs étrangers, soit une baisse de 80% par rapport au chiffre record de 39,8 millions de visiteurs enregistré l'an dernier, avec des recettes provenant de cette manne étrangère représentant 11,4% du PIB.

La Thaïlande a d'ores et déjà enregistré 6,69 millions de visiteurs étrangers entre janvier et, mai, soit une baisse de 60% par rapport à l'année précédente, a annoncé fin juin le ministère du Tourisme. Autant dire que les prévisions pour le reste de l’année ne sont pas très optimistes et plusieurs acteurs dans l’industrie du tourisme craignent que les frontières restent fermées jusqu’à la fin de l’année alors qu’il y a quelques mois, ils espéraient pouvoir accueillir de nouveau les touristes pour le début de la haute saison touristique en octobre. 

Ben Lefetey, directeur de l’agence de voyage Thaïlande Autrement se dit très mitigé dans la perspective de voir revenir des touristes d’ici la fin de l’année. “Nous avons encore des demandes de devis, mais pour 2021 voire même 2022! Pour la fin de l’année, 2020 c’est calme. Il y a trop d’incertitudes sur une possible deuxième vague du coronavirus et on sent que la Thaïlande n’est pas chaude pour rouvrir le pays aux étrangers”, commente-t-il. 

Nathalie Delévaux, directrice de l’agence Easia Travel se dit aussi très pessimiste : “Je pensais que le pays allait rouvrir en novembre ou décembre, mais je n’en suis plus sûre. Il y a certains marchés moins frileux comme les Anglais ou les habitants des pays de l’Est et donc nous avons quand même des demandes de devis pour la fin de l’année. Nous attendons que les frontières rouvrent”. 

Pour Claude de Crissey, propriétaire d’un hôtel et de plusieurs commerces et activités nautiques à Phuket, la reprise ne sera pas possible tant qu’il n’y aura pas un vaccin efficace sur le marché. “J’ai l’impression d’être dans un mauvais rêve, financièrement c’est difficile à supporter, si le pays reste encore fermé pendant un an, je ne sais pas comment je ferai et comment feront les gens pour passer la crise. Je pense que tant qu’il n’y aura pas de vaccin, le tourisme ne va pas redémarrer à Phuket”, s'inquiète le directeur du groupe Crissey Co.,Ltd qui est aussi le consul honoraire de France à Phuket.

Des solutions alternatives

Pour éviter de se retrouver sans aucune rentrée financière pendant encore plusieurs mois supplémentaires, certaines agences essayent de toucher de nouveaux publics et d’élargir leur marché qui était souvent concentré sur une clientèle basée en France ou en Europe. 

“Nous nous dirigeons vers les expatriés francophones” entame d’emblée Chailit Gobert, responsable du développement de produits à l’agence Novaway. “Avec le début des vacances et le fait que de nombreuses familles restent en Thaïlande au lieu de rentrer en France, nous essayons de cibler cette clientèle-là en leur proposant des programmes dans des régions plus reculées que les gens connaissent peu”, explique-t-il. 

Chez Safarine Tours, le directeur David Barthez vise également une clientèle d’expatriés en axant son offre sur les  enfants. “Des expatriés qui préfèrent ne pas rentrer dans leur pays pour le moment nous ont dit qu’ils ne savaient pas quoi faire de leurs enfants pendant les vacances scolaires d’été. C’est de là qu’est venue l’idée de mettre en place des colonies de vacances, Kids Evasion Camp, pour les jeunes de 8 à 16 ans” explique-t-il. Pendant 7 jours, les enfants passent par Kanchanaburi et Hua Hin pour un séjour qui allie nature et plage, une première expérience pour le voyagiste qui envisage cette solution dans la durée. “Cela fait 20 ans que je suis dans le tourisme et je commençais parfois à en avoir un peu marre, alors ce projet d’organiser des colonies de vacances, cela me remotive! Nous sommes en train de regarder les périodes de congés scolaires de différentes écoles thaïlandaises et internationales pour en proposer tout au long de l’année”, ajoute David Barthez.

Maxime Gaillard, directeur du Baan Thong Ching Resort à Khanom dans la province de Nakhon Sri Thammarat, mise sur une clientèle thaïlandaise, à travers entre autres le programme d’aide du gouvernement “We Travel Together” (www.เราเที่ยวด้วยกัน.com). “Je fais partie de la liste des hôtels participants et depuis, je me fais bombarder de réservations de Thaïlandais. En fait, à Khanom, la plupart des hôtels sont pleins les week-ends et là, avec le long week-end, je suis complet pendant 4 nuits d’affilée, une première!”, relate-t-il. 

L’hôtelier se dit confiant pour la période jusqu’au mois de septembre. Après, il s’attend à un creux saisonnier et espère le retour des touristes étrangers pour les fêtes de fin d’année. “Nous ne dépendons pas que des Européens, nous sommes plus sur un marché thaïlandais. Il ne faut jamais oublier que même si c’est tentant d’aller démarcher la clientèle européenne, on voit bien que quand il y a des coups durs, ça plonge direct”, ajoute Maxime Gaillard. 

D’autres préfèrent attendre un peu et en profitent pour créer de nouveaux circuits ou préparer des tours et une communication pour toucher une communauté anglophone. “Nous cherchons à cibler une communauté d’expatriés francophones et anglophones d’Asie, mais tant que les frontières sont fermées, il n’y a pas d’urgence,” commente Ben Lefetey. “Avec les bulles de voyage, nous devrons aussi cibler les pays qui seront autorisés, mais là-dessus nous sommes dans une incertitude totale, ça change toutes les semaines!” . 

Post-Covid-19

En attendant le retour des touristes, nombre d’acteurs du tourisme se préparent et réfléchissent déjà à comment préparer et envisager le tourisme de demain. 

Selon Nathalie Delévaux, le tourisme de demain sera plus écologique et éthique : “Nous venons de créer de nouveaux produits, de nouveaux tours orientés encore plus sur le tourisme durable et l’environnement. Nous pensons qu’après la pandémie, les gens seront plus sensibles à ces problématiques”. 

Une vision que partage Ben Lefetey : “Sur le long terme quand on voit les tendances touristiques du futur, je me dis que nous sommes plutôt bien placés, car nous ne sommes pas sur un tourisme de masse, nous proposons depuis notre création il y a 15 ans des tours privés, responsables et durables. Sur le long terme, nous serons plus forts, plus attractifs qu’avant la crise”. 

“Les gens sont des consommateurs, quand le tourisme va reprendre ce sera comme avant, un tourisme de masse, peut-être que le monde sera plus consciencieux pendant 6 mois ou un an et puis cela va recommencer. En tout cas, je pense qu’il faudra quand même attendre qu’il y ait un vaccin”, confie plus pessimiste David Barthez. 

Pour répondre aux inquiétudes des clients après la pandémie, il faut pouvoir s’adapter et mettre en place de nouvelles mesures. “Il faudra s’adapter aux nouvelles normes en matière d’hygiène, obtenir les certificats nécessaires, mettre en place de nouvelles méthodes sanitaires dans nos bus, pour protéger nos guides, etc. Nous avons aussi une partie de notre activité tournée vers les tours “incentives” d’entreprises, là aussi nous réfléchissons à de nouvelles méthodes pour organiser des événements qui respectent les distances physiques. Mais la Thaïlande restera une destination très prisée dans le futur”, conclut Chailit Gobert de Novaway. 

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