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Alexandre Noguera : "Nous devons travailler tous ensemble"

Alexandre NogueraAlexandre Noguera
Écrit par Shirley SAVY-PUIG
Publié le 11 juillet 2019, mis à jour le 12 juillet 2019

A l’occasion du 14 juillet, nous nous sommes entretenus avec Alexandre Noguera, le Consul honoraire de France à Valencia. Inscription des Français sur les listes consulaires, difficulté d'obtention des rendez-vous pour les NIE, création des bachibacs, il retrace avec nous cette année qui a vu l'aboutissement de nombreux projets de coopération entre les instances françaises, mais également valenciennes. Entretien.

 

Lepetitjournal.com/Valence : Monsieur Noguera, nous nous sommes quittés en 2018 lors de notre dernier entretien qui marquait votre première année en tant que consul honoraire de Valencia. Vous aviez cette envie de réaliser énormément de choses et d’apprendre. Après cette deuxième année, quel est votre bilan ?

Alexandre Noguera : Bon, même très bon ! Je travaille de façon plus coordonnée avec le Consulat de Madrid. J’ai surtout appris à travailler avec les services sociaux ainsi qu’avec le reste des services. J’ai bien mieux compris les systèmes de l’administration française. Je travaille également de façon plus fluide avec Marie-Isabelle, ma collaboratrice. Nous avons même eu une inspection du Ministère des Affaires Étrangères qui s’est très bien passée.

 

Nous avons aussi eu, et nous avons toujours, des problèmes avec le NIE

 

Quels ont été les faits marquants cette année, la nature des dossiers traités ? Touchaient-ils plutôt l’aspect social ou l’aspect économique de vos fonctions ?

Pour moi le social est le plus important et j’ai aussi beaucoup œuvré sur le domaine de l’éducation.  Nous avons créé, avec d’autres Consuls et la rectrice de Valence, une commission pour dynamiser et améliorer l’accueil des élèves d’un point de vue international. L’objectif est de développer les accords avec les Universités de chaque pays pour les étudiants Erasmus mais aussi de faire des réunions d’accueil en début d’année pour les pousser à s’inscrire au Consulat. C’est quelque chose que je faisais déjà l’année dernière et que je continue cette année avec le CEU San Pablo de Moncada. Cette Université privée compte de nombreux étudiants français venus faire leurs études de kinésithérapie et de vétérinaire. Je souhaitais leur rappeler que nous sommes là, que le Consulat est là en cas de problèmes. Je suis également intervenu auprès des étudiants de la Politécnica dans le même sens : il ne faut pas qu’ils viennent nous voir seulement quand ils ont un problème mais de façon préventive.

Cette année, nous avons aussi eu, et nous avons toujours, des problèmes avec le NIE. Il y a un blocage à l’accès aux rendez-vous pour faire son NIE pour les français et les autres communautés étrangères, à cause, entre autres, de l’affluence des Vénézuéliens qui fuient leur pays mais également en raison d’un problème informatique des services de police. Pour l’instant, ils sont en train de désengorger les demandes de rendez-vous. Cependant, le responsable de la police recommande aux Français de faire leur NIE dans les villes autour de Valence dans lesquelles les bureaux sont beaucoup moins saturés et, dans les cas extrêmes, je conseille de venir me voir pour essayer de trouver une solution. J’ai déjà aidé plusieurs Français dans cette situation. Voilà quelques-uns des axes que j’ai réalisé en priorité pour améliorer la vie des Français de Valencia.

 

Justement, à propos du NIE, il existe une sorte de spéculation autour de la revente de rendez-vous : des personnes, des sociétés prennent un maximum de rendez-vous au commissariat de la calle Bailén par exemple et les revendent à leurs clients à un prix exorbitant. Cela créait des tensions, des conflits au sein de la communauté française puisque cela favorise ceux qui ont les moyens de débourser ces sommes alors que ce rendez-vous est totalement gratuit on le rappelle. Avez-vous pu en discuter avec le responsable du service des NIE ? Quelles sont les solutions ?

Nous en avons parlé. Il y a des Français, mais aussi d’autres nationalités qui font effectivement ce système. Les services du NIE ne sont pas pour l’instant en mesure d’identifier quelle personne prend 20 ou 30 rendez-vous d’un coup. Un des buts de l’évolution du système informatique est justement d’essayer d’empêcher cette prise de rendez-vous par une même personne. Pour l’instant ils ne peuvent pas trouver de solution immédiate mais ils connaissent le problème.

 

Nous aidons tous les Français sans distinction mais évidemment, c'est beaucoup plus facile quand la personne s’est inscrite auparavant sur les listes consulaires

 

Un autre problème qui perdure est la faible inscription des Français au Consulat …

Oui et qui appellent uniquement le Consulat lors de situations de détresse ou d’urgence. Nous aidons tous les Français sans distinction mais évidemment, c'est beaucoup plus facile quand la personne s’est inscrite auparavant. C’est pourquoi nous invitons les Français à réaliser cette démarche d’autant plus que la procédure peut se faire sur internet de façon très simple. Il suffit d’aller sur le site de l’Ambassade de France en Espagne ou du Consulat général de Madrid. Les avantages sont nombreux et il est important que tout le monde s’inscrive même si c’est pour une courte durée.

 

Car on le rappelle, en cas d’événement grave, comme ce fût le cas en 2017 lors des attentats de Barcelone, être inscrit permet aux services du Consulat général d’agir plus facilement et plus rapidement en localisant les ressortissants Français.

Tout à fait. Personne ne s’attend à un événement tragique comme une catastrophe naturelle ou un attentat… Mais cela arrive et pour les autorités françaises ou espagnoles, cette identification permet d’envoyer des informations. C’est vraiment très important.

 

Dans le choix d’une troisième langue, l’anglais ou l’allemand prennent le pas sur le français. C’est à nous, institutions publiques, à mieux le promouvoir, à étendre le français et inciter les élèves à l’étudier

 

Localement, la volonté politique était de renforcer la langue valencienne dans les écoles, malheureusement peut-être, au détriment d’autres langues étrangères, comme l’allemand, l’italien et le français. Y a-t-il eu des avancées sur ce dossier épineux ?

Il y a eu quelques avancées importantes pour le Français dans la Communauté valencienne via la création de bachibac. En effet, jusqu’à maintenant, pour avoir son Bac à Valencia, il fallait obligatoirement être inscrit au Lycée Français. Malheureusement, certaines personnes ne pouvaient pas se permettre d'avoir des enfants au Lycée Français et n’avaient comme alternative, que l’éducation publique espagnole sans pouvoir passer le Bac. Dorénavant, il y a deux lycées publics qui proposent le Bachibac et nous travaillons pour qu’il y en ait deux autres : un dans la province de Castellón et l’autre dans celle d’Alicante. La langue française, de ce point de vue-là, est en train de s’étendre. C’est timide pour le moment mais c'est important. Les gens qui habitent à Valence peuvent amener leurs enfants dans un Instituto de Manises par exemple pour qu’ils puissent passer leur Bac en Français. Et il y en aura d’autres dans le futur. L’Institut Français de Valence a fait un excellent travail dans ce sens ainsi que la conseillère consulaire Annick Valldecabres qui a beaucoup aidé également. Il y a une volonté politique de la Conselleria de Educaciòn à suivre dans ce sens. Il est vrai que dans le choix d’une troisième langue, l’anglais ou l’allemand prennent le pas sur le français. C’est à nous, institutions publiques, à mieux le promouvoir, à étendre le français et inciter les élèves à l’étudier.

 

L’université d’été 2019 des professeurs de Français s’est tenue cette semaine à Valence. C’est le fruit d’un travail collaboratif avec les autres instances ?

Oui. C’est le genre d’événement sur lesquels nous travaillons depuis très longtemps et qui, justement permet aux étudiants de voir l’importance du français dans le monde. Etudier le français sert à beaucoup de choses et, notamment, à trouver un travail dans le monde de la Francophonie. J'ai rencontré des gens qui venaient d'Afrique et qui faisaient partie d’un groupe de coopération. Ils m’ont dit que le français leur aurait plus servi que l’anglais. Le monde de la coopération internationale est un exemple parfait pour montrer l’utilité du français. Souvent, les gens n’en sont pas conscients en Espagne. Je félicite Marie-Cécile Le Luec, la Directrice de l’Institut français de Valence, et toute son équipe qui ont travaillé d’arrache-pied pour ce projet d’envergure qui, je l’espère, deviendra un événement récurrent.

 

En 2017, nous étions 16.746 Français dans l’ensemble de la Communauté valencienne

 

Depuis l’année dernière, a-t-on constaté de nouveau une arrivée importante de Français qui plébiscitent Valencia comme une terre d’expatriation au détriment de Madrid et de Barcelone ?

Il y a beaucoup de Français qui continuent d’arriver. Dans le dernier trimestre, cela s’est un peu freiné avec la hausse assez sensible des prix de l’immobilier. Bien sûr, c’est cet effet d’attraction qui, entre autres, a causé cette augmentation. Nous avons pu obtenir les chiffres 2017 du recensement espagnol sur l’ensemble de la Communauté valencienne avec le nombre de Français. Cependant, nous ne pouvons pas comparer car nous ne disposons pas des chiffres de l’année précédente. Cela ne prend pas en compte non plus le binationaux qui sont considérés comme Espagnols. Il y a donc beaucoup plus de français à Valencia que ce que l’on pensait. En 2017, nous étions 16.746 Français dans l’ensemble de la Communauté valencienne mais sans compter les binationaux, dont 7.700 dans la Province d’Alicante et le reste, plus de 9.000, dans les provinces de Valencia et de Castellón qui sont sous ma juridiction. Ainsi, un peu plus d’un tiers ne serait pas inscrit.

 

Il semblerait qu’un projet de regroupement de plusieurs consulats soit en cours. Pouvez-vous nous en dire plus ?

C’est encore un projet, mais nous aimerions regrouper dans un pôle international, les consulats européens et les chambres de commerce dans un même lieux qui serait très probablement la Marina de Valence. Nous sommes actuellement en pourparlers avec l’administration valencienne et de grandes sociétés. Nous pensons que cela dynamisera les relations institutionnelles et économiques avec la région.

 

Où en est votre projet de déménagement du bureau consulaire que vous aviez évoqué l’année dernière ?

Nous devons changer le siège du consulat mais ce ne sera pas encore pour aller dans ce futur centre. Nous devons quitter les bureaux de notre siège actuel. Je ne sais pas encore où nous irons car nous attendons la confirmation. C’est un changement imminent qui va se faire dans les prochaines semaines mais cela ne va pas impacter les services délivrés pour notre part.

 

Il est important que nous ayons conscience que nous devons travailler tous ensemble

 

Le 14 juillet approche. Avez-vous un message à transmettre aux Français qui nous lisent ?

Il est important que nous ayons conscience que nous devons travailler tous ensemble. Il y a parfois l’impression d’une certaine séparation entre l’administration et le citoyen. Il doit y avoir une coopération entre le citoyen et l'administration. Il est évident que nous sommes là dans l’objectif de rendre la vie plus facile et aider dans les moments de détresse. Beaucoup de personnes qui viennent au bureau consulaire sont mécontentes parce que nous ne faisons plus de passeport ou de carte d’identité, que nous ne nous occupons pas des retraites par exemple… Nous ne pouvons pas tout faire. En revanche l’administration française dispose d’un un réseau très étendu quand d’autres pays, parfois plus puissants que la France, ne l’ont pas. Nous avons beaucoup de chance et il faut savoir apprécier ce que nous avons. Nous sommes beaucoup de Consuls Honoraires bénévoles à travers l'Espagne et nous sommes là simplement pour aider. Il faut apprécier ce bénévolat. Je demande la compréhension des français : on ne peut pas tout faire.

 

Que pouvons-nous vous souhaiter pour cette prochaine année ?

J’espère pouvoir rouvrir l’agence consulaire rapidement et nous remettre en route de la façon la plus fluide possible. Ensuite j’espère pouvoir mettre en marche tous ces projets culturels, tous ces projets éducatifs en cours. Nous n’avons pas parlé de la "France à Valence", un événement visant à dynamiser le monde de l’entreprise française à Valence. Nous verrons ce que nous pouvons faire cette année. C’est un projet que nous ne voulons pas abandonner. Cela permet de faire connaître, de mettre en valeur les activités des professionnels français de Valence. C’est important car cela permet d’étendre le lien économique. C’est un point avec la Chambre des Commerces que nous devons développer. Mais nous manquons de temps et de capacité de travail. Nous avons besoin de collaborateurs et de bénévoles qui nous aident. C’est une activité que nous organisons avec le Lycée Français, l’Institut Français, la Chambre de Commerce et nous-même.

Et puis de faire avancer sérieusement certains dossiers sociaux à suivre. Mais pour ceux-là, j’ai besoin de collaborer avec les autorités judiciaires espagnoles, les services sociaux… Et c’est parfois lent. Et cette lenteur ne favorise pas ceux qui sont en l’attente d’une aide. Et enfin développer le Bachibac.

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