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DIPLOMATIE – Israël et la Turquie sur la voie de la réconciliation ?

Écrit par Lepetitjournal Tel Aviv
Publié le 29 mars 2013, mis à jour le 31 mars 2013

Alors qu'on pensait que les relations entre les deux pays étaient au plus bas, Netanyahou vient d'officiellement présenter ses excuses à la Turquie pour l'incident de la flottille Mavi Marmara, ce qui met fin à trois années de gel diplomatique. L'occasion de faire le point sur le tumultueux couple israélo-turc.

 Recep Tayyip Erdogan et Binyamin Netanyahou - Photo : DR

Cela faisait déjà plusieurs semaines qu'Israël avait officiellement tendu la main à la Turquie pour réchauffer le climat glacial de leur relation. Il aura fallu attendre la visite du président américain en Israël, et un coup de fil de dernière minute entre Netanyahou et le Premier Ministre turc R.T. Erdogan pour que cela se concrétise. Un geste diplomatique fort de la part d'Israël, après des années de tensions avec la Turquie. 

En effet, depuis le milieu des années 2000, les relations entre la Turquie et Israël étaient mises à rude épreuve. Du côté turc, l'AKP au pouvoir, un parti islamique, avait annoncé un revirement dans sa politique étrangère, appelé "politique du zéro problème avec les voisins", dont l'objectif était le rapprochement avec les Etats arabes du Moyen-Orient, notamment avec l'Iran, au détriment de sa relation avec l'Etat Juif.

Dans le même temps, la politique israélienne observait un certain virage à droite, avec le succès électoral du Likoud. Difficile donc pour les deux pays de s'entendre dans ces conditions. La Turquie avait par exemple lourdement critiqué l'opération Plomb Durci en 2008-2009. Pendant le Forum  Economique Mondial de Davos en 2009, Erdogan avait quitté le Forum après avoir publiquement accusé Shimon Peres "de très bien savoir tuer des gens". Il avait aussi accusé Israël d'opérer un "nettoyage ethnique en Palestine". 

Tout bascule rapidement vers la rupture pure et simple des relations diplomatiques quand, en mai 2010, l'armée israélienne interdit à une flottille humanitaire turque de percer le blocus de Gaza, en faisant neuf victimes. Bien qu'Israël ait, à l'époque, exprimé "ses regrets" et qu'une enquête de l'ONU ait prouvé par la suite l'irresponsabilité de l'Etat Juif dans l'affaire (le blocus de Gaza étant considéré comme légal aux yeux du droit international), Erdogan avait qualifié l'intervention israélienne de "terrorisme d'Etat". 

L'incident de la flottille Mavi Marmara avait joué le rôle d'exutoire pour Erdogan et Netanyahou, qui ont alors eu l'occasion concrète d'exprimer au grand jour leurs profonds désaccords. Pour la Turquie, la reprise des relations diplomatiques avec Israël n'était alors possible que si Israël s'excusait officiellement, dédommageait les familles des victimes et mettait fin au blocus du Gaza. 

A la suite de l'indicent de la flottille, bien qu'officieusement le dialogue n'ai pas été totalement rompu, les tensions entre les deux pays n'avaient cessé de s'accroitre. La Turquie avait par exemple récemment fait la une des journaux israéliens quand Erdogan a déclaré lors d'un forum international que le sionisme était "un crime contre l'humanité", propos immédiatement condamné par l'ensemble de la communauté internationale.

On peut comprendre, dans ce contexte, que les excuses officielles présentées par Netanyahou la semaine dernière à la Turquie aient provoqué des remous dans le pays. Qualifiées de "sérieuse erreur" par A. Lieberman, N. Bennett, a de son côté indiqué que la Turquie avait tout simplement "forcé" Israël à s'excuser.

Pourquoi alors, dans un tel climat, Netanyahou s'est-il engagé dans un processus de réconciliation avec les turcs? 

Les Etats-Unis ont joué un rôle considérable dans cette affaire. Malgré les divergences énormes qui caractérisent aujourd'hui les visions turques et israéliennes, il ne faut pas oublier que les deux pays sont des alliés inébranlables des Etats-Unis dans la région. Obama l'a rappelé au sujet d'Israël pendant sa visite, et il n'en est pas moins en ce qui concerne la Turquie. Cette dernière, membre de l'OTAN depuis soixante ans, est une alliée militaire indispensable pour les Etats-Unis.

Il était alors primordial pour Obama de réconcilier ses deux meilleurs amis du Moyen-Orient.

Et les efforts américains avaient déjà commencé à porter leurs fruits avant le coup de fil de Netanyahou : la médiation américaine avait en effet permis la livraison de matériel militaire d'Israël à l'armée turque le mois dernier et, déjà fin 2012, Ankara avait levé son véto à la participation d'Israël aux man?uvres de l'OTAN dans la région.

Les Etats-Unis avaient ainsi enclenché une légère reprise de la coopération militaire entre les deux pays, initiée il y a plus de quinze ans par la signature d'un accord militaire bilatéral.

C'est aussi à cause de la situation en Syrie que le trio Etats-Unis / Turquie / Israël avait besoin d'être ressoudé. C'est d'ailleurs la raison qu'a avancé Netanyahou pour expliquer son geste envers la Turquie : " la Syrie est en train de se désintégrer et des stocks d'armes énormes commencent à tomber entre de mauvaises mains [?], il est important que la Turquie et Israël, tous deux frontaliers de la Syrie, puissent communiquer ensemble". 

C'est bien le conflit syrien qui pourrait constituer la base de cette nouvelle entente, car il constitue une menace pour la sécurité des deux pays.

En plus des liens qui les unissent du fait de leur grande amitié avec les Etats-Unis, Israël et la Turquie ont aussi une histoire commune que les événements de ces dernières années ne doivent pas occulter. Pour beaucoup d'observateurs, la Turquie reste le seul allié musulman historique d'Israël. Ce fut d'ailleurs le premier Etat musulman à avoir reconnu l'Etat Juif en 1949. Ce sont les deux seuls pays non arabes, laïcs et résolument démocratiques de la région. Autre point commun : En Israël comme en Turquie, l'importance de l'armée est considérable.

D'un point de vue stratégique, tout laisse à croire qu'une relation forte israélo-turque forte puisse être envisagée. Mais rien n'est gagné.

R. Erdogan a par exemple insisté sur le fait que la réconciliation ne serait effective que si Israël tenait effectivement ses promesses, et que cela ne changerait pas l'orientation de la nouvelle politique étrangère turque (une visite du Premier Ministre turc à Gaza est notamment prévue). 

Enfin le retour des ambassadeurs à Istanbul et à Tel-Aviv n'a pas encore été officialisé et ne "se passera pas dans l'immédiat" selon Erdogan. Il semble alors que seul l'avenir pourra confirmer, ou non, la très fragile réconciliation israélo-turque. 

Justine SIMONIN (www.lepetitjournal.com/telaviv) Vendredi 29 mars 2013

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Publié le 29 mars 2013, mis à jour le 31 mars 2013

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