Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 5

Le snus, cette particularité suédoise

snussnus
Une boîte de snus en portion. Photo: Bengt Wiberg
Écrit par Johann Tsati
Publié le 10 octobre 2018, mis à jour le 12 octobre 2018

"Le tabac c'est tabou on en viendra tous à bout !" scandaient les Inconnus dans leur combat contre la cigarette. Sans en être complètement à bout, la Suède est en tout cas sur la bonne voie dans sa lutte contre le tabagisme :  elle est en effet le pays européen dont les habitants consomment le moins de cigarettes. Dans le même temps, les suédois sont aussi les plus gros consommateurs de tabac sans combustion. L’explication ? Le snus, du tabac à priser qui fait partie intégrante de la culture suédoise.

 

Une exception suédoise

 

Le snus est une poudre de tabac humide qui se place entre la gencive et la lèvre supérieure, pour une durée allant de quelques minutes à une heure. Ce tabac à priser est principalement consommé sous forme de portions, où la poudre de tabac est alors concentrée dans des petits sachets. La portion de snus est constituée de tabac séché auquel on a ajouté de l’eau, du sel, du carbonate de sodium et des arômes. Ce mélange est par la suite chauffé à la vapeur. Une boîte contient généralement 18 sachets, contenant chacun une dose de 27,3 mg de nicotine (seulement 10 mg pour une cigarette). La nicotine présente en masse dans le produit aurait des propriétés relaxantes et énergisantes pour le consommateur.

 

Le snus est consommé dans les pays scandinaves, principalement en Suède et en Norvège. Son usage en Europe a été de plus en plus restreint depuis les années 1970, jusqu’à en être interdit à la vente depuis 1992. Seule la Suède fait exception et a d’ailleurs négocié cette condition lors de son entrée dans l’Union Européenne en 1995.

 

Les origines du snus

 

Si la culture du tabac en Amérique existe depuis plusieurs milliers d’années, l’introduction de cette plante en Europe trouve son origine avec l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique en 1492. A l’époque, les Indiens d’Amériques utilisaient le tabac dans un but médicinal mais aussi spirituel, lors de cérémonies chamaniques pour communiquer avec les esprits. Le “pétel” (nom indigène du tabac) était alors principalement fumé sous forme de calumet ou de pipe mais il était aussi mâché ou consommé par voie nasale.

 

Les marins espagnols et portugais, séduits par cette nouvelle plante, ramenèrent des graines de tabac dans leurs pays. Au départ simple plante d’ornement, le tabac commence à être utilisé en Espagne et au Portugal pour ses supposées propriétés curatives. Mais c’est Jean Nicot, ambassadeur français à Lisbonne, qui va donner au tabac une popularité soudaine dans toute l’Europe. En 1561, François II, le fils de la reine Catherine de Médicis, est en proie à de violentes migraines. Jean Nicot lui fait alors parvenir de la poudre de tabac, à consommer par voie nasale, afin de guérir de ses maux persistants. Il s’avère que c’est efficace : les migraines disparaissent, la famille royale est ravie, et Jean Nicot est anobli (et donnera plus tard son nom à Nicotiana tabacum, la plante utilisée dans la production de tabac). Surtout, l’arrivée du tabac à la cour de France va en populariser la consommation dans toute l’Europe.

 

Le tabac à priser arrive en Suède à cette époque-là. C’est au départ un symbole d’élégance, réservé à l’aristocratie et consommé par voie nasale. C’est à partir du XIXe siècle qu’il se démocratise et se développe sous la forme que nous connaissons aujourd’hui. La production croît alors rapidement et de nombreuses marques émergent. Très répandue jusque dans les années 1920, la consommation de snus diminue à la suite de l’émergence de la cigarette sur le marché. A partir des années 1960 et la prise de conscience des dangers de la cigarette pour la santé, il connaît un regain de popularité qui persiste encore jusqu'à aujourd'hui. Plus d’un million de suédois en seraient consommateurs. Ce phénomène est répandu parmi toutes les classes sociales avec cependant une consommation plus marquée chez les hommes que chez les femmes.

 

 

jean-nicot
Gravure de Jean Nicot (1530-1600) datant de 1876. Publiée par Albin Michel

 

 

Une possible alternative à la cigarette

 

Alors quels sont les risques du snus en termes de santé publique ? Si les avis des spécialistes divergent et les études scientifiques sur les effets du snus en lui-même manquent, tous s’accordent néanmoins sur le fait que sa nocivité est faible comparée à celle de la cigarette.

Ce qui est évident c’est que la forte présence de nicotine rend le produit très addictif. La dépendance est donc rapide et l’arrêt tout aussi difficile que celui de la cigarette.

En ce qui concerne le lien entre consommation de snus et cancer de la bouche, du pancréas ou de l’œsophage, il n’existe pas de consensus scientifique sur la question. Des études montrent que le snus pourrait être à l'origine de différents maux. Folkhälsomyndigheten souligne le lien entre snus et problèmes irréversibles à l'oesophage et aux gencives où le snus est placé. L'agence signale également le danger que peut représenter le tabac à priser durant la grossesse. 

Par ailleurs l'agence de santé publique suédoise cite une étude de 2014 de l'Institut de santé publique norvégien s'appuyant sur divers articles scientifiques. Elle met en avant le lien entre consommation de tabac sans fumée (dont le snus) et le développement entre autres de diabète de type 2, cancers du pancréas, de l'estomac, des poumons, du colon et du rectum. Folkhälsomyndigheten déplore le fait que les études sur la question en Suède manquent ou ne sont pas d'assez bonne qualité pour en tirer de véritables conclusions sur les dangers du snus en lui-même.

Finalement, la grande différence du snus par rapport à la cigarette est qu’il n'aurait pas d’impact négatif sur le système respiratoire, le tabac n’étant pas consommé. Consommer du snus n'expose donc pas aux dangers du goudron, monoxyde de carbone, ammoniac et autres additifs chimiques présents dans les cigarettes.

Le snus est aussi utilisé comme substitut nicotinique. Au même titre que la cigarette électronique, il peut aider à réduire ou arrêter la cigarette. En Suède, il s’avère que le snus a supplanté la cigarette, plus de la moitié des consommateurs de snus étant d’anciens fumeurs. Le taux de fumeurs est passé de 34% en 1980 à 7% aujourd’hui. Le pourcentage de consommateurs de snus a quant à lui évolué dans le sens inverse. Et cela a des conséquences importantes en termes de santé publique : la Suède est aujourd’hui le pays d’Europe présentant les plus faibles taux de cancer du poumon chez les hommes.

 

Vers une future commercialisation européenne?

Les arguments du snus sont donc solides. Alors pourquoi ne pas s’en servir dans la lutte contre le tabagisme et proposer au fumeur une solution moins risquée pour sa santé ?

La question de la commercialisation du snus est régulièrement remise à l’ordre du jour de l’agenda politique. Elle est très complexe car de nombreux acteurs sont impliqués et tentent d’influencer la législation : fabricants de tabac et de tabac à priser, représentants de la santé publique et firmes pharmaceutiques… En 2004 puis plus récemment en 2018 la Cour de Justice Européenne a réétudié la question avant de finalement maintenir sa décision, affirmant que le snus présentait un danger pour la santé. Pour l’instant le snus reste donc une affaire suédoise.

 

22835566_10155725773738116_1508645627_n (2)
Publié le 10 octobre 2018, mis à jour le 12 octobre 2018

Flash infos

    Pensez aussi à découvrir nos autres éditions

    © lepetitjournal.com 2024