Apres avoir été seconde derrière Qatar Airways entre 2019 et 2022, Singapore Airlines a reconquis la médaille d’or cette année. L’occasion de comprendre pourquoi cette compagnie a toujours été considérée comme une des meilleures du monde.
Une renommée continue depuis la naissance de la compagnie
Si cette année Singapore Airlines a remporté la médaille d’or des compagnies aériennes, elle a aussi remporté le prix de la meilleure première classe et a eu la plus importante croissance de passagers en un an. Ce classement est réalisé chaque année par Skytrax, un organisme indépendant de recherche base à Londres. Il couvre plus de 300 compagnies et repose sur les appréciations d’un nombre représentatif de passagers originaires de divers pays. Les critères pris en compte couvrent le service à bord (attitude du personnel, information, résolution de problèmes, capacite linguistique du personnel,), les produits à bord (propreté, confort, repas, systèmes électroniques,), et les autres services (site internet, bagages, enregistrement, embarquement, salon, …).
Cette année, les dix premières compagnies du classement sont toutes asiatiques (Moyen-Orient compris) sauf une : Air France, qui arrive 7ème au niveau mondial et surpasse donc toutes les autres compagnies occidentales.
Ces dix dernières années, Singapore Airlines a toujours été dans les trois premières compagnies. Mais cette performance n’est pas nouvelle. Avant 1999, un classement équivalent était effectué par le magazine Condé Nast Traveller. Sur 22 ans, Singapore Airlines a terminé première 21 fois ! Rappelons que Singapore Airlines est née en 1972 d’une scission de la compagnie nationale malaisienne.
Par ailleurs, la compagnie singapourienne est classée 5ème au niveau mondial en termes de sécurité. Depuis sa création elle n’a connu qu’un seul accident mortel : c’était en 2000 sur l’aéroport de Taiwan durant un cyclone.
Les recettes du succès
En 2010, la revue de l’université d’Harvard a consacré un article sur les ressorts des performances de Singapore Airlines. Bien que cette étude soit déjà ancienne, nombre de ses conclusions sont probablement toujours actuelles.
La première observation était que Singapore Airlines était non seulement le meilleur en qualité de service, mais aussi le plus économe en matière de coût, ce qui peut paraitre contradictoire. Entre 2000 et 2009, le coût par siège kilomètre offert (un des indicateurs classiques de performance pour les compagnies aériennes) de Singapore Airlines était au-dessous de la plupart des compagnies. En 2018, celui d’Air France était encore 20% supérieur a celui de Singapore Airlines. Cela ne veut pas dire pour autant que les billets de Singapore Airlines sont moins chers. Mais à prix comparables avec les autres compagnies, les bénéfices sont supérieurs : le dernier exercice s’est conclu par le meilleur revenu de l’histoire de la compagnie (17.8 milliards de SGD) et un résultat net de 2.2 milliards de SGD (soit 12% du revenu). Par comparaison le résultat net d’Air France ne représente que 3% de son revenu.
Un premier facteur de succès est la jeunesse relative du parc d’avions de la compagnie. En 2020, l’âge moyen du parc était de 7,1 ans, soit la moitié de la moyenne des compagnies européennes. Cela débouche sur un cercle vertueux tant du point de vue de la satisfaction client que des couts : moins de pannes, moins de retards, moins d’annulation de vols, aspect neuf et moderne, moins de coûts de maintenance, et moins de consommation de fuel.
Un deuxième facteur est un fort investissement dans la formation des personnels. La formation initiale (4 mois) est deux fois plus longue à Singapore Airlines que chez ses concurrents. Par ailleurs, chaque année, les employés doivent suivre une formation continue de plusieurs semaines qui touche divers aspects : cours de maintien, œnologie, sensibilité culturelle, langues, langage corporel, … La satisfaction des clients qui en résulte est favorable à leur loyauté.
Les considérations économiques sont toujours présentes dans l’esprit des équipages. Par exemple, ayant observé que beaucoup de passagers ne prenaient pas de confiture lors du petit déjeuner, ils l’ont retiré du plateau, mais elle reste disponible à la demande. Par ailleurs il n’y a pas de dépenses somptuaires : le siège de la compagnie se trouve dans un ancien hangar à Changi, et il est aménagé très sobrement.
Les personnels sont payes à un salaire moyen pour Singapour, ce qui est au-dessous des standards occidentaux. De ce fait, les frais de personnels ne représentent que 18% des dépenses, bien au-dessous des chiffres des compagnies occidentales (1/3 pour Air France par exemple). Mais la renommée de la compagnie, un des fleurons de l’industrie singapourienne, n’en attire pas moins des recrues de qualité, qui savent qu’ils n’auront aucun mal à valoriser leur expérience, en cas de changement d'employeur.
Singapore Airlines a toujours été à la pointe des innovations : première compagnie à donner un choix de boissons et de plats en classe économiques (1970), première à introduire des couchettes pour les premières classe (1976), première a permettre l’utilisation de téléphone et de fax entre le sol et l’avion (1991), première à équiper toutes les classes de systèmes de films à la demande (2001), première a permettre aux passagers en première classe et en classe affaire a commander leurs repas à l’avance, première à utiliser le A380 (2007) et à y offrir des suites avec des lits a deux places. En 2006, la compagnie proposait les sièges les plus larges du monde en première classe et en classe affaire. Aujourd’hui encore, Singapore Airlines assure le plus long vol sans escale au monde : Singapour – New-York, soit plus des 15.000 km en moins de 19 heures. Un fait surprenant : comme le goût et l’odorat sont altérés dans une cabine pressurisée a haute altitude, une cuisine en reconstituant les caractéristiques a été construite a Changi pour permettre aux chefs de vérifier que leurs plats conservent leurs saveurs dans ces conditions.
Tous les processus sont standardisés, ce qui, à la fois, génère des économies et accroit la satisfaction des clients par une meilleure prédictibilité du service. Cela permet aussi de personnaliser le service sans surcoût. Par exemple, à partir des vols passés, le système indique à l’équipage quels sont les boissons ou magasines préférés des clients. Par ailleurs, les souhaits des passagers sont anticipés : l’hôtesse ou le steward va se rendre auprès d’un passager, si celui-ci parait mal en point, avant même qu’il ne se manifeste. Pour permettre ce service plus attentionné, les équipages de Singapore Airlines sont plus étoffés que ceux de leurs concurrents pour le même type d’avion : le surcoût qui en résulte est compensé par la qualité de services qui permet un prix plus élevé.