Née en 1984, Agathe Parmentier est l'auteure de deux ouvrages : un carnet de voyage intitulé "Pourquoi Tokyo?" (2016) et un roman, "Calme comme une bombe" (2017). Ce second livre narre l’histoire de quatre jeunes entre Paris, l’Australie et le Japon.
Le choix de ces trois pays correspond en effet aux trois lieux chers à Agathe Parmentier. Elle réside aujourd’hui à Tokyo après un parcours tout à fait atypique. Entre incompréhension et fascination, la première rencontre avec le pays n’a pas été facile. Après avoir entrepris des études en droit à Sciences Po Paris, elle se lance dans le monde du journalisme pour lequel elle devient chroniqueuse. C'est en 2014 qu'elle s’installe à Tokyo. Et donc, pourquoi Tokyo?
lepetitjournal.com Tokyo : Comment avez-vous découvert le Japon ?
Agathe Parmentier : Je passais un an en Australie, avec mon petit copain de l’époque, et nous avions économisé pour un projet de vacances. Je souhaitais aller en Thaïlande et lui à Tokyo. Nous avons donc décidé de découvrir les deux destinations. Au final, je n'ai pas vraiment aimé la Thaïlande, à cause de l’extrême pauvreté, entre autres. Je me suis sentie plus à l'aise à Tokyo. J’étais plutôt contente de me sentir « pauvre ». Pourtant, j'ai ressenti le côté bizarre du pays. C'était coloré dans tous les sens. On y retrouvait des côtés très enfantins et, en même temps, il y avait une certaine violence, comme des contenus pornographiques voire pédophiles. Il se passait beaucoup de choses dans ma tête. Je me demandais : « Est-ce que j’aime ? Est-ce que je n’aime pas ? Je déteste ? Qu’est-ce que c’est ? » J'ai décidé alors de revenir en France tout en économisant à nouveau pour retourner au Japon afin d'essayer de mieux comprendre cette culture, de l'approfondir. J’avais envie d’écrire sur ce sujet-là.
Comment s’est passée votre arrivée en 2014 ?
Même si je me suis séparée avec mon copain de l’époque, je suis quand même revenue au Japon pour mon projet. J’ai commencé un blog pour raconter mes histoires, mes expériences et pour détricoter aussi des clichés. J’ai commencé à enseigner le français. Évidemment, je ne parlais pas un mot de japonais, ce qui a donné des situations plutôt cocasses. J'ai une fois, sans le vouloir, apporté des biscuits de Fukushima pour le dessert. Finalement, les personnes qui m'accueillaient l’ont bien pris, la grand-mère étant originaire de cette région. (rires) Ce qui m’a aussi plu, c'est le fait de ne pas parler le japonais (même si j’ai envie de le maîtriser à terme) car je me sens un peu à la marge de la société et, du coup, je peux observer avec un certain recul ce qui s'y passe.
Qu’est-ce qui vous a attirée dans ce pays ?
A la base, je ne suis pas fan, ni de mangas, ni d’animés et je n’aime pas forcément les films des Studios Ghibli. Je pense donc que je me distingue de nombreuses personnes amoureuses du Japon. (rires) Au final, il s’avère que j’aime les mangas mais pas les plus connus. (rires) En fait, je déteste ne pas comprendre un pays et le Japon m’intriguait énormément. J'y suis donc revenue pour ne plus en repartir. J'aime beaucoup ce pays même s'il y a encore des choses qui me dérangent. Pour les bons côtés, par exemple, je me sens en sécurité ! J'oublie la vigilance que j’ai en France. Quand j’arrive à Tokyo, je me sens beaucoup plus légère. J’aime aussi la nourriture, sauf, peut-être, les ramen. Et même si cela m’ennuyait au départ, j’adore aujourd'hui tout ce côté très enfantin, les objets kawaii par exemple. Je suis dingue des gatcha-gatcha : je suis les collections et les nouvelles tendances à fond. Je préférais quand je n’aimais pas ce genre de choses (rires). Et surtout, j’adore la culture et la littérature japonaises. Les Japonais ont de très bons auteurs, notamment des femmes avec des textes un peu barrés et c’est très rafraîchissant.
Qu’est-ce qui vous déplait dans ce pays ?
La place de la femme en premier lieu. Pour ma part, je suis préservée puisque je ne travaille pas dans une grande compagnie. Par contre, j’ai une amie qui était bien placée dans la hiérarchie de son entreprise et lorsqu'elle est revenue de son congé maternité, ses collègues lui ont bien fait comprendre qu’elle n’était plus à sa place et qu’il fallait qu’elle rentre chez elle pour s’occuper de son enfant. J'ai également du mal avec cette culture du jeunisme, où, passé 25 ans, tu n’es plus intéressante. Notons également le racisme présent dans la société japonaise.
Vous vous intéressez maintenant à la jeunesse japonaise : qu’est-ce que vous en avez appris ?
La jeunesse japonaise est très passionnante. Dans cette société où tout est codifié, encadré, il y a une violence inouïe lors du passage à l’âge adulte que nous n’avons pas en France. Les jeunes passent de la liberté au monde du travail qui est plus que difficile. C’est particulièrement ce passage-là qui m’intrigue. C’est pour ça que je suis fascinée par les hikkikomori, ces individus qui refusent de quitter leur domicile et qui ne s’impliquent dans aucune activité sociale en dehors du cercle familial. Dans un sens, je les comprends un peu. C'est cette peur de ne pas satisfaire les attentes des proches, de son entreprise ou tout simplement de la société. Je pense qu’à la base ce sont des gens très sensibles qui ne rentrent pas forcément dans le moule de la société japonaise. Je m’intéresse aussi beaucoup aux idols de J-pop. Ce monde est particulier : les jeunes filles ou les jeunes garçons n’ont pas forcément besoin de savoir chanter ou danser correctement. Ils sont censés être en perfectionnement constant, comme si, en France, la Star Academy n’était pas une émission de télé-réalité mais un groupe qui vend des CDs.