En Inde, il est chose courante de voir travailler dans les foyers aisés ou étrangers des employés de maison, « maid » en anglais ou « bai » en Hindi. Un métier intense qui concerne des millions de personnes, essentiellement des femmes.
Un métier qui souligne la différence culturelle
La « maid », c’est cette personne qui a pour objectif de faciliter votre quotidien : Un(e) employé(e) de maison, un homme ou (surtout) une femme à tout faire, de tout âge, et multitâche… Trouver la perle rare, c’est presque la 2nde étape après avoir trouvé le logement ! Les familles sur le départ vont d’ailleurs faire en sorte de trouver une nouvelle maison à leur maid, la/le recommandant et mettant en valeur leurs compétences comme faire la cuisine (continentale), parler anglais, être à l’aise avec les jeunes enfants, savoir repasser etc… Bref, les expatriés vous le diront tous, on prend goût à une maison bien entretenue, à des enfants baignés et nourris le soir, à des chemises repassées dans son placard ou encore au plat fait maison juste à réchauffer… Il faut l'avouer, cela fait partie des surprises culturelles quand on arrive en Inde : être servi comme un prince chez soi, juste en déboursant quelques centaines d’euros chaque mois, et généralement sans se soucier d’assurances ou de contrat de travail.
Parlons franchement, peut-on ainsi considérer cette personne comme une "esclave" des temps modernes ? Localement, la réponse est non. Ce métier est ancré dans la culture indienne et il est tout à fait normal d’avoir un(e) domestique chez soi. Si quelques familles occidentales ne souhaitent employer personne, rares sont les familles de classe moyenne ou supérieure indiennes qui n’ont pas recours à la domesticité. C’est comme ça. Cette assistance domestique a d’ailleurs parfois des conséquences sur les membres du foyer, incapables de s’occuper seuls de tâches ménagères ou de procéder à des tâches simples comme changer une ampoule ou coudre un bouton.
Un métier difficile et considéré inégalement
Le dernier recensement de 2011 montre que le nombre de travailleuses âgées de 15 à 59 ans a augmenté de plus de 70 %, passant d'environ 14,7 millions en 2001 à 25 millions en 2011 dans les villes indiennes. Si on creuse un peu les témoignages relayés par les médias indiens ou autour de soi, la maid n’est pas traitée et considérée de manière égale selon les familles :
Julie a beaucoup d’estime pour sa Maid, Anita. Depuis peu, elle, qui fabrique des saucisses et merguez pour les revendre à la communauté française, a décidé de lui apprendre afin que celle-ci continue après son départ, et pourquoi pas ouvrir une boutique. Aruna, elle, a décidé de financer la scolarité des enfants de sa maid. Elle lui donnera ainsi une enveloppe supplémentaire au mois d’avril. Aurélie a décidé d’apprendre un nouveau plat continental chaque semaine à Maria, sa maid afin que celle-ci puisse mettre en avant cette compétence pour trouver son prochain travail. De son côté, Hepsiba est triste car elle va dire au revoir à la famille coréenne chez qui elle travaillait. En effet, ceux-ci terminent leur expatriation et rentrent dans leur pays la semaine prochaine ; les enfants vont énormément lui manquer et lui ont secrètement préparé un petit cadeau pour la remercier. Sudha marie son fils la semaine prochaine, elle a invité son employeur français qui a accepté avec plaisir, lui proposant même de l’aider à financer la réception. En pleine crise de covid-19, Esther, expatriée européenne, a estimé évident de continuer à verser le salaire de son employée, même à distance et même si celle-ci a dû rentrer dans son village natal pour se confiner.
Cependant toutes les histoires ne sont pas aussi belles ou respectueuses : Poonam, elle, commence à travailler à neuf heures du matin et rentre chez elle vers trois heures de l'après-midi. Elle gagne 5 500 roupies par mois, ce qui ne lui laisse aucune épargne. Elle veut que son fils étudie pour qu'il puisse trouver une vie meilleure en dehors de la localité. Elle travaille tous les jours, car même un seul jour de congé signifie une déduction sur son salaire, ce qu’elle ne peut pas se permettre… Ruby, elle, raconte qu'un jour, on lui a offert de la nourriture vieille de plusieurs jours. Quant à Bhagwati, elle raconte que ses employeurs ne lui permettent même pas de boire de l’eau : « Une fois, je déjeunais dans le parc et j'ai eu soif. J'ai donc frappé à une porte et j'ai demandé de l'eau. Madame, qui avait ouvert la porte, m'a crié dessus pour l'avoir réveillée du sommeil. Ils ne nous respectent pas. Ils devraient aussi avoir un peu d'humanité". Regina a été accusée de vol par son employeur alors qu’elle travaille depuis des années chez lui. "Les gens ne nous font pas confiance. Il est vrai qu'il y a des bonnes qui volent. Mais comment ceux qui travaillent ici depuis des années peuvent-ils voler ? ». A Delhi, Sandya, raconte avoir eu un accident et a survécu. Elle travaillait dans six maisons différentes et aucun de ses employeurs ne lui a offert de l’aide. A sa sortie de l’hôpital, tous l’avaient remplacée, tous lui ont tourné le dos. Non loin de là, une employée de maison de 15 ans, Soni Kumari, a été assassinée pour avoir réclamé son salaire. Et lorsque les journalistes creusent du côté des violences sexuelles, les langues se taisent, plus exactement les employé(e)s nient avoir eu une telle expérience personnelle mais n'écartent pas la possibilité de tels incidents dans certaines maisons.
Que dit la loi sur les travailleurs domestiques ?
Aujourd’hui, il n'y a que deux lois dans le pays qui accordent aux travailleurs domestiques le statut de "travailleurs". Premièrement, la loi de 2008 sur la sécurité sociale des travailleurs non syndiqués et deuxièmement, la loi de 2013 sur le harcèlement sexuel des femmes sur le lieu de travail (prévention, interdiction et réparation). Mais aucune de ces lois ne parle d'un cadre juridique concernant les droits des travailleurs domestiques.
Pour protéger les droits des travailleurs domestiques, un projet de loi sur le bien-être et la sécurité sociale des travailleurs domestiques a été présenté en 2018. Il parle de garantir les droits des travailleurs domestiques en créant un conseil au niveau du district, de l'État et du gouvernement central. Mais en raison du non-passage de la loi, aucune directive n'a été émise à ce jour et il n'existe aucun moyen légal d'entendre les plaintes des travailleurs domestiques. Selon les chiffres fournis par le National Crime Records Bureau, les cas de violence sur les travailleurs domestiques sont en augmentation année après année. En 2018, le ministère du travail a demandé des suggestions pour le projet de loi en cours et a parlé de l'adopter dès que possible.
L'adoption d'une loi va-t-elle résoudre tous les problèmes ? Difficile à dire. En attendant si la rédaction n’a pas la possibilité de faire écho à toutes les histoires personnelles des "maids", elle tient à conclure cet article en soulignant l’immense mérite, le courage et la force de ces personnes qui ont pour métier de faciliter la vie des autres…