En 2021, les salles rouvrent timidement avec des spectacles qui d’un côté doivent se conformer à toute une série de restrictions et règlementations de sécurité et qui de l’autre, se sont nourri artistiquement de l’expérience humaine et créative de la pandémie. C’est le cas de RESONANCES, un double acte qui présente le projet Résilience, créé par le compositeur Dr Robert Casteels et déjà transmis via streaming en novembre 2021, suivi par Lotus Fugue, la nouvelle création de la Cie Bellepoque qui a été inspirée par les tableaux de l’artiste peintre Georgette Chen. LePetitJournal est parti à la rencontre de l’équipe créative de RESONANCES pour en savoir plus.
Pour rappel, en 2020 la National Arts Council de Singapour lança une plateforme extraordinaire de subvention afin d’aider artistes et compagnies de spectacle à remonter la pente, ou plutôt l’abysse qui avait été provoqué par la pandémie et la conséquente fermeture de toutes salles de spectacle. La scène artistique singapourienne avait réagi avec une multitude de projets digitaux qui ont rempli les réseaux et autres canaux de streaming et offert au public la possibilité de continuer à apprécier les arts, tout en restant dans le confort de leur habitation.
Les deux actes de RESONANCES sont thématiquement liés par la réflexion sur la façon dont la résilience humaine nous permet de surmonter les crises et sur le rôle fondamental que la Beauté, la Nature et l'Art jouent dans notre société.
Dr Casteels, à l’origine de la performance Résilience il y a une de vos compositions de musique d’électroacoustique, pouvez-vous nous raconter comment cette musique est née et comment avez-vous collaboré avec le cast dans sa version en digital et en live ?
Lorsque la vie culturelle s’arrêta brutalement en avril 2019 et que le National Arts Council proposa des subventions pour des projets en ligne, je m’étais trouvé préparé et réceptif. En effet en 2018 déjà, j’avais composé une œuvre électroacoustique avec vidéo intitulée Nine Dragons. Je n’avais certes pas prévu la crise du Covid-19. Pousser les limites du possible grâce aux nouvelles technologies au-delà de ce que peut me proposer l’interprète le plus virtuose était devenu un mode de création. Les logiciels permettent de tout créer ab ovo, encore qu’un océan illimité de possibilités contienne en lui-même les limites de son potentiel illimité.
La première étape fut donc de composer une musique (Covid oblige) de 19 minutes et 19 secondes. Ensuite je transformai cette matière sonore en temps réel avec l’aide d’un ingénieur. Cette étape me procure toujours un sentiment de jubilation comparable au potier modelant l’argile sur son tour. La deuxième étape consista à confier les deux versions de ma musique, l’originale et la modelée, au vidéaste Tejas Ewing d’une part et aux interprètes (musiciens, danseur, poétesse) d’autre part. Pour la troisième phase je donnai carte blanche aux interprètes qui choisirent sur quelle partie de la composition ils désiraient travailler. La quatrième phase consista à enregistrer en studio chaque interprète individuellement, Covid oblige. La cinquième phase et dernière de la partie digitale consista à éditer et à publier en ligne.
Je suis reconnaissant à l’Alliance Française Singapour et au National Arts Council de pouvoir présenter du 14 au 16 mai une version de Résilience en présentiel. Maintenant j’offre à nouveau aux interprètes la possibilité de choisir les extraits de leur choix, avec la différence que l’exécution se fera en public. Ce type de projet me donne le meilleur de deux mondes, le monde précis de l’électroacoustique dans lequel je contrôle chaque constituant et le monde fluide de l’humain dans je suis heureux d’être à la merci de merveilleux artistes.
Verena Tay, écrivaine, a écrit le script de LOTUS FUGUE et sera sur scène en qualité de narratrice. Pouvez-vous nous dire comment avez-vous procédé pour rassembler la matière de votre écriture et la façonner en texte cohérent et poétique ?
Lorsque j'ai rencontré Sabrina Zuber pour la première fois en face à face en 2016, Sabrina a mentionné qu'elle s'était inspirée des peintures de lotus de l’artiste chinoise Georgette Chen et qu'elle aimerait créer une sorte de performance basée sur celles-ci. J'ai accepté d'écrire un texte qui constituerait la base d'une performance multimédia et multidisciplinaire.
Pour me lancer dans l'écriture de Lotus Fugue, je me suis lancé dans les recherches suivantes :
- J'ai visité la National Gallery Singapore pour voir toutes les peintures de Georgette Chen exposées, y compris ses photos de lotus.
- J'ai visité le National Gallery Singapore Resource Centre pour lire les lettres et les documents de Georgette Chen qui y sont archivés.
- J'ai envoyé à Sabrina un questionnaire lui demandant diverses impressions liées aux peintures de lotus de Georgette Chen, ainsi qu'une liste de chansons classiques / compositions musicales que Sabrina a associées aux peintures.
- J'ai cherché sur Internet des informations sur Georgette Chen et ses peintures, des images de lotus, des informations sur les lotus et leurs connotations culturelles, ainsi que des histoires / contes populaires / mythes / légendes sur les lotus.
Une période de réflexion et élaboration de toute cette matière que j'ai amassée s’est imposée et progressivement le texte de Lotus Fugue a émergé.
Tejas Ewing and Deepesh Vasudev sont les deux vidéastes qui ont suivi les troupes en studio et dans la ville pour réaliser deux courts métrages artistiques.
Votre spécialité est de filmer avec des smartphones. Pouvez-vous nous dire quels sont les avantages de filmer avec de si petits appareils et comment vous positionnez-vous comme « œil extérieur », puisque, même si vous ne partagez pas la scène avec le casting, vos vidéos sont une partie essentielle de la performance live ?
On filme avec des smartphones car cela permet une expérience de tournage beaucoup plus fluide, improvisée et adaptable. Nous n'avons pas besoin d'énormes trépieds ou d'équipement d'éclairage encombrant et nous pouvons donc filmer en plein milieu de toute représentation ou répétition et placer les caméras au milieu de l'action sans distraire les acteurs, les chanteurs et les danseurs. Nous pouvons utiliser des angles et des prises de vue intéressants et passionnants qui ne seraient disponibles avec aucun autre type d'appareil photo. En ce sens, notre concept de l'œil externe n'est pas de reproduire le point de vue d'un public, mais plutôt d'utiliser la petite taille du smartphone et la capacité d'être au milieu de l'action pour devenir au contraire un autre interprète de l'œuvre d'art qui nous créons ensemble.
Sabrina Zuber, vous êtes la productrice de Résilience ainsi que la directrice créative de Lotus Fugue et l'une des artistes sur scène dans les deux actes. Cela fait plein de casquettes ! Comment gérez-vous ce rôle multiple ?
Lotus Fugue est la quatorzième création originale de ma Cie Bellepoque. Comme par chacun de mes projets, trouver l’équilibre entre les multiples casquettes que je porte est très difficile et ne me réussit pas complètement à chaque fois. Chaque nouvelle production est une véritable création et mon attachement au projet est viscérale comme celui d’une mère à son bébé. Cela est une force, car j’arrive à dégager assez d’énergie pour impliquer dans mon projet plein de personnes autour de moi, les créatives, les artistes, les managers, les institutionnels. En même temps, c’est sans doute un point faible car cela m’expose comme « à nu » aux difficultés, aux contraintes et parfois aux déceptions.
Chaque spectacle a sur moi l’effet d’une tempête qui se déclenche environ un mois avant la première : l’adrénaline s’élève à la stratosphère, l’appétit disparait, le cerveau voyage à mille à l’heure et la seule chose qui me permet de tenir le cap est bouger ! C’est assez fatiguant pour ceux qui sont autour de moi, hahahaha !
Je suis reconnaissante au National Arts Council et à la direction de l’Alliance Française pour leur confiance et leur soutien. Je suis grée et émue de pouvoir finalement produire ce spectacle autour d’une idée née en 2016. Le spectateur consomme le spectacle dans l’espace d’une heure ou un peu plus ; pour moi, ce spectacle représente l’évolution de ma pensée et de mon langage artistique. Il est fascinant, je trouve, que cette évolution ait eu lieu pendant une pandémie qui a bouleversé notre mode de vie.
Sur scène avec Sabrina il y aura aussi le pianiste Bertram Wee et le violoniste Kai Lin Yong dans RESILIENCE, l’écrivaine Verena Tay, la pianiste Tabitha Gan et le danseur/chorégraphe Muhd Sharul Mohd pour LOTUS FUGUE. Designer Yeo Hon Beng sera à la console magique des lumières pour plonger les spectateurs dans une ambiance onirique et poétique.
Le spectacle aura lieu au Théâtre de l’Alliance Française du 14 au 16 mai.
le 14 mai : 20h / le 15 mai : 14h, 17h, 20h / le 16 mai : 17h, 20h
Les tickets sont en vente sur le site de l'Alliance Française
Aux spectacles s’ajoutent des activités éducatives : L’inscription aux activités est obligatoire
Conférence en anglais par Dr Casteels « What’s your impression of Impressionism ? » le samedi 8 mai 17h & 18h30 autour des compositeurs de la période impressionniste et leurs chefs d’œuvre.
Atelier de danse contemporaine fusion Est/Ouest, en anglais, Dimanche 2 mai 11h-12h30 par le chorégraphe Muhd Sharul Mohd, ouvert aux ados et adultes de tous niveaux
Exposition de photographie à partir du 8 mai, deuxième étage SINFONIA DEL SILENZIO par Sabrina Zuber
Sabrina est une photographe amateure qui a passé chaque matin pendant le Singapore Circuit Breaker au Jardin Botanique, à la recherche de la paix en présence rassurante de Mère Nature. Au cours de ses promenades solitaires, elle a capturé avec son smartphone la beauté époustouflante des jardins. Chaque jour, du 25 mars au 25 août 2020, elle a publié sur ses réseaux sociaux les images que vous pouvez voir dans cette exposition. Elle continue de faire des promenades quotidiennes dans la nature et de s'émerveiller.