Pondichéry, sur la terrasse de La Villa. Michel Christmann pose son tablier et nous raconte sa rencontre avec l’Inde, et à quel point ce pays le marque, par ses personnes, ses produits, ses odeurs et sa culture.
Qui est Michel Christmann ?
Michel Christmann est un Chef originaire de l’Est de la France. Passionné de cuisine, il apprend son métier dans un établissement renommé, nommé Le Crocodile à Strasbourg. Ce qui l’anime particulièrement est de mettre en valeur les produits locaux.
Après des expériences dans de grands établissements pour parfaire ses compétences (pour en savoir plus, n’hésitez pas découvrir son portrait ici), il s’envole avec sa femme en Russie. « Nous avions envie de bouger, c’est comme un appel, un jour. » Là-bas, il ouvre un restaurant gastronomique français nommé Le Pinot Noir. De retour en France, il poursuit ses expériences en mettant toujours en avant les produits du terroir. Il ne tarde pas à obtenir le trophée Jeunes Talents et deux toques au célèbre guide Gault et Millau. En 2018, à nouveau cette envie du voyage et de la découverte d’ailleurs le titille. « Nous avions envie de découvrir des choses, sans savoir encore que notre destination serait l’Inde. Je n’étais jamais venu dans ce pays auparavant. Un matin je vois une annonce, cela m’a intrigué. ». Le voilà qui s’envole avec sa famille vers l’Inde, Pondichéry.
« L’Inde me marque profondément »
Il nous le répète beaucoup pendant notre rencontre : L’Inde le marque. Dès son arrivée il y a maintenant 3 ans, Michel ne sait pas encore qu’il va vivre une année entière d’adaptation. Une période difficile, remplie de doutes et de découvertes. « C’est une année un peu parenthèse pour moi, j’ai mis du temps à m’imprégner de la culture du pays, à connaître les produits, à apprendre à les cuisiner et surtout… à travailler avec les Indiens. ». En fait, nous creusons un peu et comprenons ce que le jeune Chef veut dire : « le challenge a été de sortir un peu d’un monde : je viens d’un monde carré, cadré. J’arrive et je constate petit à petit qu’il faut apporter ce cadre aux personnes qui travaillent avec moi, mais eux voient ce cadre comme une source de stress. En fait, je représentais la personne qui vient ramener le stress dans leur vie. » A cela, Michel Christmann apprend à observer son entourage professionnel, et comprend qu’il ne faut pas s’imposer « Au début, on s’énerve, on s’épuise. Les indiens ne voient pas le travail comme nous. Ils ne mettent pas le travail en priorité dans leur vie, donc au niveau du management, il faut trouver une forme d’accord, d’intelligence pour les comprendre. Du coup j’ai appris à les observer travailler et finalement adapter mon management. »
L’Inde le marque à travers ses produits. Michel Christmann nous fait goûter une huile à la couleur verte. Nous avons cherché les nuances de vert, et s’il fallait choisir, nous dirions que c’est un vert sinople, profond. Nos papilles frétillent : « Au fil des mois, nous avons développé une aide culinaire, l’huile de curry, et tout cela vient d’une feuille dont on a voulu extraire la couleur et le goût. C’est un peu comme une huile d’olive. La feuille de curry, c’est ce qui m’a le plus marqué. En fait, la 1ère fois que je suis arrivé à Pondichéry, une odeur s’est imposée, je l’avais dans le nez. J’ai cherché, cherché et l’ai enfin retrouvé. Il y a une vraie histoire entre ce produit et moi ! En plus, cette feuille est très représentative de la cuisine du sud, tout comme le tamarin. ». Michel nous raconte aussi que la nourriture, en Inde, est presque toujours liée à la santé. Il prend l’exemple de l’arbre Moringa, à la mode aujourd’hui « Toute famille Indienne (qui a la place) possède cet arbre. Les feuilles ont des apports exceptionnels. Du coup, nous avons créé une soupe. »
Le Chef nous confie qu’il est aussi très marqué par les personnes qu’il rencontre depuis 3 ans. Il y a tout d’abord le patron de la Villa, ce franco pondichérien, avec qui Michel noue une relation au-delà du business. Il y a aussi le sous-chef qui, par sa culture indienne, lui amène des choses qu’il ne connaissait pas et, de son côté, découvre les techniques françaises. Evoquons aussi des fournisseurs pêcheurs qui proposent des produits de grande qualité, fruit d’une pêche nocturne qui vaut le détour. Michel nous parle aussi un associé avec qui il a créé un élevage de canards. Ces rencontres ne se seraient pas faites si Michel Christmann ne mettait pas autant d’importance aux produits locaux « J’essaye d’acheter local, sur place, et j’évite à tout prix les produits importés. Au-delà de la cuisine et des produits, il y a vraiment des valeurs et une manière de penser. J’essaye d’apporter ici cette façon de penser, il y a tant de produits extraordinaires, juste sous nos yeux, pourquoi acheter le saumon de Norvège… ? »
Des projets plein la tête
« Les gens ont l’air contents de mon travail, cela me touche. C’est beaucoup de travail, il arrive souvent qu’on se démotive en Inde, et il faut se rebooster souvent. J’ai eu des périodes où je n’arrivais à vendre que des plats indiens et je me disais "mais à quoi bon proposer autre chose"…Il faut apprendre à être patient, faire découvrir d’autres plats et d’autres méthodes et garder la motivation. Car oui, petit à petit ça prend. »
Engagé pour 4 années à la Villa, Michel pense maintenant à accompagner son remplaçant, prendre le temps de le préparer « ce que je n’ai pas forcément eu à mon arrivée. ». Pas question pour autant de quitter l’Inde, du moins pas tout de suite. Le Chef souhaite, avec des associés, ouvrir un Restaurant, « The Spot ». Un élégant bâtiment blanc, annexe de l’alliance française en bord de mer est actuellement en rénovation, et cela promet d’être une très belle adresse. « Jardins, restaurant en rooftop…en termes de cuisine, on va s’éclater ! » nous confie le Chef, souriant. En parallèle, il développe une marque nommée « La Manufacture ». Les tests sont en cours. L’idée est de proposer une gamme de produits maison comme des pickles, des confitures, du poisson fumé (etc…), en respectant les goûts, tout en s’adaptant au palais Européen. Là encore, il y a sûrement moyen de s’éclater !
Nous terminons notre entretien le nez dans le menu. Tout nous donne envie, il faudra donc revenir… Ah si, dernière question avant que Michel ne retourne dans sa cuisine : Qu’est-ce que l’Inde vous a apporté ? Réponse très spontanée « Je me suis développé en tant que manager, j’ai découvert des produits extraordinaires, j’ai appris le calme, à être apaisé et j’ai tenté de sortir de notre système occidental. C’est un vrai travail sur soi et, avec le recul, j’ai aimé le faire. ».
Bonne continuation et merci pour cet entretien !
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