"Mármaro": marbre en langage grec. Le Petitjournal.com Grèce a rencontré Nikolaos Georgiou. Sculpteur sur marbre de renom. Qui possède son propre atelier, à proximité du plus vieux cimetière d'Athènes. Dans un pays où cette tradition perdure, ce passionné s'est livré. Et ce, en français.
Nikolaos Georgiou, que sculptez-vous le plus souvent ?
Je sculpte le marbre, mais aussi le bronze. Pour le bronze, je collabore avec quelqu'un qui a une fonderie pour les ?uvres d'art. La plus grande partie de mon travail, ce sont des commandes de clients. Une ?uvre en marbre coûte très cher. Si on sculpte une statue entière, c'est un an et demi de travail. Pour de petites statues, il faut compter au moins deux mois. Ce sont des portraits de personnalités célèbres, importantes. Ou des inconnus, comme le grand-père pour une famille. Ce peut-être un prêtre ou un professeur, pour un village. Ce sont des hommages. Il y a aussi beaucoup de statues de héros de l'antiquité, ou de l'histoire récente, sous l'invasion turque, la révolution grecque. Je décore des tombes. Le premier cimetière d'Athènes est un musée en plein air. On y trouve beaucoup d'?uvres d'art, je réalise des choses similaires.
À qui sont destinées ces ?uvres ?
Elles sont destinées à des mairies. Ou à des organisations. Des architectes, ou des médecins qui veulent que je sculpte une statue d'Hippocrate, par exemple. J'ai réalisé une plaque commémorative pour le Parlement grec. J'ai sculpté beaucoup de décorations pour les églises orthodoxes. J'ai fait des portraits en marbre pour des familles, d'Angleterre ou des Etats-Unis. Le marbre peut apparaître dans une jolie maison. On peut décorer une cheminée avec une structure en marbre. Tout le monde peut me faire une commande !
D'où vient le marbre que vous sculptez ?
C'est du marbre athénien. Il vient du mont Pendéli, au nord d'Athènes. C'est un des plus beaux marbres que l'on peut trouver dans le monde, pour faire de la sculpture ! C'est le même que celui utilisé pour le Parthénon. Ils viennent du même mont. C'est plus facile car c'est très proche d'Athènes. On peut l'exporter très facilement. Je l'achète à une société d'exploitation. Je me rends dans les carrières et j'essaie de dénicher le plus beau ! C'est très important pour ma sculpture. Ce marbre, c'est aussi le plus cher de Grèce. On l'utilise pour les sols et les murs des maisons, et j'en suis triste. Il est magnifique, pour la sculpture. Mais l'entreprise le vend, elle doit gagner son argent.
« J'ai appris à sculpter avant d'apprendre à marcher ! »
Comment avez-vous appris ce métier ?
Je suis né dedans, je suis né dans le marbre. J'ai appris à sculpter avant d'apprendre à marcher ! Mon père était sculpteur. C'est un professeur de Tinos qui lui a enseigné, même si ce n'était pas officiellement des professeurs en ce temps-là. Mon père a appris dans l'atelier de ce sculpteur. Qui connaissait beaucoup sur cet art. Moi, j'ai étudié à l'école des Beaux-Arts. Je suis devenu sculpteur. Mais le programme de l'école est général, on apprend avec tous les matériaux. La technique du marbre, je l'ai apprise dans l'atelier de mon père. On apprend toute sa vie à sculpter le marbre ! On s'améliore, on ne peut jamais dire qu'on sait le sculpter.
Vous avez également été enseignant.
J'ai été professeur de sculpture à l'université du nord de la Grèce, en Thessalonique. Dans la branche des Beaux-Arts. J'ai enseigné le marbre à mes élèves. Mais c'est un matériau difficile à sculpter. Les sculpteurs de marbre sont de moins en moins nombreux en Grèce. Les élèves arrêtent l'apprentissage. Par contre, il existe une école à Tinos : on y apprend véritablement la sculpture du marbre. Et à dessiner et peindre. Malheureusement, c'est une école de moyenne qualité. L'état grec ne l'aide pas à être au niveau. Aujourd'hui, on veut exprimer son art plus vite, on veut un matériau plus facile.
En Grèce, le marbre est une tradition. Mais pour vous, c'est avant tout une histoire de famille.
J'ai une famille de sculpteurs, d'artistes. Tout a commencé avec mon père, qui travaillait à l'atelier de son éducateur de Tinos, qui était aussi son patron. Puis mon oncle a appris de mon père et de ce sculpteur, dans le même atelier. Ensuite, mon père a enseigné à des jeunes, dans son propre atelier. Beaucoup d'entre eux ont travaillé à l'Acropole. Moi, j'ai mon propre atelier. Mon cousin Nikos également. Tout comme son frère. Ils sont trois frères artistes. Le troisième est artiste peintre aux Etats-Unis, où il se trouve la plupart du temps.
« C'est un matériau qui respire la Grèce »
Parlons un peu de technique. Comment sculpte-t-on le marbre ?
Le plus important, c'est d'arriver à obtenir le résultat qu'on veut ! Et c'est difficile. Parce que sculpter le marbre : c'est un art, mais c'est aussi sportif, il faut avoir de la force. C'est un matériau très lourd, et dur. Le marbre, il faut bien le connaître. On dit que c'est comme le bois, il a des veines. Et plusieurs couches ! C'est très long à sculpter. Nous utilisons des outils spéciaux. Nous avons des pistolets, pour travailler plus rapidement. Pour les détails, seulement le marteau. Quand on veut sculpter un portrait, c'est important de faire un modèle. On doit étudier ce qu'on veut faire, pour illustrer la personnalité. On moule un modèle en terre, un matériau plus facile. Ensuite, en plâtre, c'est plus compliqué. Et pour finir, on sculpte avec le marbre ou le bronze. Avec l'aide d'un instrument de mesure. Pour une statue classique, réaliste, on a besoin d'un modèle. Peut-être pas pour l'art moderne.
Qu'est-ce qui vous passionne tant dans cet art ?
Ce qui me passionne, c'est la création. J'aime le marbre parce que c'est un matériau qui respire la Grèce, comme disent les Grecs eux-mêmes. Le marbre, on l'adore ou on le déteste la première fois qu'on le sculpte. Je crois que c'est le matériau le plus artistique. On peut faire beaucoup de détails. C'est d'une excellente qualité. Pour des ?uvres réalistes, c'est magnifique. Mais pas seulement, quand on le connaît bien, on peut faire de très belles choses. Bien plus qu'on ne peut le penser au départ. Le même portrait, maintenant et dans dix ans, ne sera pas le même. On connaîtra mieux la sculpture. On explore le marbre toute sa vie.
Plus d'infos :
Nikos Georgiou
Adresse : 30 Rue Anapafseos ? Mets ? 116 36 Athènes
Mail : ngeorgiou@greek-sculptor.eu
Site : www.greek-sculptor.eu
Tél : 210 92 24 523 ? 6944 65 70 85
C.B.
(www.lepetitjournal.com/Athenes) lundi 15 mai 2017