Après avoir créé et dirigé l'école de courts-métrages Kourtrajmé à Madrid, BêO Antarez s'est associé à Victoria Martinez, actrice formée au cours Florent de Paris, pour fonder l'agence audiovisuelle VEAV. Depuis la capitale espagnole, les deux Français proposent une vision inclusive aux nouvelles générations du monde audiovisuel.
Quelles sont les activités de l'agence VEAV et que signifie ce sigle ?
BêO Antarez : VEAV signifie "Vivre une Expérience AudioVisuelle", ou "Vivir una Experiencia AudioVisual". Nous avons deux priorités : la première est de mettre en avant la diversité ethnique et générationnelle dans l'industrie audio-visuelle en Espagne. Il s'agit de donner plus de visibilité aux visages de la diversité laissés en arrière-plan. Notre second objectif est de considérer comme des artistes tous ceux qui participent à la création d'un contenu audiovisuel ; en d'autres termes, de mettre sur le même piédestal acteurs, techniciens, assistants, régisseurs, etc... Dans ce cadre, nous avons un projet de série qui s'appelle Franko, et deux projets d'émissions de télévision : un pour les artistes de la scène rap et l'autre pour les acteurs, car l'accès au monde du cinéma ou de la télé nous paraît très restreint. Et en parallèle, nous réalisons de manière bénévole des formations à l'écriture, à la réalisation et à la production, aussi bien cinématographique que musicale.
À Madrid, il y a énormément de tournages. C'est même sans doute la capitale d'Europe où il y en a le plus. Il y a donc beaucoup plus d'opportunités en ce sens.
Est-ce que vous vous définissez comme une agence française ?
Victoria Martinez : Non, pas forcément. Même si nous sommes Français, nous sommes basés en Espagne. Evidemment, les Français sont les bienvenus, mais disons que nous avons plutôt une réflexion européenne depuis Madrid.
BêO Antarez : J'ajouterais que pour ce qui concerne la production, je crois que c'est tout de même un avantage d'être Français, parce que la France, de manière générale, bénéficie d'une certaine notoriété dans ce domaine. Et en ce sens, je pense que c'est un atout d'être perçu comme tel, même si ce n'est pas ce que nous mettons effectivement en avant.
Je pense que les plateformes sont plus à l'écoute, et offrent des possibilités que l'on ne va peut-être pas retrouver en France sur ce plan.
Quelles sont les principales différences, dans votre secteur, entre la France et l'Espagne ?
BêO Antarez : À Madrid, il y a énormément de tournages. C'est même sans doute la capitale d'Europe où il y en a le plus. Il y a donc beaucoup plus d'opportunités en ce sens. Mais au niveau de la production, l'Espagne souffre un peu de la comparaison avec la France, où nous avons tout de même la chance d'avoir le CNC qui apporte un soutien extraordinaire. Ce sont deux modes de fonctionnement différents. D'un autre côté, en Espagne, il y a une sorte de compétition plus ouverte de la part des plateformes au niveau de la production. Je pense que les plateformes sont plus à l'écoute, et offrent des possibilités que l'on ne va peut-être pas retrouver en France sur ce plan.
Les plateformes américaines se sont rendues compte que les Espagnols savaient faire des séries originales et de grande qualité à des coûts un peu moindres.
Victoria Martinez : « Ce qui est intéressant pour les acteurs en Espagne, et surtout avec Madrid, c'est cette profusion de séries, et notamment celles qui ont connu un immense succès comme "Élite" ou "La Casa de Papel". A partir de là, le point de vue des plateformes américaines a sensiblement évolué, car elles se sont rendues compte que les Espagnols savaient faire des séries originales et de grande qualité à des coûts un peu moindres. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles ces plateformes ont créé le grand pôle qui se situe à Tres Cantos : le Madrid Content City. Énormément de productions se font désormais ici. Netflix y a ses studios, et Amazon est également présent. Les acteurs vont pouvoir profiter de cet élan au cours des prochaines années, comme d'autres métiers de l'audiovisuel, puisqu'il y aura beaucoup de créations d'emplois.
Comment envisagez-vous l'avenir de l'agence VEAV ?
Victoria Martinez : Nous sommes confiants dans l'avenir de notre agence, qui va reposer sur tous nos projets, parmi lesquels Actuación Afirmativa : une compétition d'acteurs que nous allons organiser en septembre prochain. L'idée étant de faire un concours spécialement pour les acteurs, tout simplement parce qu'il n'y en a pas. Évidemment, on connaît The Voice ou la Star Académie, mais rien qui soit spécifiquement dédié aux acteurs. Et cela va être vraiment très intéressant, car il y a énormément de talents à Madrid et en Espagne, beaucoup d'acteurs qui n'ont pas fait d'école aussi, et qui éprouvent de ce fait des difficultés à se faire connaître.
Les grandes sociétés de production ont les moyens mais n'ont pas nos idées
BêO Antarez : Ce projet Actuación Afirmativa va donner une visibilité à tous ces acteurs qui rêvent en secret de pouvoir faire quelque chose et qui n'en ont pas forcément l'opportunité, dans toute leur diversité. Et quand on parle de diversité, on parle évidemment de la diversité ethnique telle qu'on la connaît à Madrid avec les différentes communautés : latine, africaine, asiatique et européenne... Mais on pense aussi à la diversité générationnelle, ne serait-ce que parce que les séries sont aujourd'hui regardées par différentes générations de spectateurs, et qu'il est important que cette réalité se reflète aussi au niveau des acteurs.
Comment sous situez-vous par rapport à la concurrence des grandes sociétés de production espagnoles ?
Victoria Martinez : Évidemment, si on se situe uniquement au niveau du portefeuille, notre taille ne nous permet pas pour l'instant de concurrencer ces grandes boîtes. Par contre, si on raisonne en termes intellectuel et artistique, nous avons une belle carte à jouer. Ce qui va être intéressant peut-être pour un groupe comme Mediaset, par exemple, c'est de se rendre compte qu'ils ont les moyens, mais qu'ils n'ont pas nos idées. Donc, à partir de là, soyons-nous intelligents et créatifs !
BêO Antarez : Ces grandes sociétés sont aussi potentiellement des clients ou des partenaires. Pour nous, ce qui compte beaucoup aujourd'hui, c'est d'exister aussi en dehors des grands groupes de production et plateformes. Pour cela, nous avons la chance d'avoir des canaux comme Instagram, TikTok ou YouTube pour trouver un public qui adhère à ce que nous faisons, et pour le toucher directement à travers toutes ces voies. Ce sera l'un des grands défis de cette année 2024.