Paula Etcheverry porte dans son cœur et dans son sourire, la générosité et la joie de vivre propre aux Argentins. D'origine basque par son grand-père paternel, elle a vécu de nombreuses années en France. Professeur de théâtre dans son quartier de Russafa, elle enseigne également cet art depuis la rentrée 2016 au Lycée Français de Valence et propose régulièrement des rendez-vous internationaux pour les familles expatriées de la région. Ce petit bout de femme énergique, avec son français remarquable et son accent qui chante, nous a raconté son parcours depuis l'Argentine jusqu'à Valence où elle a posé ses valises en août 2015. Un choix lié à son amour pour le théâtre bien évidemment.
Lepetitjournal Valence : Paula, pouvez-vous nous expliquer d'où vous venez et quel fût votre parcours ?
Paula Etcheverry : Je viens de Buenos Aires où je suis née. J'y ai vécu toute mon enfance avant de partir pour les Etats-Unis, me promener un peu et étudier l'anglais. Je suis revenue à Buenos Aires pour faire des études de droit, j'ai obtenu un doctorat pour être avocate et un master en espagnol langue étrangère. J'ai travaillé quelques années dans une banque mais je n'étais pas heureuse. J'avais besoin de voir de nouvelles choses. Et puis j'ai compris que l'Argentine, d'un point de vue économique, allait devenir catastrophique. J'ai décidé de démissionner de mon travail dans la banque et de repartir aux Etats-Unis, à Austin au Texas. Mais je n'ai pas aimé la vie là-bas, je l'ai trouvée trop difficile. Je n'avais pas de travail, je vivais sur mes économies. Au bout d'un an, je suis partie pour l'Europe.
Où êtes-vous allée ?
A Barcelone, où j'avais des amis. Je cherchais du travail en Espagne mais je n'en trouvais pas. Un jour, je suis allée me promener à Paris quelques jours. Par chance, j'y ai trouvé un emploi dans l'hôtellerie parce que je parlais l'anglais et l'espagnol. A cette époque, je ne parlais pas du tout le français alors que mon grand-père paternel était originaire du pays basque, de Bayonne. Mais je n'imaginais pas que j'allais rester en France.
Je suis passée du droit au tourisme mais cela me convenait, j'ai beaucoup aimé, j'ai beaucoup apprécié ! J'étais dans le relationnel et dans le commercial. Je suis finalement restée à Paris où j'ai vécu plusieurs années.
Comment en êtes-vous arrivée un jour à faire du théâtre ?
Je faisais déjà du théâtre à Buenos Aires mais toujours comme une passion. Ce n'était pas envisageable dans ma famille de devenir artiste et mes parents m'ont poussée à avoir une carrière. Mais j'avais toujours eu ça en moi, je voulais faire ça. En arrivant à Paris je ne parlais pas du tout français, c'était donc difficile de me lancer mais je l'ai appris. Et puis un jour je me suis inscrite aux ateliers de Juliette Moltes et à l'Acting International (NDLR : Acting International propose un cursus de formation professionnelle dont l'enseignement est fondé sur des techniques américaines, européennes et russes) jusqu'à ce qu'un jour je me décide à faire une rupture de contrat avec l'hôtel où je travaillais. Voilà comment je me suis reconvertie !
Une reconversion réussie puisque vous avez enchaîné rapidement sur des projets importants !
Oui, après ma rupture de contrat, j'ai commencé à jouer à Paris. Avec mon accent, c'était surtout des comédies comme les Feydeau. Mais j'aime bien tout ce qui est contemporain et aussi le théâtre de Boulevard. J'ai joué au Théâtre des Variétés et j'ai adoré. J'aime les pièces qui parlent de la vie, de la dépression, de la mort, de l'amour.
Je me suis dédiée à l'humour, à faire rire les gens même si c'est très très difficile. J'aime bien les drames également.
Mais c'est vrai que ce n'est pas évident lorsque l'on envisage de faire une famille de se dédier complètement à la comédie parce que des fois on a du travail et d'autres fois non. C'est pour ça qu'entre-temps, j'ai enseigné l'espagnol et j'arrivais à subvenir à mes besoins. La journée je donnais des cours d'espagnol et le soir je faisais des cafés-concerts.
Petit à petit, j'ai réussi à avoir un « bloc plateau » au Paname Art Café : le Plateau Caliente de Paula Etcheverry avec plusieurs comédiens qui proposaient leurs sketchs. Le Paname Art Café, c'est un café-concert de Paris créé par Karim Kachour et Kader Aoun, le co-créateur du Jamel Comedy Club.
Vous êtes ensuite partie vivre à Dubaï.
Malheureusement oui, j'ai dû quitter Paris pour suivre mon mari à Dubaï pendant deux ans. J'étais très triste de quitter Paris mais je m'arrangeais pour venir y jouer régulièrement, une fois par mois.
A Dubaï, j'ai vraiment été surprise. J'y ai joué en anglais pour la première fois de ma vie. C'était un vrai défi. Là-bas, il y a un grand nombre d'hispanophones. J'ai donc monté la Spanish Comédy Dubaï, une école de théâtre en espagnol et je me suis associée avec la Universidad de Murcia en Espagne. J'ai ensuite commencé à travailler avec des écoles. Avec ma double-compétence de professeur d'espagnol langue étrangère et du théâtre, j'ai développé ma méthode pour enseigner ou pratiquer l'espagnol. L'école fonctionne toujours là-bas. Deux personnes continuent de développer ce que j'ai créé.
Comment êtes-vous arrivée à Valence ?
Valence c'était un choix personnel. Je connaissais la ville de Valence pour y être venue 14 ans auparavant. Mais elle était très différente à l'époque. Aujourd'hui, elle est beaucoup plus moderne, il y a beaucoup plus de monde, plus d'étrangers. Je trouve que beaucoup de choses ont été faites et elle est en voie de développement. Il y a un fort potentiel à Valence. C'est sûr qu'elle n'est pas aussi dynamique que Dubaï ou Paris, mais c'est une ville en croissance. Je l'ai choisie parce qu'il existe un master en théâtre appliqué à l'éducation à l'Université de Valence.
J'ai créé le Valencia Acting Group à Russafa qui propose des ateliers théâtre pour les enfants et les adultes, en français ou en espagnol. A partir de la rentrée prochaine, les cours auront lieu les mardis et samedis soirs pour les adultes et il y aura des ateliers parents/enfants le samedi midi.
Vous avez également créé un groupe, qui s'appelle Top Family. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Avec mes expériences en tant qu'expatriée, je voulais un groupe de "mamas" ou de familles comme moi où les enfants et les parents puissent se rencontrer afin de pratiquer les langues étrangères. C'est un groupe privé dans lequel les personnes intéressées peuvent rentrer sur recommandation uniquement. Les trois langues principales sont le français, l'anglais et l'espagnol bien entendu. Après il y a également des allemands et des néerlandais dans le groupe.
On fait des réunions, des pique-niques, des sorties à la piscine, on va au restaurant, tout ce qui plait aux enfants et aux familles parce qu'en étant maman, c'est difficile de sortir la nuit.
Par rapport à toutes les villes que vous avez connues, Buenos Aires, Austin, Paris, Dubaï, Valence, laquelle avez-vous préféré ?
Elles sont toutes différentes, je ne peux pas comparer ! Je dis toujours que la ville fait les gens qui y habitent. Moi je suis bien si mon cœur est bien, si je suis en paix et en accord avec moi-même.
Je pense que l'on peut habiter au milieu du désert, à Dubaï, que l'on peut habiter à Valence, si on se sent bien c'est l'essentiel.
A Valence, la qualité de vie est un peu mieux qu'à Paris par exemple. Pour les enfants, on a le soleil, la plage. A Paris c'est vrai qu'il faut gagner beaucoup d'argent pour avoir la même qualité de vie que celle que l'on a ici.
Qu'appréciez-vous à Valence ? Si vous aviez un quartier à recommander, lequel choisiriez-vous ?
Russafa ! Je pense que c'était une belle découverte. Je suis arrivé comme ça, dans ce quartier et je l'apprécie beaucoup. Il y a tout ce qu'il faut pour vivre. C'est vrai que c'est un peu bruyant peut-être pendant les Fallas, bon on peut bien partir si on n'aime pas cette fête de toute façon ! Il y a tout dans ce quartier : la danse, l'anglais pour les enfants, le piano, le théâtre, les bars, tout ! On peut aller dans le Turia à pied, à l'Ayuntamiento, au Carmen, dans tout le centre historique. Franchement, j'aime beaucoup Russafa et s'il y a un quartier où il faut vivre, c'est Russafa !
Une chose qui me déplaît peut-être ici c'est que Valencia n'a pas assez pris en compte les valeurs de la playa qui est pourtant grande et belle. On devrait s'en occuper un peu plus. Mais le Turia par exemple, c'est remarquable. De la ville de Valence, ce que j'ai le plus apprécié, c'est le Turia, c'est magnifique.
Vos enfants baignent dans la culture française, sud-américaine et espagnole. Qu'est-ce que cela représente pour vous ?
Mes enfants ont vécu au Moyen-Orient également. J'essaie de les éduquer avec tolérance et je pense que c'était une belle expérience d'habiter au Moyen-Orient. Ils s'adaptent plus facilement. Beaucoup de gens me disent : « Mais Paula, il faut que tu te fixes, que tes enfants arrêtent de changer d'écoles ! » Moi je pense au contraire qu'un enfant est riche quand il peut connaître différentes cultures, voir que tout n'est pas facile dans la vie, qu'il y a des gens dans le besoin. A Dubaï par exemple, tout le monde n'est pas riche comme on le croit, il y a beaucoup de différences sociales. Même en Espagne il y a ces différences sociales et à Paris également. Donc c'est riche pour un enfant de voyager !
L'unique chose qui m'ennuie un peu, c'est peut-être le fait que mes enfants ne comprennent pas ma culture. Par exemple, l'espagnol de mes enfants commence à être un espagnol d'Espagne, ce n'est pas un espagnol argentin. Par moment cela m'amuse lorsqu'ils parlent avec des mots d'ici.
Est-ce qu'il y a des choses que vous regrettez ou qui vous manquent de l'Argentine ?
De l'Argentine, c'est le pays où j'ai grandi et j'y vais de temps en temps. Ce sont surtout mes parents qui me manquent. Ma mama est retournée en Argentine, mais revient souvent ici en Espagne, donc cela peut aller. C'est mon père peut-être qui me manque. Je suis fille unique et mon papa ne peux pas profiter de ses petits-enfants, c'est l'unique chose qui peut me faire un peu mal.
A Valence, il y a une grosse communauté sud-américaine.
Oui, parce que nous parlons espagnol (rires). Je me suis retrouvée avec beaucoup d'Argentins, de Colombiens, d'Equatoriens : il y a toute l'America latine ici ! Donc moi je me sens très bien ici. Je peux trouver tous les produits de mon pays par exemple, manger comme dans mon pays ou écouter la musique de mon pays. Mais actuellement, je me sens beaucoup plus française.
Vous vous sentez plus Française qu'Argentine ? C'est-à-dire ?
Oui parce que j'ai fait toute ma vie en France ! J'y suis restée 15 ans et j'adore la France. On peut la critiquer mais il faut beaucoup voyager pour se rendre compte que la France est un grand pays. Dans aucun pays au monde nous n'avons des hôpitaux gratuits, la sécurité sociale ou les écoles publiques comme en France.
La France, c'est pour moi un grand pays, elle respecte les différentes cultures et ça c'est merveilleux.
Si vous aviez des conseils à donner à ceux qui souhaitent s'expatrier, que leur diriez-vous ?
Moi je reviens toujours à la tolérance : il faut accepter les différentes cultures, il faut partir avec la tête ouverte et savoir s'adapter, surtout s'adapter. Si on va en Espagne, on essaie d'apprendre l'Espagnol, on essaie de s'adapter à sa culture. On ne critique pas, on essaie de comprendre ! C'est nous qui sommes expatriés. Quand je suis allé en France, j'ai appris à parler français en trois mois parce que je voulais communiquer, je voulais m'adapter. J'ai étudié le Préambule de la Constitution Française, c'est presque le même qu'en Argentine, et c'est la base de beaucoup de Constitución del Mundo, el preámbulo de la constitución Francesa. Ici, c'est pareil : si on vient en Espagne, il faut essayer de la comprendre et ne pas la critiquer. Ils sont très ouverts les espagnols, ce n'est pas possible d'avoir un problème !
Vous souhaitez participer aux cours de théâtre de Paula à Russafa ? Rendez-vous sur la page facebook Valencia Acting Group !