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Marco Jonker : le pâtissier aux mille recettes à Tokyo

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Écrit par Clara Piron
Publié le 26 février 2019, mis à jour le 26 février 2019

Marco Jonker est arrivé au Japon en 1997. Après plusieurs années passées entre Aomori, une petite ville au nord du Japon, Tokyo, et même un court retour dans un village de 47 habitants en Dordogne, il s’installe dans la banlieue proche de la capitale japonaise et commence à travailler pour la compagnie MC Food. Cette dernière vend des produits alimentaire hauts de gamme pour les fournisseurs japonais qui, eux-mêmes, revendent aux hôtels, aux pâtisseries et autres clients. MC Foods propose des boissons et des articles d'épicerie de luxe tels que des jus de fruits, du thé, des ingrédients de confiserie et des produits laitiers à une vaste gamme de clients, notamment des fabricants, des services de restauration et des détaillants au Japon. L'entreprise travaille en accord avec des fournisseurs français comme Ravifruit ou encore Coté Saveurs. Marco Jonker est donc le maître pâtissier qui invente de nouvelles recettes pour les clients de MC Food. Entre imagination, nouvelles rencontres et voyages dans toute l’Asie, la vie de Marco Jonker n’est pas de tout repos. Il a aussi travaillé avec les plus grands comme André Lecomte ou encore Jean Millet. 

 

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Qu’est-ce qui vous a amené au Japon ? 
 

C’est grâce à un ami français qui travaillait à Yokohama pour une pâtisserie qui s’appelait Jean Hier. Il était également président de l’Association française de la pâtisserie. Il m’a demandé si j’avais envie de travailler au Japon pendant un an. Il m’a proposé deux contrats : un à Tokyo et un autre dans le nord du Japon, vers Aomori. Mais moi, je suis né à la campagne et comme il n’y avait pas encore Internet à l’époque, je ne voulais pas aller dans une aussi grande ville que Tokyo. J’avais regardé des photos des grands buildings et je m'étais dit « Oh! ce n’est pas trop pour moi ça. » Et après, j’ai regardé les photos d'Aomori et c’était bien plus joli. Je me suis donc dit pourquoi pas. Le contrat était attrayant et je devais le signer à Paris avec un ami du patron. Il m’avait dit que tout le monde parlait anglais et que c’était pour un an à la base. Je suis donc arrivé au nord du Japon et, évidemment, personne ne parlait anglais en 1997. Je me plaisais, mais ma relation avec le patron n’était pas géniale. Il était très différent des patrons en France. Il faut dire que je ne parlais pas un seul mot de japonais et que je n'avais que mon petit livre de touriste. Malgré tout cela, le travail était satisfaisant, car nous arrivions à nous comprendre, puisque nous avions la même passion. Et puis, j’ai rencontré ma femme seulement trois ou quatre semaines après mon arrivée. Elle non plus ne parlait, ni anglais, ni français et cela m’a énormément aidé pour apprendre le japonais. D'ailleurs, si j'ai tenu un an là-bas, c 'est grâce à ma femme qui y travaillait aussi. Si elle n’avait pas été là, j’aurais arrêté tout de suite. 

 

Comment avez-vous commencé à travailler pour MC Food ? 
 

Je suis revenu une fois en France puis je suis retourné à Aomori pendant 3 ans. Ensuite, en 2009, Ravifruit m’a contacté parce qu’ils cherchaient un nouveau démonstrateur. Ils m’ont proposé un contrat pour toute l’Asie : de la Chine jusqu'en Corée. Mais moi, je voulais vraiment rester au Japon. La Chine ne me plaisait pas du tout. La Chine et le Japon étaient souvent assimilés en France, mais ça n’a rien à voir. Ce sont des pays totalement différents. J’ai donc refusé ce contrat car je préférais travailler pour une entreprise japonaise, notamment pour la question des impôts. En effet, si je travaillais pour une entreprise française, il aurait fallu que je paye, en plus, des impôts en France alors que j’en payais déjà au Japon. Ravifruit a très bien compris la problématique et deux ou trois mois après, MC Food m’a contacté pour un contrat. Ainsi, de temps en temps, Ravifruit me « louait » à MC Food pour que je sois leur démonstrateur. J’ai fait cela pendant un an et puis j’ai arrêté parce que j’avais beaucoup trop de travail au Japon. Quand je partais par exemple une semaine en Malaisie, ce n’était pas génial pour ma famille. 

 

Expliquez-nous en quoi consiste votre métier de démonstrateur. 
 

Rencontrer les clients et leur proposer de nouvelles recettes créées par mes soins. J’essaye au maximum de rester pâtissier parce qu’on devient vite vendeur. Donc, quand je propose une recette, je ne regarde pas trop le prix des ingrédients. Je n’aime pas avoir une pression de vente, donc je ne fais que créer. Et je préfère faire cela jusqu’à mes 70 ans plutôt que d’être dans un bureau à m’ennuyer. Les pâtissiers qui achètent les produits Ravifruit viennent des fois me voir pour me demander si je n’ai pas une nouvelle idée de Cheesecake avec de la mangue, par exemple. Ils sont souvent très occupés à faire tourner leur entreprise et ils n’ont pas le temps d’inventer de nouvelles recettes et de se renouveler. Ils n’ont plus trop d’imagination et les Japonais aiment bien rester dans la spécialité qu'ils dominent. Je leur dis de regarder ce qu'il se passe autour. Et donc moi, je leur propose de nouvelles idées et eux vont ensuite acheter nos produits. J'apporte de nouvelles techniques pour que le client puisse mieux vendre. Je dois toujours renouveler mes idées, sans copier. En ce moment, je travaille aussi à l’élaboration de nouvelles recettes pour les konbini Lawson. Je dois ainsi élaborer quatre nouvelles recettes de pâtisserie par mois pour eux. Je ne m’occupe d'ailleurs pas du prix. J’apprends au responsable d’usine à faire de la meilleure qualité avec mes nouvelles recettes en grande quantité. Je travaille avec des d'excellents produits et l’entreprise se débrouille avec le type de produits qu’ils veulent utiliser. 

 

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D’où vient votre inspiration pour trouver de nouvelles recettes ? 
 

Comme je suis un Hollandais, qui a travaillé en France, en Allemagne, et qui est maintenant installé au Japon, je sais m’adapter au client, comme pour faire du sur-mesure. C’est vraiment en fonction de la volonté du client. Quand il me demande une démonstration, je vais lui demander d’abord ce qu’il veut voir, je ne vais pas faire quelque chose au hasard ou simplement montrer des choses banales. Et à partir de sa demande, je vais innover. La pâtisserie est un travail dans lequel il ne faut pas végéter. Il faut se renouveler tous les ans. Si on rentre dans la routine, on s’ennuie. Ce qui est bien avec cette entreprise-là, c’est que chaque semaine est différente. Je voyage beaucoup pour découvrir de nouveaux produits ou pour faire des démonstrations. J’aime bien rencontrer de nouvelles personnes. Mais c’est aussi parfois difficile, il faut tout le temps s’adapter.  

 

Comment se déroule une démonstration ? 
 

On invite une centaine de personnes en général. Puis, on présente nos produits, sans trop parler de leur prix mais plutôt de leur qualité. Il y a d’autres collègues avec moi qui sont payés pour parler de ce qui n’est pas onéreux en ce moment sur le marché. Il y a une catégorie de clients qui choisit les produits selon le goût, mais de plus en plus, certains choisissent en fonction du prix, ce qui est un peu dommage. En général, ce ne sont pas les pâtissiers qui achètent mais des employés de bureau, donc ils font tout pour avoir le produit le moins cher mais qui possède une certaine qualité quand même. Je préfère réaliser des présentations privées avec une vingtaine de personnes, c’est plus intéressant. J’essaye toujours de présenter des produits qui vont être réalisables en laboratoire et que mes clients vont pouvoir faire, eux aussi. Le message que je veux faire passer, quand je fais une démonstration, n'est pas simplement « achetez nos produits, que nos produits. » Si le client vend très bien une recette que nous avons créée, je suis content. Après, si l’achat des matières premières ne suit pas, ça m'est égal. Ce n'est pas une question de business ou de chiffres, mais plutôt une question de satisfaction d’avoir proposé une bonne recette. Cela nous fait aussi de la pub et cela donne de la visibilité à l’entreprise. Quand tu fais du bon boulot, tu gagnes automatiquement de nouveaux clients.

 

Quel est le rôle de MC Food sur le marché japonais ? 
 

Mon entreprise, Mitsubishi MC Food, va acheter les matières premières, les fruits à Ravifruit par exemple, puis nous allons les revendre à des distributeurs japonais qui, eux, vont les vendre aux pâtissiers, aux hôtels et aux restaurants. Les fournisseurs japonais vont ainsi décider des marges qu’ils souhaitent. Mais on peut aussi leur mettre un peu la pression pour que les clients soient toujours satisfaits, car, de temps en temps, ils m’appellent pour me dire que certains produits sont trop chers. C’est délicat, car tous ces fournisseurs contrôlent la totalité du marché. Mon entreprise peut importer toutes sortes de produits alimentaires, mais comme nous n’avons pas de système de livraison au Japon, nous sommes obligés de passer par eux. Nous faisons seulement du direct lorsque la commande est conséquente. Le Japon est un marché très important pour les produits français et l’on nous demande souvent des produits de luxe comme du caviar ou du saumon, mais également du beurre, du pain et du fromage qui sont très recherchés.

 

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