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CINEMA – Palme d'Or historique pour la Thaïlande au festival de Cannes

Apichatpong-Weerasethakul Apichatpong-Weerasethakul
LPJ Bangkok.com - A 39 ans, Apitchatpong Weerasethakul est le premier Thaïlandais à recevoir la Palme d'Or à Cannes
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec AFP
Publié le 25 mai 2010, mis à jour le 3 avril 2020

Le réalisateur Apichatpong Weerasethakul est le premier Thaïlandais a avoir remporté dimanche la Palme d'Or au très convoité festival de Cannes, pour son film "Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures". Victime de la censure dans son pays en 2007, ce cinéaste d'art et essai engagé a su se faire connaître en l'espace de quelques années. Depuis, il dénonce de plus en plus la pression exercée sur le cinéma d'auteur thaïlandais

Le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, le gagnant surprise dimanche de la Palme d'Or à Cannes, a construit une carrière avec des films oniriques qui évitent les contes traditionnels. "C'est comme un autre monde pour moi... C'est surréaliste", a réagi le réalisateur après avoir appris la nouvelle de sa nomination. A 39 ans, le cinéaste est aussi un ardent critique de la censure exercée par le gouvernement en Thaïlande, qui est actuellement en proie à une agitation politique qui a fait plusieurs dizaines de morts et blessé plus de 2.000 personnes en l'espace de deux mois.

Apichatpong, qui fait également des installations et vidéos musicales, est né de parents médecins qui exerçaient dans un hôpital à Khon Kaen, dans le nord-est de la Thaïlande. Il a étudié l'architecture à l'université en Thaïlande avant de se rendre aux Etats-Unis pour obtenir un Master en Beaux-Arts de l'Art Institute à Chicago. Il a commencé à faire des courts métrages à l'âge de 24 ans et c'est en 2000 qu'il réalise son premier long métrage, Mysterious Object at Noon, qui mêle récit improvisé et images documentaires.

Des films en dehors des blockbusters thaïlandais

Apichatpong travaille en dehors du cadre strict des films d'actions qui envahissent les salles thaïlandaises, avec des réalisations comme le conte de réincarnation surréaliste "Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures", qui a remporté la Palme d'Or.
Il est un enfant chéri dans le circuit des festivals internationaux et un habitué de Cannes, où en 2002 il a gagné le Prix dans la section Un Certain Regard pour Blissfully Yours, et deux ans plus tard le Grand Prix du Jury avec Tropical Malady. Ce dernier était un diptyque qui commençait comme une histoire d'amour entre un soldat et une fermière avant de passer à une frénésie de sexe et de mort dans la jungle.

Réincarnation et fantômes, thèmes majeurs de ses oeuvres

La jungle joue aussi un rôle proéminent dans Oncle Boonmee, film onirique dont l'action se situe dans la brousse du nord-est de la Thaïlande et qui plonge dans les thèmes de la réincarnation, politique et le mythe. Son film d'une beauté envoutante voit le retour d'un fils disparu en un fantôme de singe à taille humaine, une princesse défigurée avoir des relations sexuelles avec un poisson-chat doué de parole et sa femme décédée revenir pour guider doucement son mari vers l'au-delà.

Apichatpong, qui se fait surnommer Joe, a déclaré après avoir reçu le prix du festival de Cannes par le président du jury, Tim Burton, qu'il voulait remercier "les esprits de Thaïlande qui nous ont entourés" lors de la réalisation du film. Il a déclaré durant le festival qu'il avait personnellement vu des fantômes. Le magazine Hollywood Reporter déclare que le travail du réalisateur est basé sur la philosophie de la réincarnation "comme tous les êtres qui coexistent dans une conscience universelle non-linéaire". Ce point de vue est "au c?ur de la conception du cinéma d'Apichatpong, comme moyen ayant le pouvoir de rejouer les vies passées et de connecter le monde humain à celui des animaux ou des esprits", ajoute-t-il.

Un combat contre la censure

Le réalisateur thaïlandais a été au centre d'une querelle sur la liberté d'expression en 2007 lorsque les censeurs thaïlandais se sont opposés à des scènes en apparence mineures dans l'un de ses films, dont des images de moines bouddhistes jouant de la guitare, le vol d'un avion télécommandé, ou un médecin buvant du whisky. Il avait alors déclaré à l'époque que ce traitement par les autorités thaïlandais l'avait fait se sentir "honteux d'être un citoyen thaïlandais". Le réalisateur est revenu sur ce thème lors de son voyage à Cannes, expliquant aux journalistes que Uncle Boonmee était une parabole "d'un cinéma qui est aussi mourant ou mort". "Mais vous ne pouvez pas blâmer les réalisateurs thaïlandais. Ils ne peuvent rien faire à cause de ces lois sur la censure, ajoute-t-il, nous ne pouvons pas faire un film sur la situation actuelle [en Thaïlande] en raison des lois qui interdisent les menaces à la sécurité nationale. N'importe quoi peut-être nommé comme cela."

En 2008, le réalisateur et scénariste thaïlandais avait reçu de la part de l'ancien Ambassadeur de France Laurent Bili les insignes de "Chevalier des Arts et Lettres", pour s'être imposé en quelques années comme l'une des figures de proue de la scène expérimentale thaïlandaise. C'est la sixième fois, en 63 ans, qu'un film asiatique reçoit la Palme d'Or à Cannes : quatre pour le Japon, une pour la Chine et, pour la première fois, une pour la Thaïlande.

Une Palme qui fait parler d'elle

Les médias français étaient partagés hier entre étonnement, incompréhension ou encore soulagement face à la remise de la Palme d'Or à un film thaïlandais qui sort des productions "habituelles". Lepoint.fr avoue ne pas s'être attendu à ce qu'un film comme Oncle Boonmee puisse recevoir la Palme d'Or, malgré un palmarès de films plutôt austère. Le journal en ligne s'interroge ainsi pour savoir si donner la Palme à un film thaïlandais n'aurait pas un fond politique, alors que la Thaïlande traverse l'une des plus graves crises de son histoire. Pour Le Figaro, qui avait déjà critiqué très durement ce film, il s'agit tout simplement de "La palme de l'ennui" pour un film "obscur et hermétique". Verdict totalement différent chez Libération pour qui Weerasethakul a su réaliser du "cinéma pur" et dont les films sont toujours "une expérience émotionnelle forte dont on peut craindre les effets dévastateurs". Le Monde quant à lui tente d'expliquer la remise de la Palme à un "outsider" par la faiblesse de la sélection et la dimension tragique des différents sujets abordés, qui a ainsi mené au couronnement d'un "cinéaste irréparable sur les radars de l'industrie."

Lire aussi notre article du 11 juillet 2008, Le réalisateur Apitchatpong Weerasethakul décoré de l'ordre des Arts et des Lettres

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