« Impression, soleil levant » : dans ce tableau, devenu mythique, c’est une vue sur le port du Havre que Monet a représenté. Le nom de cette œuvre dénigrée par un critique d’alors donnera naissance au terme Impressionniste. Terme qui accompagnera un courant pictural qui viendra bouleverser les fondamentaux de l’histoire de l’art et dont la renommée deviendra mondiale. Pour les Impressionnistes, il s’agit de retranscrire la singularité des instants capturés, de figurer les impressions de réalité dans ce qu’elles portent en elles d’imprécis et de flou.
En cela, Cracovie est une ville éminemment impressionniste. Il y règne une atmosphère « embuée ». Une atmosphère particulière où les tons pastel des façades des bâtiments anciens se conjuguent à la « mgła » (brouillard) très fréquente, voire quotidienne, qui envahit les rues, se blottit dans le lit de la Wisła. À l’époque où le charbon servait à chauffer les habitations, visuellement cette impression était d’autant plus dense et opaque. Cette atmosphère feutrée nourrit l’âme de la ville, le cœur des gens.
Balades artistiques
De Wyspiański à Czesław Miłość, pour ne citer qu’eux, nombre d’artistes sensibles à cette atmosphère unique se sont installés à Cracovie. Baudelaire se serait plu à ressentir le « spleen cracovien », c’est certain. Cracovie se devine sur l’air de la « Bardzo smutna piosenka retro » (« Chanson rétro très triste ») balade chantée par l’emblématique groupe Cracovien Pod budą.
Que la lumière soit
Le jour tombe vite à Cracovie. Avec le passage à l’heure d’hiver, à partir de 15 heures, il commence à faire sombre déjà. Moi qui, je l’avoue, ne suis pas habituée à un rythme diurne si resserré, j’ai machinalement recours au : « Dobry wieczór » (bonsoir) à l’heure où en France les enfants n’en sont qu’au goûter. Les Cracoviens continuent d’utiliser le « Dzień dobry » (bonjour) jusqu’à une heure tardive.
La lumière est embuée, opaque. Le « smog » participe à envelopper la ville d’une épaisseur poudrée.
Par ailleurs, de nombreux bars ne laissent entrer que peu de lumière directe. Certains, et il ne sont pas rares, dont le fameux Stary Port près de l’Université Jagellon, occupent les sous-sol… Dans le quartier Kazimierz on allume les bougies posées sur les tables dès la fin d’après-midi. Atmosphère toujours et encore…
Une douceur de vivre l’âme slave
Certes, la ville bat son plein. À prendre son pouls, on constate que comme toute métropole, Cracovie porte son flot de passagers journaliers et ce, densément aux heures de pointe. L’électricité dans l’air se fait alors sentir. Les gens se pressent. Les grands axes sont d’autant plus encombrés, que les trottoirs sont étroits. Il n’en reste pas moins que si l’on prenait la tension de la ville étalée dans le temps, d’une journée, d’une saison, d’une année, la moyenne de cette tension serait plutôt basse. Il est d’ailleurs à noter que les flashs météo de la radio locale indiquent les fluctuations du baromètre (preuve de l'importance de la pression atmosphérique).
Cracovie, comme toute autre ville ancienne, porte en elle la somme des traditions passées en héritage. Une longue histoire d’influences, citons rapidement les cultures galicienne et ottomane, qui sautent aux yeux à qui sait les reconnaître mais réservons cela à plus tard, à une autre fois.
L’âme slave est fière. Fière, mais accompagnée du souci de l’autre. L’esprit du temps de la « Komuna » a sans doute participé à resserrer des liens de solidarité entre amis, entre voisins, en les pimentant d’une pointe de cynisme, ajouterai-je. Toujours est-il qu’aujourd’hui comme hier les gens ont plaisir à se rencontrer, à discuter autour d’un verre. Les cafés, les restaurants, les terrasses surtout lorsqu’elles sont chauffées, ne désemplissent pas.