Alors que les épreuves éliminatoires du concours Chopin se sont terminées il y a quelques jours, vous aurez tous constaté que l'omniprésence du compositeur dans la vie culturelle varsovienne est une constante. Si beaucoup d'entre vous connaissent déjà l'œuvre et la vie du compositeur, peut-être ne connaissez vous pas l'histoire du père de Frédéric, Nicolas Chopin, ce petit Français émigré devenu Polonais de cœur, et dont l'histoire il y a plus de deux siècles, était déjà celle de bon nombre d'entre vous.
Tout commence en Lorraine ?
On sait qu'il est né le 15 avril 1771, dans le village de Marainville-sur-Madon, en Lorraine. Son père François était originaire de Saint-Crépin dans le Dauphiné, où ses ancêtres s'appelaient Chapin. La Lorraine avait été encore récemment un vassal de France, gouvernée par Stanisław Leszczyński (Stanislas Leszczynski), roi polonais en exil, avant d'être annexée par la France. Le bourg de Marainville lui-même fut en possession d'un comte polonais, Michel Pac, jusqu'en 1787. Nicolas Chopin a 16 ans, et Weydlich, l'intendant de Pac, lui propose de partir en Pologne avec lui. Il occupera à Varsovie, entre autres, un poste administratif dans l'usine de tabac de Weydlich.
A cette époque, de nombreux nobles de France fuyaient la révolution pour devenir précepteurs dans des familles polonaises
En 1792, alors que le deuxième partage de la Pologne oblige Adam Weydlich à fermer son négoce, Nicolas pense à retourner en France. Finalement ses plans sont contrariés par une maladie, puis par l'insurrection de Kosciuszko. La peur aussi d'être enrôlé de force dans l'armée, en pleine Révolution Française, achève de le persuader de rester en Pologne. Mais Nicolas Chopin se battra dans la milice Varsovienne obligatoire atteignant le grade de lieutenant. La Pologne disparue, de nouveau sans travail, il se fait embaucher comme précepteur dans diverses familles, dont la famille Łączyńska. Leur fille Maria (Walewska) allait un jour donner naissance à un fils de l'Empereur Napoléon Bonaparte. A cette époque, de nombreux nobles de France fuyaient la révolution pour devenir précepteurs dans des familles polonaises, et même s'il n'était pas le mieux né des Français de la ville, Nicolas Chopin ne souffrit pas la concurrence.
Après avoir travaillé pour les Łączyńska, il travailla chez les Skarbek, à Żelazowa Wola, et se mariera, à l'âge de 35 ans, à Tekla, Justyna Krzyżanowska, une orpheline de la petite noblesse liée aux employeurs de Chopin. Leur passion commune ? La musique ! Elle jouait du piano et chantait. Nicolas, lui, maîtrisait le violon et la flûte. La suite de leur histoire fut de donner au monde l'un de ses plus grands compositeurs. A partir de 1810, Nicolas Chopin deviendra professeur de Français au Liceum Warszawski, situé au Palais Saski (détruit pendant la Seconde Guerre mondiale) et resta dans les mémoires comme un professeur respecté, aux principes moraux stricts, méticuleux, juste et exigeant. Il ne reviendra jamais en France.
L'histoire de Nicolas Chopin, c'est souvent la vôtre !
Avec la perspective du temps, on remarque cependant que Nicolas Chopin n'a pas évité certains écueils. Tout comme certains expatriés français d'aujourd'hui, il a épousé « une locale », travaillé en contrat local, et n'est jamais plus revenu dans son pays d'origine ! Car au fond, l'époque de Nicolas Chopin et la nôtre ont ceci en commun : être les deux périodes de l'Histoire qui ont vu le plus grand nombre d'immigrés français en Pologne. Enfin, certains récits sont intemporels et on peut dire que l'Histoire se répète, quand, à l'instar de Nicolas Chopin, tous ces « petits Français » débarquent encore régulièrement à l'aéroport Chopin !
Matthieu Rubio (lepetitjournal.com/Varsovie) - Mardi 5 mai 2015
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