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La politique zéro émission de Tokyo : comment la ville se prépare pour 2050 ?

Tokyo, mégapole frénétique et symbole de la surconsommation, s’est fixé un défi de taille : devenir une ville zéro émission d’ici 2050. Entre innovations technologiques et obstacles structurels, la capitale japonaise incarne à la fois l’audace et les contradictions d’une transition écologique urbaine. Voyage au cœur d’une métamorphose qui pourrait inspirer le monde… ou servir d’avertissement.

vélosvélos
Écrit par Achille Franchet
Publié le 3 juin 2025, mis à jour le 4 juin 2025

 

Les mesures clefs

Transition énergétique

Avec l'installation obligatoire de panneaux solaires sur les nouvelles constructions résidentielles à partir d'avril 2025, la fermeture progressive des centrales à charbon pour des centrales au gaz « propre » et des parcs éoliens offshore, ainsi qu’avec la promotion des véhicules à zéro émission (ZEV), la ville affiche clairement sa politique à venir : la transition énergétique.

 

voitures électriques
Voitures électriques- © Achille Franchet

 

Transports : la fin des moteurs thermiques

L’objectif est clair : 100 % de véhicules neufs électriques ou à hydrogène d’ici 2030. Pour y parvenir, la ville multiplie les bornes de recharge et offre des subventions allant jusqu’à 800.000 yens (5.000 €) pour l’achat d’un véhicule propre. Le réseau de métro et de bus électriques s’étend également, tandis que les pistes cyclables gagnent du terrain – une petite révolution dans une ville où la voiture était reine.

 

Bâtiments : le défi de l’efficacité

Pour ce qui est des bâtiments, les normes de construction ont été durcies : isolation renforcée, énergie solaire obligatoire, matériaux durables. Les bâtiments existants, eux, sont rénovés pour réduire leur consommation. Un chantier titanesque dans une ville où 60 % des logements ont été construits avant les années 2000.

 

Incitations économiques

Pour mettre en marche ce plan « Zéro émission », Tokyo a instauré un système valorisant les efforts faits pour la transition énergétique. Les entreprises se voient imposer un plafond d'émissions de CO2 via le système cap-and-trade : celles qui dépassent leurs quotas doivent acheter des droits à polluer à des sociétés plus vertueuses. Une pression financière qui porte ses fruits, car les émissions industrielles ont été réduites de 32% entre 2010 et 2022.

Côté particuliers, la municipalité déploie un arsenal de subventions :

  • Jusqu'à 50% de réduction sur l'installation de panneaux solaires

  • Prêts à taux zéro pour les rénovations énergétiques

  • Bonus de 800 000 yens (5 000 €) pour l'achat d'un véhicule propre

 

 

Les ambitions face à la réalité

Cependant, la mise en œuvre de ces mesures rencontre des obstacles. Le parc immobilier existant, souvent ancien et énergivore, représente un défi majeur pour la rénovation énergétique. De plus, malgré les efforts pour promouvoir les énergies renouvelables, le Japon reste fortement dépendant des combustibles fossiles, notamment du gaz naturel liquéfié.

Le pays reste tributaire des importations de charbon et de gaz, notamment depuis la fermeture des centrales nucléaires post-Fukushima. Quant à l’hydrogène vert, certes prometteur : il coûte encore trois fois plus cher que l’hydrogène "gris" produit à partir d’énergies fossiles.

 

Une participation citoyenne limitée

La réussite de la stratégie « Zéro émission Tokyo » repose en grande partie sur l'engagement des citoyens. Cependant, la participation du public reste limitée. Les initiatives locales, telles que les subventions pour l'achat de véhicules électriques ou l'installation de panneaux solaires, peinent à susciter un engouement massif.

 

La culture du « tout-jetable »

De plus, les habitudes de consommation et de gestion des déchets sont profondément ancrées, rendant difficile un changement rapide des comportements. La culture du « tout-jetable », illustrée par les konbini et leurs bentō sous emballage plastique, représente un frein à ce plan zéro émission. Au-delà de ça, c’est les mentalités entières qu’il faut faire évoluer pour arriver à l’objectif affiché par la ville. Pourtant, « changer les habitudes prendra des décennies », reconnaît une employée du 7-Eleven de Kawaguchi.


La fracture sociale

La transition énergétique est évidemment nécessaire, mais elle est également un luxe que tout le monde ne peut pas se permettre d’embrasser. Les logements écologiques sont réservés aux plus aisés. Dans les quartiers populaires tels que San’ya, des habitants se chauffent encore au kérosène. La perspective zéro émission de 2050 peut alors sonner bien loin des problématiques quotidiennes, lorsque certains se réchauffent encore comme dans les années 1980.

Il en va de même pour les véhicules électriques, encore bien loin d’être à la portée de tous les Tokyoïtes, malgré les subventions.

 

fracture sociale japon
Photo tirée du média Sabukaru

 

Tokyo s'est lancée dans une course contre la montre pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.

Mais la réussite de cette course dépendra d’un équilibre fragile : entre innovations technologiques, volonté politique et adhésion citoyenne.

 

*Cap-and-trade : système de plafonnement et d'échange de droits d'émission de CO2 entre entreprises

 

Sources :

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