Elliot beach. Une échoppe propose des produits issus d’une ferme pédagogique pour des personnes handicapées mentales. Un projet « bio » à l’initiative de la Fondation privée Esvi Sarada Foundation. Zoom !
La ferme « Sreyes » à Neiveli
Près d’Elliot Beach à Chennai, un petit stand de vente de légumes est le rendez-vous matinal des habitants du voisinage. Ce n’est pas une échoppe ordinaire, les produits proposés sont issus d’une ferme pédagogique pour des personnes handicapées mentales et sont tous labélisés bio.
Le lieu de production est la ferme «Sreyes», située à une vingtaine de kilomètres au nord ouest de Chennai dans le petit village de Neiveli. Sur deux hectares et demi, l’exploitation est ilot au milieu de rizières et de champs d’arachide et de lentilles. Elle existe depuis trois ans. Son objectif est double. D’un côté, développer un savoir faire pour produire des aliments de qualité, exempts de pesticides et d’engrais chimiques. De l’autre, disposer d’un outil pédagogique pour l’accompagnement et la socialisation de jeunes adultes handicapés mentaux. Ceux-ci y trouvent un contact direct avec la nature et l’occasion d’une activité physique collective. Participer à une production utile, à valeur économique, leur procure fierté et reconnaissance sociale.
Un projet « bio » de la production à l’énergie
Le travail toute l’année ne manque pas. L’équipe est aux récoltes, arrosages et surveillance des parasites. C’est la saison des aubergines, tomates, carottes, gombos et haricots. Plus tard, ce sera le tour des courges sous toutes leurs formes et des herbes potagères. Le choix d’une production sans pesticides suppose une attention de tous les jours pour maintenir l’équilibre biologique. Tout est mis en œuvre pour garantir le projet « bio » : rotation des plantations d’une année à l’autre, semis de fleurs pour attirer des insectes pollinisateurs, installation de perchoirs au milieu des rangs pour appâter des oiseaux qui se nourrissent de larves et d’insectes, ensemencement de coccinelles pour éliminer les pucerons, pulvérisations de décoctions de feuilles de neem (margousier) connu pour son effet fongicide, arrosage raisonné, élevage de quelques vaches et des poules pour produire des fertilisants non chimiques... Le projet vise également l’autonomie énergétique : panneaux solaires, récupération du méthane du fumier des vaches comme combustible pour la cuisine...
L’ESF, une fondation au service des jeunes adultes handicapés
La ferme appartient à une fondation privée - l’ESF ( Esvi Sarada Foundation) - institution fondée au début des années 2000 par un riche industriel. L’objet de la fondation est d’aider de jeunes adultes handicapés à devenir autonomes et de soutenir leur famille. Elle dispose de deux centres dans Chennai pouvant accueillir une soixantaine de personnes de plus de 18 ans. Ces jeunes, garçons et filles, sont pris en charge à la journée et retournent le soir dans leur famille, sauf pour ceux qui bénéficient du programme d’immersion à la ferme (trois jours par semaine). Le projet d’accompagnement est individualisé en fonction des capacités et choix de chacun. L’objectif est d’apprendre à vivre en groupe, en intégrant des règles de vie sociale, y compris à l’extérieur de l’institution (traverser une route, repérer la police pour trouver de l’aide en cas de problème). Des activités ludiques et éducatives rythment les journées.
50 millions de personnes souffriraient d’handicap en Inde
Les chiffres manquent pour décrire précisément la situation de la population handicapée en Inde. On estime que plus de 50 millions de personnes souffrent d’un handicap physique ou mental.
La personne handicapée trouve difficilement sa place dans la société indienne. Il est évident que l’environnement public n’est pas du tout adapté aux contraintes de mobilité des handicapés physiques. Le handicap mental et psychique est un sujet tabou. Il est souvent considéré par les Hindous comme une punition divine pour mauvais comportement dans une vie antérieure. Avoir un enfant handicapé reste encore une honte pour beaucoup de parents et les structures publiques de prise en charge des enfants souffrant de maladies mentales sont très rares.
Les familles qui contactent ESF sont souvent à bout de force, démunies face aux troubles du comportement de leur enfant et ne supportant plus le poids social du handicap. Certaines sont dans le déni. Elles demandent à l’institution d’éduquer leur enfant c’est à dire de lui apprendre à parler, lire et compter alors que les capacités cognitives du jeune ne le permettent pas. La fondation ne reçoit aucune aide financière de l’état. Le coût par participant est d’environ 8000 roupies par mois. Les dons privés permettent d’accueillir des jeunes dont les familles ne peuvent supporter une telle charge.