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Brésil, le nouveau foyer du Covid-19 ? 

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Écrit par Déborah Collet
Publié le 5 mai 2020, mis à jour le 6 mai 2020

Le gouvernement de Jair Bolsonora a annoncé, en avril, le décès de 2 400 Brésiliens suite à une contamination au Covid-19. Les chercheurs, eux, en dénombrent beaucoup plus. Ils alertent le gouvernement sur l’hécatombe prochaine qui pourrait s’abattre sur le pays à cause, notamment, du système de santé brésilien, déjà fragile.


Des chiffres sous-estimés 

Dans le pays de 210 millions d’habitants où très peu de tests sont réalisés, 38 000 Brésiliens ont été testés positifs au coronavirus selon le gouvernement brésilien. Les chercheurs du collectif Covid-19 Brasil estiment, eux, que 1,3 million de Brésiliens ont été contaminés par le Covid-19, soit 16 fois plus que les chiffres annoncés par le ministère de la Santé. 

"La question n'est pas de savoir si le Brésil sera un jour le principal foyer de contamination au monde : c'est déjà le cas", dit à l'AFP Domingos Alves, responsable du Laboratoire de renseignements sur la Santé (LIS) de l'université de São Paulo (USP). Dans certains États brésiliens, comme celui d’Amazonas dans le nord du pays le nombre de cas réels pourrait même être 38 fois supérieur au bilan officiel.


La politique désinvolte de Jair Bolsonaro

Depuis l’apparition du coronavirus au Brésil, le président Jair Bolsonaro, semble minimiser la létalité du virus, et va même jusqu’à le qualifier de "petite grippe". Le président brésilien s’attaque en permanence aux défendeurs de la politique de confinement et de distanciation sociale, c’est-à-dire les gouverneurs et les maires.

Jair Bolsonaro appelle les Brésiliens à manifester leur désaccord face à ces mesures jugées, selon lui, trop contraignantes. Le 19 avril, le président brésilien était le premier à rejoindre les manifestants devant le quartier général de l’armée à Brasilia pour réclamer une intervention militaire et la fermeture du Congrès. "Je suis ici, car je crois en vous et vous êtes ici, car vous croyez au Brésil", a scandé le président à quelques mètres de distance de la foule. Enfants, personnes âgées, plus de 600 personnes ont participé à cette manifestation sans respecter les mesures de distanciation sociale ou encore le port du masque censé être obligatoire.

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Jair Bolsonaro à la manifestation anti-confinement, dimanche 19 avril. Crédit : Sergio LIMA / AFP


L'intervention du chef de l’État a été condamnée par des responsables politiques. Luis Roberto Barrozo, juge du Tribunal suprême fédéral au Brésil, a déclaré : "C’est effrayant de voir des manifestations en faveur du retour d'un régime militaire, 30 ans après le retour de la démocratie." Par ailleurs, la Cour suprême mène des enquêtes policières à l’égard de la politique désinvolte du président Jair Bolsonoro pour motif d’ingérence. Dans le même temps, à São Paulo, l’une des métropoles les plus touchées par le Covid-19, le gouverneur Joao Doria est déterminé à maintenir dans son état le confinement afin d’enrayer la propagation du coronavirus.


Les indigènes, une population fragile face au Covid-19 

Le Brésil qui compte près de 800 000 Amérindiens a rapporté le 1er avril, le premier cas confirmé chez les indigènes. Il s’agissait d’une jeune femme de l’ethnie Kokama, âgée de 20 ans, professionnelle de santé vivant à Santo Antonio, dans l’État d’Amazonas.

Les indigènes et les habitants de favelas n’ont aucun moyen pour lutter contre la propagation du coronavirus. De ce fait, une pétition a été lancée par le célèbre photographe brésilien Sebastiao Salgado qui réclame de la part des pouvoirs publics des "mesures d’urgences" afin de protéger les indigènes du coronavirus. Dans une vidéo circulant sur les réseaux sociaux, Sebastiao Salgado appelle donc “le président de la République, les leaders du Congrès et du judiciaire au Brésil” à mettre fin à ces intrusions et à “assurer la protection” des peuples natifs.

 

“Cela fait cinq siècles que ces ethnies sont décimées par les maladies amenées par les colonisateurs européens (…) Aujourd’hui, avec ce nouveau fléau, ces communautés natives risquent d’être totalement éradiquées, sans défense contre le coronavirus”, dénonce la pétition. “Le Brésil a une dette envers ses premiers habitants, c’est le moment de faire ce qui aurait dû être fait il y a longtemps”, conclut le photographe. La pétition a déjà été signée par près de 60 000 personnes dont Le Prince Albert de Monaco, Nicolas Hulot et de nombreuses vedettes de cinéma. 

Au Brésil, la pauvreté n’a pas cessé d’augmenter ces dernières années. Le confinement condamne des millions de Brésiliens qui habituellement vivent de petits métiers. La pandémie mondiale vient s’ajouter aux difficultés déjà rencontrées par ces Brésiliens en termes de revenu, de logement, de nourriture et d’infrastructure d’accueil.

 

Un système de santé dépassé

À São Paulo et Rio de Janeiro, les hôpitaux publics sont déjà saturés ou risquent de l’être très prochainement avec des taux d’occupation des services en soins intensifs dépassant souvent les 70 % ou les 80 %. Luiz Henrique Mandetta, le ministre de la Santé au Brésil prédit que le système de santé du pays, déjà fortement affecté par les coupes budgétaires des dernières années, s'effondrera fin avril. Il a déclaré : "Vous aurez beau avoir de l'argent, un plan privé, une ordonnance du tribunal, il n'y a tout simplement pas de place pour vous."

Dans la ville de Manaus, en à peine un mois, les médecins et les infirmières ont été dépassés par l’arrivée massive de patients dans les hôpitaux qui ne sont pas équipés de respirateurs. Dans cette ville, le système de santé est déjà en crise depuis l’année dernière a déclaré le syndicat des médecins d’Amazonas. Les soignants manquent de matériel médical, mais aussi de lits pour accueillir les nouveaux malades.

Les soignants doivent aussi improviser pour se protéger du virus. "On a seulement des masques fournis par l’hôpital. Tout le reste, on a dû l’acheter de notre poche. J’utilise une cape de pluie pour me protéger !" témoigne Lucas Morais, physiothérapeute. Il décrit des conditions de travail invivable, selon lui, certains soignants "ont présenté des symptômes du covid et ont été testés positifs, mais ils sont obligés de travailler !". En Amazonas, près de 500 cas de contamination ont été confirmés parmi les professionnels de santé et dix en sont morts. Une autre soignante parle de "morts juste à côté des malades."

L’État d’Amazonas demande à tous les médecins brésiliens de se mobiliser et demande des fonds supplémentaires au gouvernement fédéral. Un nouvel hôpital est en cours de construction. Le taux de confinement mesuré à São Paulo le 1er mai inquiète de plus en plus les experts en santé. Il indiquait que seulement 46% des habitants étaient confinés. Pourtant, selon un sondage de l'institut Datafolha, 68% des Brésiliens approuvent le confinement malgré son impact sur l’économie. Le pire est à venir pour le Brésil puisque le pic d’épidémie est prévu pour fin mai-début juin.

 

deborah collet
Publié le 5 mai 2020, mis à jour le 6 mai 2020