Suite à son divorce, et malgré les remarques négatives de son entourage lui disant qu’il n’était pas prudent à son âge de partir dans une telle aventure, Jacqueline à sauté le pas de l'expatriation avec un cri du cœur : celui de ne pas tomber dans une routine de “Mamie gâteau”. En arrivant en Espagne, elle s’est rendu compte que les mentalités étaient bien différentes et sa vie a changé.


Histoire d’une interview improvisée à l’aéroport
On est le 20 décembre 2024, il est 21 h passée. Je suis à l’aéroport de Malaga depuis environ deux heures et j’attends la navette pour porter mes valises, comme une princesse. J’ai la chance d’avoir une carte VIP (ou CMI* comme certains disent, mais je préfère ma version). Une dame m’approche et me dit «Holà ! Yaquélin Marchand ?» Mon cerveau, qui avait décidé de couper le mode espagnol pour cette fin de séjour, n’a pas compris grand-chose, à part mon nom de famille ; j’ai donc répondu : « Sí, soy yo ! ». Je monte donc dans la petite voiturette en ayant un petit sourire, ça me donne à chaque fois l’impression d’être dans la Papamobile. Quelques minutes après, la dame me dit en regardant mon passeport «Pero no sois Jacqueline» cette fois j’ai bien compris le prénom, en dépit du joli accent andalou qui mangeait goulûment les syllabes. Après avoir compris qu’il y devait y avoir deux personnes dans la petite voiturette, nous nous sommes dirigés à l’autre bout de l’aéroport pour récupérer madame Jacqueline Ramirez Zamora. Une petite dame à la coiffure impeccable, cheveux blancs éclatants et un joli gilet effet fourrure. On se salue chaleureusement en tant que VIP qui se respecte. Je comprends alors qu’elle parle français. Il s’avère qu’elle est en fait franco-espagnole. Elle a 75 ans et habite en Andalousie depuis maintenant 3 ans.
La voiturette nous dépose au niveau de l’embarquement, il reste encore 1h d’attente l’avion a du retard. C’est alors tout naturellement que nous nous asseyons côte à côte. Elle commence à me raconter son histoire et je ne peux me retenir de lui dire «Il faut que j’écrive un article sur vous». J’allume donc l’enregistreur de mon téléphone et commence notre interview improvisée alors digne d’un film de Noël.
C’est en 2022, après un divorce compliqué que Jacqueline décide de faire ses valises en direction de l’Andalousie. Elle a à cette époque 72 ans, et l’Espagne ne l’appelle pas par hasard. Elle est née de deux parents espagnols qui se sont réfugiés en France pour fuir la dictature de Franco. Elle a donc grandi en France, bercée par la culture ibérique profondément ancrée dans le foyer.
Après 40 ans de mariage, des années de vie commune, mon mari me dit qu'il me quitte. (...) plumée, je me suis retrouvée sans rien (...) j’ai eu besoin d’un retour aux sources, d’aller sur la terre de mes parents
Après de nombreux aller-retours entre la France et l'Espagne, Jacqueline a un coup de cœur pour la commune de Salobreña située au centre-Ouest de Grenade. Elle réussit à regrouper ses quelques affaires dans un petit camion après avoir fait un tri conséquent. Bien plus qu’un nouveau départ, c'est finalement un voyage vers l’inconnu qui l’attend, mais aussi une seconde jeunesse
L'âgisme, une invisibilisation silencieuse
Au-delà de son divorce ce qui a aussi poussé Jacqueline à sauter le pas de l'expatriation est un cri du cœur : celui de ne pas tomber dans une routine de “Mamie gâteau”. Autrement dit, elle ne voulait pas se laisser dépérir et elle m’a confié qu’en France être âgé était beaucoup plus difficile d’un point de vue relationnel. Comme une petite mort sociale, elle a été confrontée à l’âgisme. L’âgisme est une forme de discrimination fondée sur l’âge qui touche notamment les personnes âgées. Elle regroupe l’ensemble des préjugés, des stéréotypes et comportements envers unepersonne ou un groupe en raison de leur âge. Cela peut se manifester par l’exclusionsociale, des difficultés d’accès à l’emploi ou des attitudes dévalorisantes liées à l’âge.
En France, une fois qu'on est âgé, on ne sert plus à rien, du moins on ne nous inclut plus dans les activités sociales ou seulement quand il y a un besoin : aller chercher les enfants à l’école, au sport (...) on nous considère sur la pente descendante, donc on ne s'occupe plus de nous. Et au sein de la famille chacun finit par faire ça vie et on se retrouve seul(e)
Avant d’entreprendre ce projet d'expatriation, Jacqueline a notamment reçu beaucoup de remarques de son entourage lui disant qu’il n’était pas prudent à son âge de partir dans une telle aventure, beaucoup la pensaient inconsciente en lui disant “Tu vas le regretter…”. Et c’est en arrivant en Espagne qu’elle s’est rendu compte que les mentalités étaient bien différentes. Sur la péninsule ibérique les personnes âgées ont un rôle social crucial, ils sont en quelque sorte le symbole de la sagesse et la fiesta ne leur échappe pas ! “Il m’a fallu un peu de temps pour créer du lien, les espagnols, quand ils sont en famille, reste en vase clos, mais je me suis rendu compte qu’on était plusieurs à être seul dans mon immeuble (...) maintenant j’ai un petit groupe d’amis, de tous âges de 42 à 70 ans, hommes et femmes (...) c’est comme ma deuxième famille, il n’y pas de différence lié à mon âge, et ça, c'est la particularité espagnole.” ajoute Jacqueline.
Expatriation, galère administrative et petits couacs de communication
«Bon, je ne connais personne, Il faut faire les papiers. Aucune idée d’où il faut aller.» voilà ce que Jacqueline s’est dit en emménageant. Elle parlait déjà espagnol le pratiquant depuis l’enfance mais la différence était que le temps avait passé. Elle n’avait pas certaines expressions, certains mots en tête et certains n’existaient pas encore comme le mot “couette” ce qui lui valut quelques situations cocasses.
Jacqueline a aussi insisté sur le fait que dès son arrivée, elle n’avait pas voulu rester avec des groupes de français
Je suis venue en Espagne pour être avec les Espagnols (...) je ne comprends pas les expatriés qui ne font pas l’effort de s’intégrer”
Elle a donc toqué aux portes et le plus compliqué n’a donc pas été la barrière de la langue mais plutôt les galères administratives interminables.
Jacqueline a dû attendre un an et demi pour bénéficier de sa sécurité sociale. “En fin de pandémie les services administratifs français se disaient débordés et en Espagne on m'a envoyée à la gendarmerie. De la gendarmerie, on m'a envoyée à la mairie. De la mairie, on me retournait à la gendarmerie (...) je n’avais pas d’informations j’étais un peu désespérée”. Elle a heureusement pu compter sur les connaissances qu’elle s'était faites sur place et a ensuite pu demander la double nationalité ce qui a simplifié les choses.
Les Espagnols, si on leur demande de l’aide, ils se plient en quatre
Une retraite au soleil…et ses parts d’ombre : France VS Espagne
Quand j’ai demandé à Jacqueline ce qui lui manquait de l'hexagone, sa réponse a été directe : “C'est la liberté. Pour moi, rien ne me manque.” J’ai creusé un peu et même si les croissants bien beurrés ne semblaient pas lui évoquer la moindre nostalgie, c’est la médecine qui l’a fait tiquer. Étant en situation de handicap, elle doit être suivie régulièrement et elle m’a confié que le service médical laissait souvent à désirer. “Je dis au médecin que j’ai mal quelque part, il ne va pas regarder, il va me dire de boire de l’eau (...) J'ai parfois l'impression de revivre 70 ans en arrière en allant dans les dispensaires (...) mais pour les espagnols, ils ont la meilleur médecine du monde (...) seulement moi je connais d’autres pays”, dit Jacqueline avec un rire jaune.
En revanche, pour lézarder et profiter d’un cadre de vie apaisé c'est l'endroit parfait “ici, il fait toujours le même temps. Les gens ne sont pas stressés, ne sont pas énervés.” souligne Jacqueline. Outre la bonne humeur ambiante, les économies permises par ce changement de vie sont également une aubaine pour vivre décemment en profitant de sa retraite. “Pour l’électricité je paye 50€ par mois, et l’hiver ça ne monte pas plus que 70€ avec le chauffage (...) en France on est vite autour des 450€ (...) c’est pareil pour les restaurants, ici tu peux très bien manger pour pas grand chose, ça a pesé dans la balance (...) en France je n’aurai pas la même vie” conclut la jeune expatriée.
Alors, si vous envisagez de vous expatrier à la retraite prenez-en compte ces différents aspects et surtout n'oubliez pas, comme Jacqueline le dit si bien, que “La vie ne s'arrête pas à la retraite : Une autre vie est finalement possible !”.
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