La capitale polonaise ne manque pas de parcs, tous plus beaux les uns que les autres mais le parc Łazienki occupe une place à part. Le plus grand de Varsovie, et sans doute le plus beau, on peut s'y perdre des heures durant, à parcourir ses allées si bien entretenues, à s'approcher de ses écureuils peu farouches ou à admirer ses belles statues. Apprécié de tous pour une balade dominicale ou un footing matinal, ses pavillons sont eux nettement moins connus.
L'histoire du parc
C'est le roi Stanislas Auguste Poniatowski, ou Stanislas II qui a créé ce parc. Dernier roi de Pologne, il est élu par la noblesse en 1764 et son règne coïncide avec une période difficile pour le pays. En effet, la Pologne est alors faible et engagée dans de nombreux conflits militaires qui lui font perdre une grande partie de son territoire. Stanislas II veut donc tout faire pour redonner à son pays une puissance forte et son lustre d'antan. Peu doué dans les domaines politique et militaire, il entend relever la Pologne par la culture et les arts, où il excelle, avec entre autre la construction et l'aménagement du parc Łazienki. Refusant d'habiter toute l'année au Palais Royal de la vieille ville, où il trouve qu'il y a trop de monde et trop de mauvaises odeurs, Stanislas décide d'y installer sa résidence d'été..
Le parc Łazienki en 1775, peint par Bernardo Belloto
C'est un immense parc qu'il fait construire, de plus de 76 hectares, entouré à l'époque de forêt et de champs. Le roi Stanislas II rachète le terrain au prince Lubomirski et y installe une dizaine de pavillons, qui ont tous miraculeusement survécu à la Seconde Guerre mondiale, même si le Palais sur l'eau fut partiellement brûlé. Le parc garde ainsi la même organisation et les mêmes allées qu'avant-guerre.
Le parc
Au détour d'une allée à l'est du parc (voir plan ci-dessus), on trouve le blason du roi Stanislas II. Il est constitué de deux aigles, symboles de la Pologne et de deux cavaliers, symboles de la Lituanie. Cet écusson représente l'alliance très étroite qui a régné entre la Pologne et le grand-duché de Lituanie pendant 250 ans. Au milieu du blason se trouve un taureau, allégorie de la famille du roi, les Poniatowski.
Vous connaissez peut-être cette statue qu'on trouve sur le pont à l'arrière du Palais sur l'eau, et qui représente le roi polonais Jean Sobieski III, mort à la fin du XVIIe siècle. Roi légendaire, il avait réussi à se détacher de la noblesse qui l'avait élu, et à diriger seul son pays faisant de son règne une période faste pour la Pologne. Comme la statue le présente, c'était un guerrier valeureux, qui a gagné plusieurs batailles et a participé notamment à repousser les Turcs devant Vienne. C'est également lui qui est à l'origine de la construction du palais de Wilanów. Stanislas II, qui veut redonner son lustre à la Pologne, voit dans Jean Sobieski III un modèle de force et souhaite que son règne soit tout aussi bénéfique à son pays. Il veut à tel point s'en inspirer que la statue est placée en face de la salle de réception du Palais sur l'eau. Ainsi, quand il doit prendre une décision, il peut à loisirs la contempler par la fenêtre, comme pour prendre exemple sur cette figure héroïque.
Écrin naturel, le parc est rempli d'animaux et vous pouvez ainsi, au détour d'une allée, apercevoir des paons, des écureuils ou toute une variété de canards sur les plans d'eau. Il y a même des biches, que vous verrez peut-être si vous êtes chanceux.
La Maisonnette blanche
Un des pavillons que vous aurez peut-être la chance de visiter est la Maisonnette blanche, bâtiment dédié à la famille royale. Avec quatre façades identiques, il comporte un balcon sur le toit, comme c'est souvent le cas pour les édifices néo-classiques, appelé "belvédère"(mot qui vient du latin "bello", beau et "videre", voir). La structure de l'édifice est volontairement légère et épurée car le terrain s'est révélé humide et instable.On peut aujourd'hui visiter ce pavillon mais l'étage n'est pas accessible car le plancher est trop fragile. C'est à cet étage que se tenaient des réunions clandestines entre hommes et femmes, qui se retrouvaient là pour discuter en toute tranquillité. Les Français n'étant jamais très éloignés de l'histoire polonaise, Louis XVIII, frère du roi Louis XVI y a résidé temporairement après s'être évadé de France au tout début du XIXe.
C'est dans cette salle à manger que se tenaient les fameux « déjeuners du jeudi » du roi Stanislas II, sur le modèle des salons littéraires parisiens de l'époque. Il y invitait tous ceux qui pouvaient participer au rayonnement de la Pologne : poètes, militaires, penseurs, philosophes... Il faut imaginer qu'une grande table se tenait au milieu de la pièce pour accueillir tous ces invités. Les murs sont ornés de figures grotesques qui se caractérisent par des motifs reproduisant des figures extravagantes ou encore des animaux fantastiques. Au-dessus des quatre miroirs on notera la présence des quatre éléments naturels : la terre, le feu, l'eau et le vent. Enfin aux quatre coins de la pièce, des statues d'animaux représentent chacune un continent. A vous de les retrouver!
Plus loin, la pièce de détente est entièrement décorée de scènes chinoises. Au XVIIIe siècle, il existe en effet une réelle fascination pour ce type de décor. Les Européens, voulant retourner vers la nature trouvaient que les Chinois vivaient en accord avec cette dernière, et qu'il fallait donc prendre exemple sur eux. Au palais de Wilanów, on retrouve également ce goût pour les chinoiseries.
Le Palais sur l'eau
Le Palais sur l'eau ou Palais sur l'île, qui tient son nom au fait qu'il est entouré d'eau et situé sur une île artificielle, était la résidence d'été de Stanislas II. Le bâtiment existait déjà dans une forme plus simple en tant que petit pavillon des étuves du prince Lubomirski. Cela inspira d'ailleurs le nom du parc au roi Stanislas II, Łazienki Królewskie, qui signifie littéralement en polonais Bains Royaux. De l'époque du prince, le roi conserve deux pièces de ce pavillon, qui étaient des salles de bain, ainsi que l'inscription au-dessus de la porte de la façade principale, qui signifie : « Cette maison est dédiée aux personnes heureuses, qui adorent les bassins et qui reconnaissent la vie paisible du monde ». Lors de la Seconde Guerre mondiale, les nazis ont tenté d'en percer les fondations afin d'y mettre des explosifs mais ils ne réussirent finalement qu'à brûler partiellement le palais.
La salle de Bachus fait partie de celle que Stanislas a conservée de l'époque du prince Lubomirski Il a fait mettre sur les murs des carreaux des Pays-Bas, pour souligner l'ancienne fonction de salle de bain de cette pièce. Les carreaux ont brûlé lors de l'incendie du palais durant la guerre mais ils ont été refaits à l'identique, à la main. On trouve au centre la statue de Bachus, dieu du vin. C'est en effet dans cette salle qu'on se reposait après un bain, en buvant une petite coupe. Tout comme dans la Maisonnette blanche, vous pourrez vous amuser à deviner quels continent représentent chacune des quatre statuettes dans les coins.
Anciennement, deux baignoires en étain étaient disposées dans les coins de cette pièce. Des coquillages sont installés un peu partout, une représentation de Vénus qui sort de l'eau est placée au centre, toujours pour renforcer la fonction de la pièce. C'est d'ailleurs cette pièce qui est à l'origine du nom du parc.
Dans cette salle de bal se tenaient des concerts de musique de chambre ainsi que les fêtes royales. Les figures grotesques sont moins présentes que dans la Maisonnette blanche tandis que la symbolique nationale est au contraire plus marquée, à l'instar des deux blasons polonais sur les murs de chaque côté. Les statues représentent des hommes dotés des vertus que tout bon roi doit avoir. On retrouve ainsi Hercule, symbole de force et Apollon, symbole de beauté et d'intelligence.
Le roi Stanislas possédait une collection d'environ 3 000 tableaux. La plupart ont été volés par les nazis. Depuis lors, une agence est chargée de les retrouver et de les racheter. A ce jour, mille d'entre eux ont été récupérés.
C'est depuis cette salle de réception que Stanislas II pouvait apercevoir la statue du roi Jean Sobieski III à cheval. Une autre source d'inspiration se trouvait à l'intérieur de la salle, sous la figure biblique du roi Salomon. Avant l'incendie du palais, un tableau représentait la scène très connue du jugement où le roi doit départager deux femmes qui se disputent le même enfant. Il fut malheureusement détruit et remplacé par des médaillons qui représentent des vertus.
Ce cabinet de travail était très cher au roi. Il détestait travailler au château royal dans la vieille ville et préférait ce cadre tranquille et naturel, la fenêtre de la pièce donnant sur l'eau. Homme de culture avant tout, il y écrivait notamment des pièces de théâtre et pouvait apercevoir de sa fenêtre l'amphithéâtre du parc. S'il a apporté énormément à la Pologne, dans le domaine politique, avec la Constitution du 3 mai 1791 et dans le domaine culturel, Stanislas II n'aura pas réussi à faire de la Pologne un pays puissant. En effet, la fin de son règne signe le découpage du pays entre l'Autriche, la Prusse et la Russie. Ce partage n'est pas le fruit d'une invasion militaire extérieure mais résulte des querelles intestines au sein même de la noblesse polonaise, divisée sur les alliances à nouer. Aussi, si le roi Stanislas II est très apprécié à Varsovie, il n'en est pas moins considéré partout ailleurs comme un traître qui n'a pas su maintenir l'unité polonaise.
Pour la petite anecdote, le roi Stanislas II fut l'amant de la tsarine Catherine II. Première femme de sa vie, il en fut amoureux jusqu'à sa mort. Toute sa vie, il garda un réel attrait pour la Russie, alors même que la Pologne ne tissa jamais de relations amicales avec cette puissance, et mourut à St Petersbourg. Son corps repose actuellement dans la cathédrale de Varsovie.
Dans cette rotonde, Stanislas Auguste Poniatowski rend hommage aux rois de Pologne. On retrouve ainsi les représentations du roi Casimir le Grand (à l'origine d'une grande évolution dans le domaine architectural puisqu'il fit remplacer le bois par des briques dans la construction des bâtiments), de Sigismond Ier ( qui a déplacé la capitale de la Pologne de Cracovie à Varsovie) ou encore d'Etienne Bathory (victorieux de beaucoup de guerres, notamment contre les Russes).
Dernière petite anecdote : vous aurez remarqué qu'il n y a pas de cuisine, ni dans la Maisonnette blanche, ni dans le Palais sur l'eau. C'est qu'un bâtiment entièrement dédié à cela se trouvait dans le parc, à l'extérieur des habitations, sans doute pour des raisons d'odeurs...
Pour plus d'informations : http://www.lazienki-krolewskie.pl/en
Constance H. (lepetitjournal.com/Varsovie)
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