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Courir et nager en Pologne : découvrez le swimrun, discipline venue de Suède

Les sportifs polonais aimant les défis, au cours de l'année 2016, des épreuves en montagne ou dans les régions lacustres de la moitié nord du pays sont très vite apparues : la Pologne a accueilli une nouvelle discipline, le swimrun à bras ouverts ! Partons à la découverte de ce défi sportif alliant course et nage. 

Slezsk Harta Delegation Polonaise de swimrunSlezsk Harta Delegation Polonaise de swimrun
Tomas Matera, Slezsk Harta délégation polonaise
Écrit par Éric Visentin
Publié le 10 juin 2022, mis à jour le 27 juin 2023

 

Qu’est-ce que le Swimrun ?

Un peu à la manière des Hawaiiens lorsque ces derniers créèrent les triathlons « ironman », suite à un pari lors d’une soirée arrosée, les Suédois imaginèrent, dans le début des années 2000, un défi consistant à courir et nager sur et entre toutes les îles de l’archipel de Stockholm. ÖTILLÖ (« d’île en île », en suédois), était né.

Deux seules règles : on emmène tout l’équipement que l’on veut, à condition de finir l’épreuve avec, et on le fait en binôme, pour la sécurité. Par l’alternance des portions de course à pied et de nage, de longueurs diverses et en général nombreuses, comprenez qu’il faut nager en chaussures, et courir avec lunettes de nage et bonnet de bain !

La géographie de la péninsule scandinave s’y prêtant bien, le « swimrun » (personne n’a imaginé de nom plus original), surfant sur la culture sportive et l’amour de la nature chez les habitants de ces pays, est devenu une discipline à part entière au fil des années. Resté un temps « intra-muros », il est progressivement devenu à la mode dans d’autres pays, essentiellement en Europe, et s’est découvert un nouveau point d’ancrage idyllique sur les littoraux du bassin méditerranéen. Grace à la richesse de sa géographie, la France est elle-même devenue l’un des pays ou la discipline est le plus à la mode, et rares sont les coureurs de trail qui n’en ont jamais entendu parler.

 

 

Swimrun
Photo : Dorota Wilk-Visentin, Nidzica : paddles en plastique sur les mains permettent d’augmenter l’efficacité du mouvement de crawl

 

 

Quel équipement pour pratiquer le swimrun ?

Comme dans toute discipline sportive, l’équipement suit inexorablement la recherche de la performance, et de nos jours, les « swimrunners » utilisent une panoplie désormais établie : pour compenser le manque d’efficacité des pieds (avec les chaussures …) et améliorer la flottabilité, on nage avec un flotteur entre les jambes, et des paddles en plastique sur les mains permettent d’augmenter l’efficacité du mouvement de crawl. En binôme, les deux équipiers sont reliés par une corde élastique de 5m, ce qui permet au nageur le moins performant d’être tracté.

Bien entendu, sur le rivage tout cela est accroché à la taille. L’eau étant en général froide dans les pays du Nord, et les combinaisons de triathlon étant trop rigides et chaudes pour courir, les combinaisons de swimrun, flexibles au niveau des jambes, et à manches courtes, ont conquis un nouveau marché. Certaines marques de chaussures proposent aussi désormais des modèles dédiés au swimrun, évacuant l’eau plus rapidement.

L’un des points clés de la réussite réside entre autres dans la rapidité des transitions : il faut savoir ajuster bonnet, lunettes, flotteur et paddles durant les derniers hectomètres de course, afin de pouvoir se jeter à l’eau en nageant immédiatement. Et vice-versa sur la berge opposée, visible au loin grâce a des drapeaux.

En résumé, un sport d’endurance ou il faut avoir le cœur bien accroché, mais qui récompense l’effort par une « immersion » complète dans l’endroit visité.

 

Swimrun Slezka Harta CZ
Photo : Tomas Matera. Eric Visentin avec son binôme, en plein effort, Slezka Harta 

 

Le swimrun en Pologne

Les sports d’endurance ont connu un boom spectaculaire dans les années 2010, bénéficiant du pouvoir d’achat grandissant, des loisirs, et de l’intérêt que les Polonais portent pour la nature de leur pays : marathons, courses de VTT, trails, et plus récemment la démocratisation des triathlons. Les sportifs polonais aimant mélanger les goûts, il n’a pas fallu longtemps avant de voir apparaitre des épreuves en montagne, ou dans d’autres régions constituant les attraits touristiques naturels du pays. Forte de ses régions lacustres dans sa moitié Nord, la Pologne a accueilli le swimrun les bras grands ouverts.

L’acte de naissance se situe probablement lors de ce début septembre 2016, lorsqu’un petit groupe de passionnés, abonnés réguliers aux épreuves sportives extrêmes et pour certains organisateurs de petites épreuves locales, décida de se rencontrer dans les Bieszczady, afin de tester quelques portions d’itinéraires entre les bras méandreux du lac de Solina. Parmi eux, un certain Jędrzej Maćkowski, ex-animateur TV, qui avec son collègue Rafał, venait de terminer l’épreuve « Rockman » en Norvège, ainsi que Gabriella et Kacper, organisateurs qui allaient par la suite pérenniser l’idée dans la région de Solina.

2017 vit l’apparition quasi-simultanée de trois épreuves officielles, chacune revendiquant, un peu chaotiquement, le titre de premier swimrun en Pologne. Le parcours de Solina, se déclinant en trois distances (40, 20, 10), donna naissance à l’épreuve « Swimrun Polska ». Gabriella et Kacper accomplirent même le tour de force d’inscrire cette épreuve, dès sa première édition, au calendrier officiel ÖTILLÖ, regroupant les épreuves permettant de se qualifier pour les championnats du monde, en Suède.

Jędrzej et Rafał créèrent « GoSwimrun», une autre épreuve se déroulant sur le lac de Wióry, dans les Monts Świętokrzyskie. Également lac de retenue à la géographie complexe, et entouré de jolies collines, cette épreuve est elle aussi devenue un évènement phare.

Enfin, dans le nord-ouest, dans la région de Kociewie (à proximité de la Cachoubie), des passionnés de sport de la municipalité de Starogard Gdański créèrent une épreuve nommée « Polswimrun ». Bénéficiant de l’exceptionnel patchwork de lacs de la région, malgré un profil plus plat, elle procure une expérience du swimrun magnifique, et s’est elle-aussi inscrite dans la durée.

L’année suivante, Swimrun Garmin est apparu avec une épreuve non loin à Stężyca (Bory Tucholskie), sur une distance néanmoins plus courte. Près d’Opole est aussi apparu le « Swimrun industrialny », ainsi nommé car utilisant un groupe de lacs au cœur d’une région autrefois minière. La fantaisie ne connait aucune limite lorsqu’il s’agit d’exploiter les spécificités des régions de Pologne, y compris la où personne n’envisageait la possibilité de nage en eaux libres !

Ces dernières années, et ce malgré la pandémie, paradoxalement de nouvelles épreuves ont continué de fleurir. Ceci peut s’expliquer en partie par le fait que les épreuves de masse traditionnelles se sont vues annulées en raison des restrictions sanitaires. Les swimruns, généralement à petite échelle et ne représentant pas un risque majeur de contamination car en plein air, ont pu contourner ces restrictions, et attiré un nouveau public.

Les épreuves phares se sont muées en cycles avec des courses supplémentaires, et la Mazurie, jusque-là injustement épargnée par le phénomène swimrun, a vu l’apparition de trois épreuves : sur le lac de Jeziorak (Swimrun Polska, renommé depuis Aquaman), à Nidzica (GoSwimrun), et à Gołdap (Garmin Series).

Dans la région de Poznań, sont apparus également le Swimrun Lwa (du triathlon éponyme), et à Miedzychód (Aquaman). Chez les voisins Tchèques, aussi férus de sport, un « Czech Swimrun Tour » est né. Certaines étapes dans les Sudètes attirent régulièrement des membres du microcosme sportif de Pologne.

 

Le Swimrun, un hobby avant tout

Cette avalanche de dates et d’épreuves ne doivent pas donner la fausse impression que les swimrunners sont des « geeks » accros à la performance et à la compétition, tel que l’on carricature parfois les triathlètes. Le swimrun est avant tout un hobby, que nombreux pratiquent pour leur simple plaisir. La pandémie a même accéléré ce phénomène.

Les lacs proches de Varsovie sont durant la période estivale régulièrement le théâtre d’entrainements et d’initiation. Il existe un groupe sur Facebook nommé « Swimrun Polksa », ou les membres échangent de manière active sur leurs découvertes et expériences.

Créer de toutes pièces un parcours swimrun, dans une région que l’on connait, ou que l’on ne connait pas (parfois à l’aide de Google Maps) fait partie de l’aventure et du fun ! Il est néanmoins essentiel de s’assurer de la possibilité de nager d’un point de vue légal, ainsi qu’un repérage au préalable des zones permettant d’entrer et sortir de l’eau : plages, pontons, rives dégagées… sous peine de se frayer un chemin dans les roseaux !

Ces deux années de pandémie ont vu d’innombrables regroupements spontanés, via les « events » de Facebook, regroupant parfois jusqu’à trente personnes et monopolisant les campings, dans les jolies régions de Mazurie et Cachoubie, ou encore les lacs de retenue dans les Sudètes et les Beskides. Le « swimrun touristique » a de beaux jours devant lui !

L’une des règles fondamentales, rappelons-le, est de le pratiquer le swimrun en binôme. Seules de rares exceptions existent pour les distances courtes dites de découverte. Sport d’équipe, il ne laisse aucune place à l’égo : supporter le partenaire avant tout, y compris dans les moments difficiles.

Un peu a l’image du tennis en paire, du canoé en double, ou du patinage artistique, nager et courir avec son meilleur ami, ou au contraire avec une personne que l’on connait moins, est un excellent moyen d’apprendre à se connaitre et de lier de belles amitiés.  

De nos jours, le swimrun en Pologne est porté par un noyau dur de quelques dizaines de passionnés, grâce à qui chaque rencontre est un grand moment de convivialité.

 

Les Polonais aux championnats du monde

L’épreuve initiale dans l’archipel de Stockholm (ÖTILLÖ) est devenue au fil des années une épreuve phare où tous veulent se rendre, au point que les organisateurs d’ÖTILLÖ mirent en place un barème, un peu à l’image des points UTMB en trail, où les points se gagnent lors de courses partenaires du cycle, nommées « ÖTILLÖ merit races ».

Solina, comme mentionné plus haut, en fait partie, tout comme Cannes en France. Trois catégories existent : hommes, femmes et mixte.

Viser l’ÖTILLÖ est une entreprise onéreuse, qui implique trois, quatre, voire plus en cas d’échec,  déplacements durant l’année, dans des endroits d’Europe assez distants. La préparation physique qui accompagne cet objectif, s’y l’on veut y parvenir, est elle aussi assez conséquente, et l’on sort du schéma « swimrun-hobby » avec de nombreux entrainements en piscine et en course à pieds…

Une vingtaine de Polonais et Polonaises ont réussi néanmoins à se qualifier et terminer l’épreuve :

  • En 2021, trois équipes mixtes se classèrent respectivement 21e, 34e et 37e ;
  • En 2019, deux équipes masculines se classèrent 37e et 75e, et une mixte 31e ;
  • En 2018 également une mixte (65e) et deux masculines, 31e et 48e, dont la meilleure performance à ce jour : Wojciech Ptak et Jacek Śliwiński sont les seuls à avoir relié les 24 iles et les 75km en moins de dix heures.

 

Quelques liens pour aller plus loin :

Aquamanswimrun

Goswimrun

swimrunsumin

swimrunseries

Groupe Facebook SwimRunPolska

 

Eric Vinsentin, l'auteur de cet article, est lui-même un adepte assidu de ce sport ! Quelques compte-rendu sur les épreuves polonaises sont parus sur le site de Swimrun France ici, ici et encore ici, avec à la clé une petite bio.

Joggeurs et nageurs de la communauté francophone, n’hésitez pas à vous jeter a l’eau, pour visiter la Pologne sous tous les angles !