Le 3 décembre, la Chine a annoncé des restrictions strictes à l’exportation sur les technologies à double usage civil et militaire, ciblant spécifiquement les États-Unis. Ces restrictions viennent s’ajouter aux contrôles annoncés précédemment sur ces métaux, allant jusqu’à interdire les expéditions d’antimoine, de gallium et de germanium vers les États-Unis. C’est la première fois que les restrictions chinoises à l’exportation de minéraux critiques visent sécifiquement les États-Unis dans une réponse directe aux restrictions sur les technologies de pointe. Explications
Une réponse à l’embargo sur les semi-conducteurs
Récemment le États-Unis ont lancé des mesures de contrôle strict contre l’industrie chinoise des semi-conducteurs, limitant sa capacité à développer l’intelligence artificielle (IA) pour les applications militaires modernes et adoptant des réformes réglementaires pour renforcer l’application des contrôles précédents. Les nouvelles restrictions interdisent l’exportation vers la Chine de 24 types d’équipements de fabrication de semi-conducteurs et de trois outils logiciels associés. Elles interdisent également l’exportation de puces mémoire avancées, de machines de fabrication de puces et d’autres technologies de semi-conducteurs à 140 entreprises chinoises de fabrication de puces, y compris les principaux fabricants de puces et d’outils chinois.
Le ministère chinois du Commerce a immédiatement réagi en imposant des interdictions d'exportation sur plusieurs minéraux utilisés dans la fabrication de semi-conducteurs et de technologies de défense vers les États-Unis. Sont concernés le gallium, le germanium, l’antimoine et les matériaux dits superdurs vers les États-Unis en raison de leur « double utilisation militaire et civile ». L’exportation de graphite sera désormais également soumise à un examen plus approfondi. Cette liste laisse également la porte ouverte à la Chine pour mettre en œuvre de nouvelles interdictions d’exportation sur d’autres minéraux stratégiques de la liste, tels que le tungstène.
Quel impact pour les Américains ?
La Chine est le premier producteur mondial d’antimoine, représentant 48 % de la production mondiale et 63 % des importations américaines d’antimoine. Les États-Unis n’ont pas de production nationale d’antimoine et leurs stocks sont très limités. Depuis que les restrictions à l’exportation d’antimoine ont été imposées en septembre 2024, les expéditions d’antimoine en provenance de Chine ont chuté de 97 % tandis que les prix ont augmenté de 200 %.
Le gallium et le germanium sont les deux minéraux les plus essentiels pour développer la prochaine génération de puces avancées. L'avenir des semi-conducteurs pour les applications de défense dépend d'un approvisionnement fiable en gallium et en germanium de haute pureté. Sans surprise, un rapport de l'U.S. Geological Survey du mois dernier a estimé qu'une interdiction totale des exportations de gallium et de germanium pourrait entraîner une perte de 3,4 milliards de dollars du PIB pour l'économie américaine.
Dans le cas du graphite, la Chine représente 77 % de la production de graphite naturel, plus de 95 % de la production de graphite synthétique et près de 100 % du raffinage du graphite. Les États-Unis, quant à eux, contiennent moins de 1 % des réserves mondiales de graphite et dépendent à 100 % des importations. Or, le graphite est un élément important pour l’industrie des véhicules électriques.
Vers une guerre économique ou un super deal ?
On comprend donc que la réponse logique de la Chine aux mesures de contrôles américaines dans le monde des semi-conducteurs constitue le cadre de futures négociations entre la nouvelle administration Trump et Pékin. Rappelons que les États-Unis et la Chine ont entamé une guerre commerciale liée aux minéraux critiques et aux technologies stratégiques en 2019 lorsque l’administration Trump a ciblé le géant chinois des communications Huawei avec une série de restrictions à l’exportation.
Entre les considérations populistes et électoralistes et la nécessité pour les deux premières économies mondiales de poursuivre leur développement, il n’est pas dit que le pragmatisme ne l’emporte pas au final. La recomposition actuelle des alliances mondiales ou la Russie et les états du Moyen Orient jouent un nouveau rôle devrait aussi peser dans la balance. L’année du serpent qui commence en 2025 incarne les valeurs de la sagesse. Nous en sommes pour l’instant encore loin.
A suivre