L’ONUDC prévient que si le trafic d’espèces sauvages en Asie du sud-Est a souffert du Covid, ce n’est que temporaire et il appelle les autorités à saisir l’opportunité offerte par la pandémie
La pandémie et les mesures sanitaires ont fait chuter le trafic d'espèces sauvages, mais les autorités des pays d'Asie du Sud-Est doivent agir sans attendre pour empêcher braconniers et contrebandiers de reprendre leurs activités lorsque les contrôles aux frontières seront assouplis, prévient un rapport de l'ONU.
Les réseaux de trafiquants ont été fortement perturbés lorsque les pays ont fermé leurs frontières et renforcé la surveillance pour contrer l’épidémie de coronavirus l'année dernière.
À cela s’est ajoutée l’annonce faite dans les premiers temps de l’apparition du virus selon laquelle celui-ci avait pour origine un marché de chinois de Wuhan où se vendaient des produits issus d’espèces sauvages - comme les écailles de pangolin, la bile d'ours, la corne de rhinocéros – faisant croire que le SARS-CoV-2 provenait du passage direct d’un animal sauvage à l’humain.
Ne pas laisser passer l'opportunité du Covid
Mais l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) prévient, dans un rapport interne destiné aux forces de l’ordre de la région auquel a eu accès l’agence Reuters, que les effets de la crise du Covid-19 sont temporaires et que l'Asie du Sud-Est doit s’attendre à une reprise sur le long terme du commerce et du trafic d'espèces sauvages.
Jeremy Douglas, représentant de l'ONUDC pour l'Asie du Sud-Est et l'Asie-Pacifique, estime que la pandémie offrait aux autorités de la région une occasion unique pour décourager les consommateurs et tarir les réseaux d'approvisionnement des trafiquants.
Pourtant, alors que les contrebandiers refont leur apparition, les saisies officielles de produits issus du commerce illicite d’espèces sauvages ont commencé à augmenter, rendant essentiel le maintien de contrôles stricts aux frontières.
"Il ne faut pas laisser passer cette occasion", insiste Jeremy Douglas.
Haut lieu du trafic d'espèces sauvages
L'Asie du Sud-Est, qui abrite une faune et une flore parmi les plus riches et diverses au monde, est depuis longtemps un haut lieu du trafic d'espèces sauvages. Les rhinocéros y sont tués pour leurs cornes, les crocodiles sont élevés pour leur peau, les loutres et les oiseaux chanteurs sont capturés pour devenir des animaux de compagnie, le bois de rose y est coupé illégalement.
Selon l'ONG Traffic, les pays d'Asie du Sud-Est "jouent le rôle de source, de marché et de plaque-tournante pour la faune provenant de la région mais aussi du reste du monde".
On trouve une forte demande de produits issus d’animaux protégés dans des pays comme la Chine, la Birmanie et la Thaïlande, où ils sont utilisés comme remèdes ou consommés directement.
Certains gouvernements ont profité de la pandémie pour imposer des interdictions qui étaient indispensables pour mieux contrôler le commerce d’espèces sauvages.
La Chine a notamment décrété en 2020 l’interdiction de consommer de la viande d’animaux sauvages et de faire commerce de certains animaux sauvages, tandis que le Vietnam a renforcé l'application de ses lois anti-trafic la même année.
De telles mesures ont permis de freiner considérablement la demande, souligne le rapport onusien.
Mais les autorités dans ces pays notent malgré tout que la contrebande d’écailles de pangolin a repris cette année, souligne Jeremy Douglas.
Reprise de la chasse de subsistance
La chasse d’animaux sauvages et la contrebande de produits illégaux n'ont pas complètement cessé pendant la pandémie.
Des témoignages de commerçants et de trafiquants d'espèces sauvages dans des régions difficiles à contrôler des pays le long du Mékong - Birmanie, Thaïlande, Laos, Chine – ont permis à l'ONUDC de rassembler des preuves montrant que des produits issus d’espèces sauvages ont été stockés en attendant que les prix et la demande se rétablissent.
Les gardes forestiers de la région et d'autres parties du monde signalent également ces derniers temps une augmentation de la chasse de subsistance, du fait des dégâts considérables sur l’économie et les emplois causés par les mesures sanitaires strictes imposées un peu partout pour contrer une pandémie qui a tué 0,06% de la population mondiale en un peu moins de deux ans.
"Les principaux réseaux (de trafiquants) attendent toujours la levée de certaines restrictions pour reprendre le déplacement de volumes plus importants", a déclaré Jeremy Douglas.