Édition internationale

ANGOLAGATE – Pasqua, Falcone, Mitterrand et les autres

L'affaire de la vente d'armes à l'Angola a enfin été jugée et le verdict rendu fait tomber les têtes. Pierre Falcone, Arcadi Gaydamak, Jean-Christophe Mitterrand ou Charles Pasqua écopent de lourdes peines d'emprisonnement et d'amendes conséquentes. Tous comptent faire appel. Pasqua veut également en entraîner d'autres dans sa chute  

Jean-Christophe Mitterrand arrive au Palais de justice de Paris pour le jugement de l'Angolagate, le 27 octobre 2009 (AFP)

L'Angolagate, qu'est-ce que c'est ?
Cette affaire judiciaire complexe et à rebondissement concerne le trafic d'armes vers l'Angola qui a eu lieu entre 1993 et 1998. Le dossier porte sur les contrats signés en France (sans autorisation officielle de l'Etat français) sur des armes en provenance d'Europe de l'Est, d'une valeur de 793 millions de dollars, avec un bénéfice évalué à 397 millions de dollars. Le président angolais Eduardo dos Santos, encore au pouvoir, s'était servi de cet armement lors d'une guerre civile qui a fait, de 1975 à 2002, plus d'un demi-million de morts. Outre le trafic d'armes avéré, la justice française se penchait sur les sommes astronomiques versées par l'Angola à de nombreuses personnalités françaises en échange d'un lobbying en leur faveur. Après 10 ans d'enquête et de procédures judiciaires, le tribunal correctionnel de Paris a rendu son verdict.

Qui est condamné ?
Pierre Falcone, principal intermédiaire lors de ces contrats, a été condamné à 6 ans de prison ferme. Malgré un passeport diplomatique fourni par l'Etat angolais, le tribunal a rejeté son immunité et l'a fait arrêté et écroué en pleine audience. Le milliardaire israélien d'origine russe, Arcadi Gaydamak, a été condamné à la même peine. Il est toujours en fuite. Le sénateur des Hauts-de-Seine, ministre de l'Intérieur à l'époque des faits, Charles Pasqua est condamné à 3 ans de prison dont deux ans avec sursis pour "trafic d'influence". Le fils aîné de l'ancien président Mitterrand, Jean-Christophe Mitterrand, a été condamné à 2 ans de prison avec sursis et devra s'acquitter d'une amende de 375.000 euros pour les 2,6 millions de dollars reçus des vendeurs d'armes. Une trentaine d'autres prévenus ont été condamnés à des peines d'emprisonnement plus légères comme l'écrivain Paul-Loup Sulitzer (15 mois avec sursis) ou le journaliste Jean-Noël Tassez (un an avec sursis) mais devront payer de lourdes amendes.  

Et qui ne l'est pas ?
Dans la longue liste des condamnations, deux personnes présentes sur le banc des accusés repartent libres. Jacques Attali, l'ancien conseiller de François Mitterrand ainsi que le magistrat et actuel président de la mission antisectes Miviludes, Georges Fenech, ont en effet été relaxés par le tribunal correctionnel.

Les réactions en France
Les avocats de la défense n'ont pas tardé à réagir à la décision du tribunal. "Plus on rend de services à la France, plus on est condamné", a ainsi protesté Me William Goldnadel, avocat d'Arcadi Gaydamak. L'avocat de Pierre Falcone, Me Emmanuel Marsigny, a, quant à lui, déploré que le tribunal ait donné une "fausse lecture" du dossier. L'avocat de Charles Pasqua, Me Lef Forster, a affirmé que "le jugement n'est pas fondé". Les trois avocats ont fait appel. Mais le sénateur des Hauts-de-Seine ne compte pas en rester là. Et puisque dans cette affaire l'Etat angolais s'était vu refusé son droit au secret-défense, il propose que celui-ci soit levé pour toutes les ventes d'armes. Initié depuis longtemps aux secrets du pouvoir, Charles Pasqua semble vouloir que d'autres tombent avec lui. "Je ne pense à personne. Je suis très serein en ce qui me concerne.", a-t-il déclaré sur France 2. 

Et en Angola ?
Aucun des prévenus n'était angolais mais cette décision bouleverse cependant le pays. L'opposition angolaise s'est réjoui du verdict du tribunal parisien "Cela prouve ce que nous disons depuis des années: que la corruption est endémique en Angola", a déclaré le porte-parole de l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (Unita), Alcides Sakala. Avant d'ajouter que la décision de la justice française "met notre gouvernement dans une situation embarrassante. C'est un coup dur pour notre diplomatie". C'est également un coup dur porté aux relations commerciales entre la France et l'une des plus importantes puissances pétrolifère africaine. Nicolas Sarkozy, qui compte bien faire des affaires avec l'Angola, avait même tenté de minimiser le dossier en qualifiant l'affaire de "malentendus du passé"lors d'une visite officielle aux autorités de Luanda, en mai 2008.
Damien Bouhours (www.lepetitjournal.com) mercredi 28 octobre 2009

En savoir plus

Article de l'Express, Lourdes peines au procès des ventes d'armes à l'Angola

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