Le Sénat polonais a voté dans la nuit de mercredi à jeudi une loi sur l’Institut de la Mémoire nationale punissant entre autres ceux qui « attribuent à l’Etat polonais et à la Nation polonaise la responsabilité ou la coresponsabilité de crimes nazis perpétrés par le IIIe Reich allemand » (57 sénateurs ont voté pour, 23 contre et 2 se sont abstenus).
Réactions internationales
Mercredi, avant le vote, le département d’Etat américain a publié une déclaration dans laquelle les Etats-Unis expriment leur inquiétude quant aux conséquences de cette loi qui risque d’avoir des répercussions sur les intérêts et relations stratégiques de la Pologne, y compris avec les Etats-Unis et Israël. Le département a par ailleurs appelé la Pologne à réexaminer la loi en vue des possibles conséquences sur la liberté d’expression et sur les relations polono-américaines. Les médias mentionnent également qu’une lettre adressée au Président Duda a été écrite dans le même esprit par les membres du Congrès de la commission chargée de la lutte contre l’antisémitisme. Selon eux, la loi gèlera le dialogue et les travaux scientifiques sur l’Holocauste.
En outre, mercredi soir, une proposition de « contre loi » a été présentée à la Knesset et a obtenu l’appui de principe de 61 députés israéliens sur 120. Ce projet introduit une peine de cinq ans de prison pour ceux qui « réduisent ou nient le rôle de ceux qui ont aidé les nazis dans les crimes commis contre les Juifs ».
Rzeczpospolita évoque la réaction négative et virulente de l’Ukraine. Le Ministère des Affaires étrangères ukrainien a accusé Varsovie de « politiser des cartes tragiques de l’histoire commune ». M. Vladimir Viatrovych, directeur de l'Institut de la mémoire nationale à Kiev, s’est offusqué que « la Pologne introduise un diktat politique, ce qui rappelle les temps communistes quand les hommes politiques décidaient comment interpréter des événements historiques ». Selon lui, cette loi nuira aux relations polono-ukrainiennes et supprimera tout dialogue entre historiens.
Et en Pologne ?
Gazeta Wyborcza publie un appel d’une centaine d’artistes, journalistes et hommes politiques polonais (la réalisatrice Agnieszka Holland, l’ancien président Aleksander Kwasniewski, la journaliste et écrivaine américaine Anne Applebaum, l’ancien chef de la diplomatie polonaise Radoslaw Sikorski, l’actrice et épouse Krystyna Zachwatowicz-Wajda, le poète Adam Zagajewski) demandant que le projet de loi soit amendé afin de supprimer la pénalisation des expressions blessantes à l’égard de la Pologne.
Mercredi, dans la journée, le voïévode de Varsovie a fermé la rue devant l’ambassade d’Israël pour des raisons de sécurité et pour éviter une manifestation annoncée par des milieux nationalistes.
Les médias relèvent le durcissement de la position du gouvernement polonais qui « ne voit pas de raisons de changer la loi », ce qui a été souligné hier à plusieurs reprises par les hommes politiques du PiS (Vice Premier ministre Mme Szydlo, maréchal du Sénat M. Karczewski). Selon M. Patryk Jaki, Secrétaire d’Etat au ministère de la Justice, la Pologne « est victime du conflit interne à la vie politique israélienne ». Hier matin à la radio publique, le Président du Sénat a annoncé la publication, dans la journée, d’une déclaration du gouvernement qui précisera encore mieux le sens de la loi. Il a également expliqué que le Sénat a voulu rapidement adopter la loi pour pouvoir « dès jeudi, discuter, dialoguer, expliquer et entreprendre des actions non seulement en Pologne mais aussi des actions diplomatiques dans le monde car on voit que la situation est difficile et compliquée ».
Un commentateur de Rzeczpospolita s’interroge sur les motifs qui ont poussé le PiS à ouvrir cette question : est-ce pour défendre le renom de la Pologne ou pour rassurer son électorat en montrant que la Pologne continue à « se redresser après avoir mis un genou à terre ».
La Rédaction (lepetitjournal.com/Varsovie) - Vendredi 2 février 2018