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Que célèbre-t-on le 14 juillet ?

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Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 14 juillet 2020, mis à jour le 14 juillet 2023

Selon la célèbre phrase de Mirabeau, avant la Révolution et la prise de la Bastille, la France n’était qu'un “agrégat inconstitué de peuples désunis”. Depuis qu’il a été institué fête nationale par la loi Raspail du 6 juillet 1880, le 14 juillet renvoie à deux dates de l’Histoire de France. Il célèbre tout à la fois le 14 juillet 1789, date de la prise de la Bastille, et le 14 juillet 1790, fête de la Fédération et moment d’union nationale. Forteresse investie par la foule et démolie dans la foulée, la Bastille symbolise l’arbitraire royale, et sa destruction “l’éveil de la liberté” comme l'écrit Victor Hugo. La fête de la Fédération de 1790, choix plus consensuel et modéré, manifeste un sentiment d'ordre et d’unité dans une période troublée par les affres de la Révolution.
 

La Bastille forteresse militaire

Avant d'être prison d’État, la Bastille, forteresse du faubourg-est parisien, a d’abord été édifiée pour des raisons militaires. Construite sous Charles V, véritable arsenal, la Bastille forme un château urbain destiné à défendre la porte Saint-Antoine. Elle sert dans le même temps à assurer une position de repli pour le roi et protège ainsi la Cour, appelée à fuir en cas d’insurrection vers le donjon de Vincennes.

Elle est tour à tour entrepôt d’armes, dépôt d'or sous Henri IV, puis prison à partir de Louis XI. À mesure que la Bastille “militaire” vieillit, la prison grandit. 

Il faut en fait attendre Louis XIV pour qu’il y ait une quarantaine de prisonniers - le nombre n'excédant jamais une soixantaine d’hommes.

 

Qui étaient ces prisonniers ?

En réalité, et même si cela va à l’encontre du mythe forgé par les Lumières et repris par Michelet, la fonction première de la Bastille n’est pas d’être une prison politique. 

On compte en son sein bien plus de prisonniers de droit commun que d’embastillements politiques. Une foule d’anonymes, roturiers, escrocs, tenancières, tripotiers, etc., ou des personnes incarcérées pour motifs religieux et délits de librairie occupent la majorité des cellules. Bien sûr, certains noms illustres ont contribué à la légende noire de la prison : Fouquet, l’homme au masque de fer, Damiens, Sade, le cardinal de Rohan sont parmi les plus célèbres prisonniers de la Bastille.

Souvent, ils ne sont pas là pour des crimes mais parce qu’ils gênent leur famille, la société ou le pouvoir. Cela étant, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. On garde son statut et, à la différence des prisons modernes, il n’y pas de matricule. La société d’ordres ne s’arrête pas aux barreaux. Quand on en a les moyens, on mène une vie civile, et l’intendance suit : cuisiniers et domestiques accompagnent les prisonniers lors de leurs séjours plus ou moins longs, plus ou moins durs, selon la clémence et l’oubli du roi. 

 

La Bastille symbole de l’arbitraire royal

 

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Comme le rappelle l’historien Claude Quétel, la Bastille n’est pas un instrument de justice ordinaire, elle constitue une “énorme gare de triage“ pour la société morale de l’époque.  

Le roi y envoie en “correction” et non en “punition”. Il n’y a pas d’opprobre social au sortir du cachot et l’on ne purge pas une “peine”. Le roi assigne les prisonniers sans aucun procès, au seul chef de faire justice par ses fameuses lettres de cachets. On peut y rester des mois ou des décennies selon le bon vouloir du souverain.

Située en plein Paris, la Bastille est aussi une démonstration du pouvoir royal. Les esprits éclairés, dans leur combat politique, vont se saisir de ce symbole ostentatoire pour en faire le signe par excellence de l’absolutisme du roi. 

Voltaire, après deux séjours à la Bastille, créé le verbe “embastiller” dans un poème :

 “Me voici donc en ce lieu de détresse, Embastillé, logé fort à l’étroit, Ne dormant point, buvant chaud, Mangeant froid.”

Simon-Nicolas-Henri Linguet publie ses Mémoires sur la Bastille, pamphlet qui rencontre un grand succès et dénonce des conditions de détention inhumaines, assez loin sans doute de la réalité. L’opinion s’en empare. Un grand mystère plane au-dessus de cette prison et laisse libre cours aux rumeurs les plus folles. On ne sait pas qui s’y trouve ni pourquoi. Il est dès lors logique que la Bastille, entourée d’énigmes et en proie aux saillies des philosophes, devienne le lieu même l’arbitraire royal.

 

Le 14 juillet 1789

Les États Généraux, réunis par Louis XVI le 5 mai 1789, se proclament Assemblée Constituante le 9 juillet. C’est une décision forte qui signifie que l’Assemblée Nationale ne reconnaît plus au roi son pouvoir de légiférer et qu’elle est désormais aux mains du peuple.

Face à la montée en puissance de l’Assemblée Nationale, Louis  XVI, conseillé par son entourage, décide de frapper un grand coup : 30000 mercenaires suisses et allemands affluent vers la capitale et se massent sur le Champs-de-Mars. Necker désapprouve ses préparatifs et est renvoyé le 11 juillet. Les gardes français se mutilent et s’allient aux insurgés. Le 12 juillet, Camille Desmoulins harangue la foule aux cris de “aux armes, aux armes” ! C’est une Saint Barthélemy des patriotes qui se préparent.”

Tout le monde a peur. La Cour craint de perdre son pouvoir, les bourgeois s’inquiètent des désordres populaires et du coup d’état royal, le peuple, victime de la disette, a peur que le roi ordonne à la troupe d’attaquer. Partout, on cherche à s’armer. La foule déferle sur les Invalides pour s’emparer des armes. Elle cherche de la poudre et se rend ainsi à la Bastille ; le marquis de Launay, gouverneur de la forteresse, fait tirer une décharge de mousquet sur les assiégeants. On crie à la trahison. Le sang est versé et près d’une centaine hommes tombent face aux gardes. L’armement de la Bastille est considérable, mais Launay décide finalement de rendre la garnison. Les portes s’ouvrent et les assiégeants se ruent dans la cour. Ils reconnaissent sans peine Launay qu’ils décapitent au canif et dont ils installent la tête au bout d’une pique. Les sept prisonniers de la Bastille sont libérés.

Ironie de l'histoire : peu utilisée, il était prévu de démolir la Bastille et de construire une place qui aurait dû s’appeler la place Louis XVI.

Le soir même, le roi revient de sa chasse et tenant à jour comme à l’accoutumée son carnet, note : “Rien”. À son réveil , c’est le duc de La Rochefoucauld-Liancourt qui lui apprend la nouvelle. “C’est une révolte”, s’écrit Louis XVI. Et Liancourt de lui répondre par cette phrase devenue célèbre : “Non, Sire, c’est une révolution !” 

 

14 juillet 1790

 

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Le 14 juillet 1790, date anniversaire de la prise de la Bastille, a lieu une très grande fête rassemblant des centaines de milliers de personnes : la fête la Fédération.

Au lendemain de la prise de la Bastille, La Fayette est nommé commandant général de la Garde nationale pour mettre fin à la situation insurrectionnelle créée par la prise de la Bastille. La Fayette a aussi demandé à ses troupes de porter la cocarde tricolore aux couleurs de Paris (bleu et rouge) et de la royauté (blanc).

Entre-temps, lors de la Grande Peur, les villes de province se sont transformées en municipalités libres et se sont regroupées en une fédération nationale.

De nombreuses fêtes civiques spontanées se répandent en province où les troupes de ligne et les gardes nationales fraternisent. La Fayette et les députés de la Constituante proposent au roi de créer une fête d’union nationale sur ce modèle.

Le 14 juillet 1790, un cortège de délégations des gardes nationales venues de toutes les municipalités de France défile en armes au Champ-de-Mars.

Le roi et la reine sont acclamés. La Fayette prête serment à la Constitution. Talleyrand, revêtu de ses habits sacerdotaux, célèbre une messe en compagnie de prêtres aux écharpes tricolores et le roi jure fidélité à la Nation et à la loi. L’union nationale sera de courte durée mais le mythe est né.
 

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