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La seconde main en Pologne : de magasin mal considéré à boutique tendance

La seconde main a une histoire particulière avec la Pologne. Entre le retour à la mode de certaines pièces emblématiques de la République populaire de Pologne (PRL), l’inflation, la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine, l’écologie et le poids des us et coutumes, quelle est la place de la seconde-main en Pologne de nos jours ?

magasin seconde main occasionmagasin seconde main occasion
Écrit par Margot Calisti
Publié le 9 janvier 2024, mis à jour le 4 octobre 2024

Les friperies, un nouveau regard en Pologne depuis la pandémie de COVID-19

Si au sortir du communisme, les magasins de seconde main ont longtemps été boudés car perçu comme un manque certain de richesse, un relent de l’époque PRL où l’on manquait de tout et l’incapacité de s’acheter des vêtements neufs, la tendance semble s’inverser ces dernières années. 

D’une part, la pandémie de Covid-19, forçant les gens à rester chez eux, les a poussés à faire le vide dans leurs armoires et à se débarrasser des vêtements qu’ils ne portaient plus. A cela s’est ajouté, pour certains, des problèmes financiers, bref, ce phénomène est venu renflouer les stocks des magasins de seconde-main partout dans le monde. En plus d’un changement de mentalité quant aux habitudes de consommation - certains voulant revenir à des modes de consommation plus frugal alors que d’autres continuent de dépenser sans compter, ces deux comportements paradoxaux s’expliquent par la privation causée par la pandémie et la peur de l’avenir qu’elle a entraîné.

 

Un marché relancé par la guerre en Ukraine 

De plus, la guerre en Ukraine a amplifié le phénomène de la seconde main en Pologne.

D’une part des milliers de réfugiés ont afflué dans le pays avec quelques bagages et très vite, en plus des dons de vêtements, ils se sont tournés vers les fripes, les magasins de seconde main et les sites en ligne pour se vêtir. 

Cela a eut pour effet de créer un nouveau marché de la seconde-main et l’inflation qui fait toujours rage en Pologne depuis le début du conflit, a également poussé les Polonais et plus largement, les résidents en Pologne, a revoir leurs clichés sur ce genre de boutiques. Une grande partie d’entre eux n’a pas eu d’autre choix que de se tourner vers la seconde main pour renouveler leur garde-robe et celle de leur famille quand d’autres ont vu sous un autre jour ce mode de consommation. 

 

Un retour aux sources de la mode des mères et grands mères polonaises

Enfin, depuis quelques années, comme par exemple en 2022, on peut retrouver dans les collections des grands magasins de fast-fashion en Pologne, des pièces inspirées des vêtements à la mode entre les années 1950 et de la fin du communisme. Si ces modes ont longtemps été délaissées, résidus d’un temps révolu que l’on préfère oublier, elles font leur retour sur les étales des boutiques, à l’image des chemisiers avec broderies ajourées. Ainsi, ces modèles font leurs retours dans les placards des Polonaises, mais la qualité des tissus est bien moins grande que ceux produits à l’époque, les Polonais se tournent donc vers des pièces « vintage ». Entre souvenir d’enfance et cycle de la mode, les fripes font leur entrée sur le devant de la scène.

 

Des arguments de poids pour les jeunes : c’est écologique et c’est moins cher

Les friperies et autres boutiques de seconde-main ont plusieurs arguments en leur faveur. D’abord, elles sont bien plus écologiques.

En effet, le secteur du textile produit en moyenne, et selon l’ADEME (Association de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), 4 milliards de tonnes de CO2 par an, soit plus que l’empreinte du trafic maritime et de l’aviation réunis mais aussi 240 000 tonnes de microparticules de plastiques qui se retrouvent dans l’environnement (environ 24 milliards de bouteilles d’eau en plastique) et est responsable de 20% de la pollution des océans. Et tout cela sans parler de la quantité d’eau utilisée, des produits chimiques utilisés, de leur impact sur la santé des humains qui les fabriquent et des conditions de travail déplorables des travailleurs en usine (scandale des Ouïghours, par exemple) 

Aussi, les vêtements achetés en seconde main sont souvent bien moins cher que ceux trouvés dans le commerce classique, ce qui est un argument de poids considérant l’inflation qui pèse sur le porte-monnaie Polonais. 

De ce fait, 83% des polonais de moins de 25 ans affirment faire des achats dans les magasins de seconde main. Les fripes répondent en grande partie aux attentes de la génération Z : respect de l’environnement, prix plus bas que dans les autres boutiques, cycle de la mode qui remet au goût du jour des vêtements du siècle précédent mais aussi, une grande présence sur les réseaux sociaux, notamment TikTok, qui s’adresse principalement aux jeunes et l’augmentation des boutiques en ligne, qui depuis la pandémie de Covid-19, voient leur popularité augmenter, puisque les ventes en ligne en Pologne ont augmenté de 20% en un an, d’après le quotidien Rzeczpospolita

Malheureusement pour les boutiques physiques, cette tendance de la seconde-main en ligne entraîne la fermeture des enseignes qui ont diminué en nombre de 40 % depuis 2008. Cette tendance des magasins de seconde-main s’est lancée sur les réseaux sociaux, avec des adolescents ou jeunes adultes qui font de l’ « upcycling » en modifiant les vêtements de leurs parents ou grands-parents pour les adapter au goût du jour. 

S’il reste tout de même compliqué de trouver la pièce idéale, regroupant qualité, coupe et prix adapté à son budget, les Polonais ne semblent pour autant pas s’y arrêter, puisque 2 polonais sur 3 des jeunes générations déclarent plus volontiers acheter en fripes que dans les enseignes traditionnelles. 

Les boutiques de seconde-main demandent une organisation plus importante que les grandes chaînes de fast-fashion, puisqu’il faut prendre le temps de chercher, parfois dans plusieurs magasins, la pièce recherchée, mais aussi s’adapter aux jours de livraison et de promotion, mais c’est une adaptation que les polonais ont l’air de vouloir adopter.

 

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