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Anna GODEFROY (Canada) Binners project, ONG dédiée à la réinsertion

Binners projectBinners project
Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 29 janvier 2018

Anna GODEFROY – Canada – Binners project, ONG dédiée à la réinsertion via le recyclage de déchets urbains

 

Anna Godefroy

Depuis mon arrivée au Canada, je souhaitais faire quelque chose pour lutter contre l’exclusion des plus pauvres. Je suis donc devenue bénévole pendant presque deux ans au sein d’un nombre d’organisations locales pour mieux comprendre le problème. Après cet apprentissage, j’ai créé en 2014 une initiative de développement économique et social à la fois écologique et permettant d’aider les personnes exclues: le « Binners’ Project ».

Le Binners’ Project est situé à Vancouver. Nous travaillons avec une communauté essentiellement marginalisée. Il s’agit des « binners », également appelés récupérateurs ou recycleurs urbains. Ils survivent grâce au matériaux collectés dans les poubelles, pour leur usage personnel (par exemple la nourriture), ou pour la revente dans la rue (comme les vêtements).

Les recycleurs constituent une population vulnérable et invisible. Bien que souvent autonomes, ils sont souvent négligés et maltraités, malgré leur impact environnemental positif dans les milieux urbains.

L’intégralité de nos membres sont recycleurs, et vivent dans une situation précaire. Ils font face aux prises de problèmes de toxicomanie, de santé mentale, d'incapacité physique, d'abus, de pauvreté et/ou d'itinérance.

Afin d’aider ces personnes à se réinsérer dans la société, nous avons créé le Binners’ Project avec Ken Lyotier, un recycleurs, et Gabby Korcheva, une jeune entrepreneuse. Le but du projet est de réduire la stigmatisation entourant le « binning », et de travailler avec eux pour créer de nouvelles opportunités génératrices de revenus.

Nous rassemblons désormais une solide communauté de binners, plus de 50 personnes par semaine. Toute nos programmes ont été conçu avec la participation des membres du projet. Ils sont les moteurs de toutes nos actions. Notre but est de renforcer leurs connaissances dans le recyclage, de développer leurs compétences professionnelles pour une plus grande implication dans leur communauté - l’objectif étant pour eux de retrouver une place dans la société quand ils sont prêts.

Le «Binners Project » a pris de l’ampleur depuis son lancement : en 2014, nous avons commencé avec une dizaine de recycleurs et depuis, plus de 300 personnes ont rejoint le Binners’ Project à Vancouver.

Pour maximiser l’impact de nos actions, j’ai établi des partenariats avec des organisations similaires à travers le Canada, comme le « Calgary Can », et la coopérative « Les Valoristes » à Montréal. Nous travaillons également avec des groupes du monde entier comme au Brésil, en Inde. Un certain nombre d’entre eux ont adopté nos programmes et actions afin d'accroître leur impact local. Nous avons reçu une attention médiatique immense depuis nos début avec des publications dans des journaux et chaines de tele prestigieux comme Al Jazeera et The Guardian.

Nous offrons quatre programmes offrant des emplois et formations aux recycleurs de Vancouver:

1) la collection des contenants : nos membres font des collectes de bouteilles et canettes qui font l’objet d’une consigne auprès des entreprises et des particuliers. Nos membres conservent 100% du revenu de la consigne, et environ 75 collections par mois de la sorte sont effectués. En 2017, plus de CAD$ 6 000 est allé directement à nos membres grâce à ce service gratuit offert aux entreprises et particuliers.

2) Education au tri des déchets : nous offrons un service d'éducation du public au tri des déchets, préformé par les recycleurs membres du projet. Les organisateurs d'événements à travers la région engage le Binners’ Project lors de leurs événements et festivals, où les binners aident les membres du public à trier leurs déchets. Cela les aident à réduire considérablement les déchets produits par leur événement. Par exemple, notre équipe a été embauché à la coupe du monde de football pour femmes FIFA en 2015. Grâce à ce contrat, plus de 45 000 bouteilles et cannettes ont pu être recyclées, lesquelles auraient autrement fini à la déchèterie. Ce contrat a aussi permis à 10 recycleurs de gagner environ CAD$ 50-60 par personne et par demi-journée de travail. Ceci est un montant bien au delà de ce qu’ils auraient gagné en un jour de recyclage solo.

3)Tri sélectif des déchets: un service pour aider les immeubles et entreprises à éviter les salles de recyclage désordonnées et réduire la quantité de déchets recyclables dans les bennes. Chaque semaine, moyennant des frais, nous envoyons une équipe de recycleurs sur le site du client pour trier les déchets avant le ramassage. Tous gagnent une compensation financière honorable pour leurs efforts.

4) Le « Binners Hook », ou « crochet des recycleurs »: le but de cet outil est d’assurer un accès plus sûr et plus rapide aux bouteilles et aux canettes pour les recycleurs, en évitant de devoir fouiller dans les poubelles. Le crochet, installé à l'extérieur des résidences et des entreprises à côté ou sur des bennes à ordures, est conçu pour contenir un sac de contenants consignés. Plus de 350 crochets ont été installés à Vancouver et à Montréal grâce à un partenariat avec Coop « Les Valoristes, » le Regroupement des éco-quartiers et la Société de développement social. Pour ajouter à l'élan national, j’ai eu le plaisir d'être invité à donner un crochet au Gouverneur général du Canada et à sa femme, David et Sharon Johnston, qui l'ont installé à l'extérieur de leur domicile en Ontario.

Tous ces programmes ont été développés en collaboration étroite avec la ville de Vancouver pour offrir des formations sur les meilleures pratiques de gestion des déchets et entretenir de meilleures relations avec la police locale.

 

En quoi votre expérience est-elle exceptionnelle? De quoi êtes-vous la plus fière?

Depuis plus de quatre ans, je m’engage à la revalorisation des travailleurs de l’ombre – les recycleurs urbains. Je défends et aide à organiser l'économie locale informelle qui constitue un mode de survie pour les personnes pauvres et marginalisées. En 2017, nous avons distribué plus de CAD$109 000 à nos membres sous la forme d’emplois flexibles, et nous avons offert plus de 6,157 en heures de formations et de jobs.

Je suis particulièrement fière de notre capacité à former les recycleurs. Je constate que le coaching que nous avons fait auprès de nos 127 membres porte ses fruits. Ils deviennent plus professionnels, sont capables de planifier leur vie progressivement. Participer à nos actions de manière consistante les aident à envisager leur avenir, a comment leur future s'inscrit au sein de leur communauté. C’est essentiel – grace a ca ils arrivent doucement mais surement à combattre leurs additions, a trouver un logement stable, et a sortir de la rue.

J'aime particulièrement le fait que nous arrivons à “activer” le potentiel de chacun en invitant nos membres à remplir un rôle actif dans la création et le design des formations, en nous aidant à trouver de nouveaux contrats. Le Binners’ Project est “leur” projet.

Mais mon travail va au delà du Binners’ Project que j’ai créé. Je m’engage aussi à la lutte contre la pauvreté en travaillant sur le développement local économique. En effet, je suis membre et co-leader depuis 2016 de l'organisation “Urban Core” et membre active de “Exchange Inner City”, deux organisations consacrées au développement économique communautaire et à l'embauche sociale.

Mes efforts sont récompensés: mon travail influence directement la politique de l’action sociale et économique provinciale. Chaque année, je suis invitée en tant que directrice et activiste à une cinquantaine d'événements locaux et de différentes provinces du Canada, comme dans l'Ontario et le Québec. Souvent accompagnée d’un ou deux binners, nous présentons notre travail – de la politique zéro déchet, en passant par le redesign plus démocratique des ruelles et bien sur, l'innovation sociale. Nous discutons et influençons les élus municipaux et provinciaux, avec le personnel de la ville de Vancouver qui implémentent les décisions politiques. Ces invitations sont des signes encourageants d'un changement institutionnel de la perception des micro-économies.

Tout cela contribue grandement à diminuer la stigmatisation attachée à ces activités de survis auprès du grand public. Par l’information, notre société comprend mieux l’ampleur et l’importance du problème, et la nécessité d’existence et d’organisation de ces activites de l’ombre, à défaut d’autres solutions.


Le site internet : www.binnersproject.org

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