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Georgina Siaba : « Je suis un produit de l’éducation française »

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Écrit par Sandra Camey
Publié le 24 août 2020, mis à jour le 27 août 2020

Il faut savoir donner, quand on a reçu. Tel pourrait être l’adage de Georgina Siaba, une jeune Ivoirienne, qui s’est inspirée de son enseignement dans des lycées français pour venir en aide aux enfants qui n'ont pas accès à l’éducation en Afrique. Grâce à son association The N’Takou, des bibliothèques émergent là où lire est un luxe. Georgina est la lauréate du Trophée Ancien.ne élève des lycées français du monde, remis par l’AEFE, lors des Trophées des Français de l’étranger 2020.
 

L’enseignement français est très prisé

Selon vous, quels ont été les avantages de votre parcours scolaire au sein des lycées français de Séoul, Kinshasa et du Cameroun ?

Dans un lycée français, on rencontre des personnes de tous horizons. Certains sont des expatriés français, d’autres ont des parents de toute nationalité mais on se côtoie autour de la culture française. On apprend ainsi la tolérance, l’ouverture d’esprit. C’est très enrichissant. On baigne véritablement dans un melting-pot de culture. Il est inutile de préciser que l’enseignement français est très prisé puisque c’est une éducation de haut niveau.

Je suis un produit de l’éducation française car après les lycées français, j’ai continué mes études à la faculté de la Sorbonne pour ensuite intégrer une école de commerce. Je peux donc dire avec fierté que j’ai pu observer toutes les facettes de l’enseignement français, ce qui m’a aidé à être la personne que je suis et devenir manager à 26 ans.

Grâce à ça, je reste persuadée que l’éducation est la clef pour enrayer une partie des problèmes sociaux, même si ça ne fait pas tout. Etant d’origine ivoirienne, j’ai pu constater la différence et la chance que j’ai eu d’avoir pu fréquenter les lycées français, qui ne sont pas accessibles à tous. Ce constat m’a poussée à créer mon association dans le but d’installer des bibliothèques scolaires.
 

Une fois que les bibliothèques sont installées, on ne plie pas vraiment bagage

Pouvez-vous nous parler de votre association The N’Takou ?

N’Takou est un projet qui est né en France. Durant mes études à la Sorbonne, j’ai développé une passion pour l’associatif et j’ai voulu poursuivre dans cette voie en faisant un service civique. Mon recruteur était la fédération nationale des centres sociaux et m’a affectée dans un organisme d’accueil. J’ai été fascinée de voir comment une association reconnue d’utilité publique, obtient le statut de centre social et peut aménager la vie de quartier pour pouvoir porter la voix de la population.

En Afrique, j’ai remarqué que ce modèle là manquait et j’ai voulu lancer une association pour venir en aide aux enfants qui n'ont pas accès à l’éducation. Cela a commencé quand je suis revenue de vacances à Abidjan en 2013. J’ai vu qu’il n’y avait pas de bibliothèque de quartier, ni dans les écoles, que ce soit au niveau primaire, secondaire ou même dans les universités. Etant étudiante à Paris, j’avais accès à plusieurs bibliothèques dans les différents centres de Paris et je ne comprenais pas cette différence. Pour changer cette situation, j’ai commencé à implanter des bibliothèques dans les écoles à Abidjan. On a choisi d’implanter directement les bibliothèques dans les écoles à travers des partenariats pour faciliter l’entretien de ces endroits. Le choix des écoles était également dans l’intérêt des parents d’élèves, de la direction des écoles et de nous-mêmes, en tant qu’association.

Une fois que les bibliothèques sont installées, on ne plie pas vraiment bagage. On développe des activités lucratives de développement personnel. On fait appel à des intervenants, des coachs, des personnalités pour booster la confiance de ces enfants, leur ouverture d’esprit et tout ce qui va avec.
 

Je me dédierai totalement à ce projet

Comment gérez-vous votre carrière au sein de la Korea Trade-Investment en Côte d’Ivoire et votre association ?

A la fin de mon service civique, j’ai gardé ma passion pour le monde associatif mais j’ai compris que j’avais besoin d’un autre corps de métier pour ne pas que cela devienne un poids et affecte mon mental. Je travaille donc à la Korean Trade-Investment en Côte d’Ivoire.Pour gérer mon association à côté, je dois faire beaucoup de compromis et tenir un planning très serré. Je continue les réunions avec mes bénévoles et les rencontres avec les directrices d’écoles, même durant mes pauses déjeuner. Je ne pense pas que toute seule je serais capable de le faire, même si j’arrive à coordonner tout ça grâce à ma passion pour l’associatif. C’est comme quelqu’un qui part jouer au foot ou au basket après une journée de travail. Je le fais avec plaisir, parce que ce sont des missions qui doivent s’entretenir pour pouvoir voir le jour.

Le projet N’Takou a commencé dans mon pays d’origine, la Côte d’Ivoire. Je l’ai ensuite agrandi au Cameroun, au Congo et au Kenya. Mon père était diplomate au Cameroun et au Congo, je maitrisais donc le terrain là-bas et je pouvais gérer des activités à distance avec des représentants sur place. Je me dis que dans mes vieux jours, lorsque je serai à la fin de ma carrière en finance et que j’aurai atteint les objectifs que je me suis fixée, je me dédierai totalement à ce projet.

 

Être une femme entrepreneur en Afrique met beaucoup de freins

Est-ce qu’être une femme entrepreneur en Afrique ne complique pas les choses ?

Oui, être une femme entrepreneur en Afrique met beaucoup de freins et ce, beaucoup plus qu’on ne pourrait l’imaginer. La femme, je pense, dès le départ est sujette à beaucoup d’inégalités et dans une société africaine qui est très patriarcale, c’est terrible. Au premier contact, on a du mal à nous prendre au sérieux et on est vite abordée.

C’est encore plus compliqué d’être crédible quand on est un enfant de diplomate malgré les avantages du réseau que cela nous apporte. Par moment, on peut faire face aux complexes des personnes qu’on a en face qui trouvent que puisqu’on n’est pas partie de zéro, notre combat est moins louable. Ici, être partie de rien est beaucoup plus valorisé que quelqu’un qui n’a pas connu assez de difficultés, même si notre projet et nos intentions restent les mêmes.
 

Les Africains doivent devenir les acteurs de leur propre développement

Quels sont les projets futurs que vous voulez réaliser avec votre association et dans l’humanitaire en général ?

Pour récolter des livres, on organise des collectes officielles et des remises en mains propres, pour ceux qui veulent donner leurs bouquins. Nos donateurs sont en France et les livres sont en français, je souhaite donc étendre N’Takou sur tous les pays africains francophones et atteindre un réseau d’une vingtaine de bibliothèques et les entretenir.

Je souhaiterai dans le futur récolter des fonds dans les rues de Paris comme Médecin Sans Frontière. J’ai moi-même été recruteur-donateur durant un job d’été. Grâce à mon service civique, je souhaite également développer le même type de centres sociaux en Afrique pour organiser la vie de quartier.

Dans un futur plus lointain, je souhaite bâtir un système de solidarité national par les Africains, avec tous ceux qui affectionnent l’Afrique, pour que les Africains deviennent les acteurs de leur propre développement. Je pense qu’il n’y a que le patient qui peut expliquer ses maux au docteur. On reçoit beaucoup d’aides au développement, on a beaucoup d’ONG internationales qui viennent en Afrique pour aider. Je pense qu’il faut arrêter de tendre la main et devenir responsable de notre propre destin.



Pour une remise de dons, vous pouvez contacter l’association par mail : hello@enatkou.com ou visiter sa page Facebook
 

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