À l’occasion de son exposition Sport Friendly, présentée à partir du 30 juin dans le cadre du VIHSIBLES FESTIVAL au Centre del Carme Cultura Contemporània (CCCC), nous sommes allés à la rencontre d’Émilien Buffard, photographe français, argentin d’adoption, pour découvrir son travail qui prône la tolérance et la diversité.
Sport Friendly, une ode à la diversité dans le sport
L’exposition Sport Friendly est composée d’une multitude de portraits photos d’athlètes illustrant leur double facette, entre sport et queer. Toujours en tenue de sport, parfois avec des accessoires, on passe de deux rugbymans s’embrassant sur la plage à une judokate arborant fièrement un drapeau trans. Le style d’Émilien Buffard est sobre. Il photographie la plupart du temps un seul sujet, sur un terrain, avec un accessoire en lien avec le sport ou la diversité. Une sobriété qui laisse toute la place nécessaire à des individus trop souvent invisibilisés.
L’objectif est, “grâce à un flash, une lumière crue”, de “rendre visible les revendications sociales que portent les joueurs sur le terrain, pour que l'on parle de diversité sexuelle et sociale des corps, et ainsi réveiller les consciences et faire avancer nos droits”. L’exposition va même au bout de la logique en créant une réplique d’album Panini de la diversité avec toutes les équipes photographiées, mais aussi des témoignages de joueurs professionnels qui racontent comment ils vivent la diversité dans le sport de haut niveau. Sont notamment présents Cécilia Carranza Saroli, skippeuse argentine lesbienne, médaillée d’or au JO de Rio de Janeiro et Facundo Imhoff, joueur de l’équipe d’Argentine de volleyball.
Drag à Valencia : une communauté artistique vibrante et inclusive
À l’origine de l’exposition au CCCC
Le projet trouve ses prémices à Rosario, en Argentine, où Émilien participe un jour avec des amis à un entraînement de volleyball dans une équipe LGBT. Lui qui n’a jamais été un grand sportif, dégouté par un système scolaire plus compétitif que pédagogique, se sent accepté dans cette équipe qui met au centre de son projet la tolérance et la progression :
Je suis arrivé sur un terrain où peu importe l’expérience personnelle, tout le monde avait sa place.
Participant de manière hebdomadaire à des formations de photographe, il commence alors à photographier son équipe. Il apprend ensuite que le pays comporte plus de 30 associations sportives LGBT. “Je ne pouvais pas rester à une échelle locale si le phénomène a en fait une ampleur nationale, j’ai donc parcouru le pays pour aller découvrir ces équipes”. En tout, ce sont plus de 500 joueurs dans huit provinces d’Argentine qui sont passés devant l’objectif d’Émilien.
Son exposition vise à normaliser la communauté LGBT dans des domaines dans lesquels elle est historiquement invisibilisée, comme le sport. Cela participe à créer des relations entre les équipes LGBT et les institutions politiques. Par exemple, à Rosario, explique Émilien, l’équipe LGBT a accompagné la municipalité sur un programme de sport inclusif. Cela permet aujourd’hui, pour une nouvelle équipe qui se crée, d’avoir plus facilement accès à du matériel et des infrastructures ainsi que des aides économiques et juridiques en cas d’actes LGBTphobes.
5 (très) bonnes raisons de visiter le Centre del Carme Cultura Contemporània
De l'Argentine à l'Espagne et la France : l'itinéraire mondial d’une exposition
Les équipes sportives ne sont pas uniquement présentes en Argentine, mais bien à l’échelle internationale et notamment à Valencia. “Je cherchais une dynamique en Espagne semblable à ce qui existe en Argentine, parce que les deux pays sont très proches. Il y a beaucoup d’Argentins en Espagne, et j’ai découvert une équipe LGBT de Valencia via les réseaux sociaux, que j’ai photographiée cette semaine. Il se trouve que c’est le président de cette équipe qui m’a mis en contact avec le directeur du CCCC”. S’ensuit une collaboration bénéfique à tous, dans une “logique d’inclusion des préoccupations de la société civile dans les centres culturels”.
Au CCCC, Émilien Buffard a cherché à faire entrer le visiteur dans l’univers de son exposition. Le résultat est particulièrement réussi grâce à un mélange entre reproduction des photographies sur l’ensemble des murs, ce qui donne un espace totalement couvert du travail du photographe, et des photographies directement accrochées dans la salle. L’immersion est complétée par une pelouse synthétique au sol, rappelant les véritables terrains, et une piste audio qui accompagne la visite, plongeant le visiteur dans l’ambiance d’un tournoi inclusif à Buenos Aires et l’invitant ainsi à “marcher sur le terrain de la diversité et à commencer à réfléchir sur ces grandes questions”.
Cette étape valencienne est une preuve du succès que rencontre l’exposition Sport Friendly, succès d’autant plus fulgurant qu’Émilien est un photographe encore au début de sa carrière. Après avoir été exposée à l’ambassade française de Buenos Aires, à Valencia, et dans divers centres culturels argentins, une inauguration à Ushuaïa est aussi prévue cette semaine. L’année prochaine, l’exposition devrait être diffusée à Paris en marge des Jeux Olympiques et une nouvelle proposition de tournée au Brésil se prépare.
Ce projet a énormément de potentiel et l’idée serait ensuite de proposer un album international. Pour cela, j’aimerais m’appuyer sur le réseau des Alliances Françaises. Chaque Alliance trouverait une équipe dans sa ville, un photographe, en reprenant le style Sport Friendly et en faisant un album collaboratif.
Émilien Buffard et l'Argentine, une histoire d'amour et de photographie
"J’aime la France, mais je chéris l’Argentine". Ainsi peut être résumée la relation entre Émilien Buffard et son pays d’adoption. Arrivé à 22 ans, par amour, dans le pays de l’Albiceleste. Voilà désormais neuf ans qu’il habite à Rosario, troisième ville du pays, située au nord de Buenos Aires, au bord du fleuve Parana. Les débuts sont difficiles. Il doit trouver un travail dans un pays gangréné par une crise économique insoluble, et sans être hispanophone, mais il finit par s’acclimater.
C’est en Argentine qu’il découvre la photographie, à l’occasion d’un voyage en Bolivie : “Je suis parti par hasard en Bolivie en 2017, et j’ai entendu parler du deuxième plus grand lac asséché du pays, le lac Poopô. Je m’intéressais déjà à la photographie. J’avais commencé de manière un peu autodidacte à apprendre, et de cette visite est sortie ma première exposition 'les orphelins du Poopô.' À partir de ce moment, j’ai commencé à réellement me former à la photographie”. S’ensuit un second projet, appelé “Le bruit de nos pas” et enfin Sport Friendly avec la trajectoire qu’on lui connaît.
Un pays à l’avant-garde des droits LGBTQ+
L’Argentine est un pays dans lequel Émilien se sent d’autant mieux qu’il est particulièrement avancé en ce qui concerne les droits LGBTQ+. “L’Argentine a beaucoup à enseigner au reste du monde” , explique-t-il avant d’énumérer les lois en faveur de cette communauté. Depuis 2013, il est ainsi possible en Argentine pour les personnes transsexuelles de changer d’identité sans passer par un processus médical et psychologique comme en France, mais il est aussi possible d’avoir un genre neutre sur les documents d’identité.
Valencia, terre d’accueil LGBTQ+ ?
Le mariage homosexuel a d’ailleurs été approuvé trois ans avant la France “sans aucune manifestation”. Enfin, l’Argentine a mis en place un quota dans les institutions publiques de personnes transsexuelles. Toutefois, comme le remarque Émilien, “il reste un travail à faire pour que ces lois soient bien mises en place et acceptées dans la société civile”, dans un pays où le droit à l’avortement n’est toujours pas entériné.
L’exposition Sport Friendly d’Émilien Buffard au CCCC est accessible au public jusqu’au 17 septembre. Nous vous invitons à découvrir ce travail particulièrement important, aux inspirations sud-américaines.
Informations pratiques
Adresse : C/ del Museu, 2, 4, 46003 Valencia
Jusqu'au 17 septembre, du mardi au dimanche de 11:00 à 21:00 h.