À l’occasion de son exposition photo Sport Friendly présentée au CCCC, nous avons interviewé Emilien Buffard. Il revient sur ses débuts en photographie, son pays d’adoption l’Argentine, et la place de la communauté LGBT dans le sport.


La France est un pays que je chéris, mais l’Argentine est un pays que j’aime.
Bonjour Emilien, merci de nous accueillir au Centro del Carmen de Cultura Contemporánea (CCCC) pour cette interview. Tout d’abord, pouvez-vous nous expliquer comment vous êtes devenu photographe ?
En 2017, je suis parti par hasard en Bolivie, et là-bas, j'ai entendu parler du deuxième plus grand lac asséché du pays, le lac Poopó. Cela m’a intéressé puisque je suis avant tout diplômé en Gestion de l’eau. Je m’intéressais déjà à la photographie, j’avais commencé de manière un peu autodidacte à l’apprendre. De cette visite est sortie ma première exposition “les orphelins du Poopó”. À partir de ce moment, j’ai commencé à réellement me former à la photographie.

Vous vivez actuellement en Argentine, comment êtes-vous arrivé là-bas ?
Je suis français, mais cela fait maintenant neuf ans que je vis en Argentine. À l’origine, je n’avais pas forcément envie d’aller en Argentine, mais je suis tombé amoureux d’un Argentin en Roumanie. Dans le cadre de mon master, j’étais parti là-bas un an pour travailler dans une fondation qui vient en aide aux enfants des rues à Bucarest et j’ai rencontré mon conjoint qui faisait un service volontaire européen. J’avais 22 ans. Je ne me suis pas posé beaucoup de questions. J’ai présenté mon mémoire et je suis parti en Argentine. Dix ans après, ça fonctionne encore.

Que pensez-vous de ce pays ?
J’ai eu beaucoup de mal au début. Je ne parlais pas espagnol et je me suis fait attaquer à main armée après une semaine dans le pays. Puis, il a fallu trouver du travail. Je suis parti par amour, c’est tout ce que je recherchais, sauf que l'on ne vit pas que d’amour… La France est un pays que je chéris, mais l’Argentine est un pays que j’aime. C’est un pays qui fait face à une immense crise économique et politique, mais c’est un pays où il y a énormément d'opportunités et d’apprentissages. Même si ce n'est pas facile, on peut vite grandir là-bas.
Les personnes transgenres sont un sujet extrêmement complexe dans le milieu du sport de haut niveau. Vous avez un avis là-dessus ?
Plus que d'avoir une position, ce à quoi j’invite à travers mon exposition, c'est d’ouvrir un espace de dialogue. Généralement, quand je présente une exposition, je présente également une conférence sur ces thématiques où j’invite les acteurs du sport et de la diversité à parler. On a tendance à s'exprimer à la place des autres. Or l’idée de mon travail, c'est justement de donner la parole aux joueurs.
J’ai ainsi invité Véronica Michaman, joueuse transgenre de hockey sur gazon, pour qu’elle puisse nous expliquer comment elle vit. C’est une question qui fait polémique alors que cela ne devrait pas. On a quand même Messi, le meilleur joueur du monde, qui a pris des hormones depuis ses douze ans pour grandir et l'on ne s’est jamais questionné là-dessus. On se focalise sur le traitement hormonal des personnes transgenres alors que le plus important reste l'entraînement.
Le sport est un domaine où le fondement de la sélection reste la performance. Pourtant, les LGBT sont très minoritaires au sein du sport professionnel. Comment expliquer ce paradoxe ?
Dans les équipes féminines, il y a beaucoup plus de lesbiennes affirmées. Dans les équipes masculines, c'est plus difficile. Dans le foot, il n’y en a pas dans les ligues majeures. Il y a la peur de perdre son contrat, de subir des discriminations de la part des tribunes ou du staff. Il est vraiment important que les instances sportives en prennent conscience.

Par exemple, j’ai photographié une équipe de rugby parisienne, Le Coq Festif, et ils vont accompagner la coupe du monde de rugby France 2023 en faveur de l’inclusion et la lutte des lgbtphobies. C’est important que la France soutienne haut et fort la diversité dans le sport, surtout au sortir du mondial au Qatar. Il y a encore beaucoup de progrès à faire.
Cette année, lors de l’initiative de la Ligue de Football française qui consistait à habiller les numéros de maillots avec un arc-en-ciel, des joueurs ont refusé de participer en prétextant notamment un conflit avec leur religion. On a vu beaucoup d’autres acteurs conciliant envers cette attitude, que l’on n'aurait jamais acceptée s’il s’agissait d’une initiative de lutte contre le racisme par exemple.
Je veux que le spectateur soit immergé dans cette exposition, comme s’il rentrait sur un terrain.
Vous présentez votre exposition Sport Frendly au CCCC. Vous pouvez nous en dire plus sur le sujet ?
Grâce à un flash, je voulais rendre visible les revendications sociales que portent les joueurs sur le terrain, pour que l'on parle de diversité sexuelle et sociale des corps. L’objectif est ainsi de réveiller les consciences et faire avancer nos droits. J’ai photographié plus de 500 membres d’équipes de sport inclusives dans plus de huit provinces d’Argentine, et j’ai gardé les meilleures pour cette exposition. Je veux que le spectateur soit immergé dans cette exposition, comme s’il rentrait sur un terrain. Cela passe par une fausse pelouse et un audio que j’ai enregistré lors d’un tournoi inclusif à Buenos Aires.
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