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Exportations espagnoles à la baisse, la fin d'un cycle ?

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Photo by chuttersnap on Unsplash
Écrit par Victoria Philippe
Publié le 24 février 2019, mis à jour le 24 février 2019

Selon le ministère de l’Économie, les exportations de marchandise espagnoles ont diminué de 0,1% en 2018, soit la première baisse depuis 2009. L’Espagne se retrouve pour la première fois depuis 2006 en dessous de la moyenne européenne. 

 

Les exportations espagnoles de marchandises ont enregistré un record en valeur en 2018, progressant de 2,9% pour atteindre plus de 285 milliards d'euros. En réalité néanmoins, cette hausse est due à la hausse des prix. En volume, les ventes à l'étranger ont diminué de 0,1%, ce qui constitue la première baisse depuis 2009, année où elles avaient perdu 9%, selon la série du ministère de l'Économie.


Pour la première fois depuis 2006, les ventes espagnoles de marchandises à l'étranger ont été inférieures à la moyenne européenne

Les chiffres semblent également moins optimistes par rapport à l'évolution d'autres pays voisins. Pour la première fois depuis 2006, les exportations de marchandises espagnoles ont enregistré une performance inférieure à la moyenne européenne, selon une note du Club des Exportateurs avec les données d'Eurostat. Si les entreprises espagnoles ont crû de 2,9% en 2018, celles de la moyenne de la zone euro ont progressé à des taux de 4,4% par an. 

À partir de 2007, les entreprises espagnoles ont commencé à se tourner vers l'extérieur dès les premiers signes de contraction de la demande intérieure. Depuis lors, l'amélioration a été pratiquement ininterrompue. Il semblerait que le cycle traverse une période d'inflexion. "L'évolution pour le début de 2019 est préoccupante. La tendance à la fin de l'année s'est nettement aggravée", explique Antonio Bonet, président du Club des Exportateurs.

La croissance des exportations a fortement ralenti l'an dernier, passant de 7,7 % en 2017 à 2,9 % à la fin de 2018. Et les choses ont empiré au cours du dernier mois. Alors qu'en décembre, l'Allemagne a réussi à maintenir et à laisser la variation à zéro, les ventes en Espagne ont chuté de 3,7% au cours du mois. Selon les données du CPB, le commerce mondial en novembre s'est maintenu à 1,6%, reflétant un scénario international marqué par les incertitudes liées aux différends commerciaux, le ralentissement en Chine et en Europe, le Brexit, les difficultés de l'automobile à adopter de nouvelles normes environnementales ou les doutes des consommateurs quant au type de moteurs à acheter.

Dans le secteur automobile les exportations nominales ont diminué de 1,5% en 2018. Les biens d'investissement et les biens de consommation ont aussi considérablement ralenti leur croissance par rapport à 2017. 


La Balance commerciale se dégrade

D’autre part, les importations espagnoles ont augmenté : 5,6%, soit 318,8 milliards d’euros, un record d’achats en provenance de l’étranger. En volume, elles ont augmenté de 1,1%. Par conséquent, la balance commerciale se dégrade. Le déficit en biens non énergétiques a doublé, passant de 4 à 8,7 milliards d'euros. Et le déficit énergétique s’est détériorée d’environ 4 milliards, pour s’approcher des 25 milliards d'euros.

Ces déficits sont compensés par les ventes de services et le tourisme, qui permettent encore d'afficher un solde positif. Toutefois, l’excédent a diminué au cours des deux dernières années et se situe désormais aux alentours de 14 milliards d’euros par rapport aux 28 milliards enregistrés début 2017. Une partie de l’effondrement est due à l’augmentation du pétrole mais aussi des biens et services non énergétique. 


L’excédent commercial français vis-à-vis de l’Espagne a atteint 1,2 milliards d'euros en 2018 (contre 0,4 en 2017) 

Selon les douanes françaises, la croissance des exportations françaises en Espagne (+5,3%) est plus soutenue que celle des importations en provenance d’Espagne sur la période (+3,2%). Cette amélioration de l’excédent espagnol repose en grande partie sur le dynamisme des exportations en aéronefs et engins spatiaux et en véhicules automobiles, qui contribuent à la réduction du solde déficitaire espagnol en matériels de transport. L’Espagne devient en 2018 le 5e fournisseur de la France (part de marché à l’import de 6,5 %), gagnant ainsi une place aux dépens des États-Unis. Avec une part de marché à l’export de 7,8 %, l’Espagne constitue le 3e client de la France, derrière les États-Unis et l’Allemagne.

"En l'absence d'estimations définitives, les importations gagnent en poids dans le PIB alors que les exportations cessent de croître", analyse Francisco Vidal, économiste chez Intermoney. Les exportations espagnoles de biens et de services représentent, depuis 2017, près de 34% du PIB, contre 23% en 2011. "Nous craignons que les exportations ne soient plus le moteur de l’économie espagnole", s'inquiète le président du Club des Exportateurs. 


Une baisse de la productivité

Parallèlement à ces chiffres préoccupants, la productivité de l'économie espagnole a chuté de 10,5% entre 1995 et 2017, ce qui contraste avec les augmentations de 1,4% et 4,5% enregistrées respectivement dans l'ensemble de la zone euro et de l'UE, en raison de l'effort moindre des investisseurs en R&D, en capital humain et en capital public par rapport aux pays voisins. C'est en tous cas ce que souligne l'étude "La productivité de l'économie espagnole dans le contexte international", réalisée par la Fondation BBVA et l'Institut valencien de recherche économique (IVIE).

L'Espagne s'est également éloignée de l'Europe en ce qui concerne le niveau de productivité du travail, qui est actuellement de 18,7 % inférieur à celui de la zone euro.

De même, la baisse de la productivité de l'économie espagnole au cours de ces années contraste avec la hausse enregistrée dans d'autres pays comme les États-Unis (+9,2%), l'Allemagne (+8,5%), l'Italie (+9,7%) ou la France (+2,2%).

L'étude révèle qu'entre le milieu des années 1990 et 2014, l'Espagne a connu des pertes de productivité continues, avec une baisse cumulée de 12,5%. En revanche, entre 2014 et 2017, la productivité totale a augmenté de 2,7 %.

En ce qui concerne la productivité du travail, entre 1995 et 2018, la productivité par heure travaillée a augmenté de 17,5 % en Espagne, alors qu'elle a atteint 30,7 % dans la zone euro, avec une croissance encore plus forte dans l'UE (37,1 %) et aux États-Unis (46,5 %). C'est au cours des années d'expansion jusqu'en 2018 que l'Espagne s'est éloignée des niveaux de productivité des autres zones et des pays plus développés, atteignant 20,7% en dessous de la zone euro.