En cette période de confinement et d’incertitude, si nous reprenions un papier et un crayon tout simplement ? Renouer avec une activité créative nous donne l’occasion, parents et enfants, de prendre le temps d’accueillir nos émotions, de les explorer et de nous enrichir mutuellement. Lepetitjournal.com de Singapour et Saveria Cristofari vous propose ici quelques pistes à explorer afin d'accompagner la parole de l’enfant.
L’enfant dessine. La maman est à côté.
C’est concret, ça commence par un geste.
L’enfant dessine et se pose des questions. La maman est intriguée.
L’enfant dessine, se pose des questions et commence à enquêter. La maman se prend au jeu.
L’enfant et la maman sont à Singapour et doivent rester à la maison. Dehors il y a ce virus. L’enfant et sa maman ne le voient pas mais le ressentent.
L’enfant a 6 ½ ans, sa maman, psychothérapeute, connaît de manière théorique « le pouvoir transformateur de l’écriture » et les « pratiques narratives ». Elle sait. C’est peut-être important. Peut-être pas.
Trêve de mots, place au papier et aux crayons. Place aux dessins et aux questionnements, petits et grands.
Mettre en valeur la parole d’un enfant
Applications et sites internet pour occuper nos enfants… Et si nous reprenions simplement une feuille de papier et des crayons ?
Renouer avec une activité créative nous donne l’occasion, parents et enfants, de prendre le temps d’accueillir nos émotions, de les explorer et de nous enrichir mutuellement grâce à leurs multiples questions, parfois sans réponses…
Dans ce contexte de COVID, les enfants ont besoin d’exprimer ce qu’ils ressentent. Exposés aux médias et aux conversations des adultes, il faut leur donner l’opportunité de renouer avec leurs propres capacités critiques et de mettre à distance les préjugés, les classifications et les spéculations.
La Trace
Arno Stern, créateur des ateliers du Clos Lieu et fondateur du jeu de peindre, insiste que dessiner, en italien comme en allemand, veut dire ‘montrer’, ‘désigner’. Un croquis vaut mieux qu’un beau discours ! Le dessin est un moyen de communication pour l’enfant - il a une signification et il laisse une trace. Cette trace sert à contenir des émotions sans avoir à les verbaliser. C’est une façon de représenter ‘hors de soi’ ce qu’on vit de l’environnement. Cela nous permet de dédramatiser de désamorcer, sans banaliser.
Le pouvoir transformateur de l’écriture (pratique narrative)
Aider notre enfant à raconter son histoire peut certes contribuer à son bien être, en période de crise comme celle que nous vivons actuellement. L’accompagner, c’est lui offrir la possibilité de transformer ses émotions et qu’il prenne conscience de lui-même : où suis-je ? Comment suis-je arrivé là ? Où vais-je ? Ça lui permet de se situer par rapport à sa relation aux autres et au contexte actuel.
En tant que parent, ce n’est en aucun cas la qualité du dessin qui est recherchée, mais la qualité du temps passé ensemble à raconter ce qu’on observe, ce qu’on a entendu au cours de la journée.
L’écriture est un espace potentiel pour :
- Faire une pause
- Accepter les sentiments difficiles s’il y en a
- Trouver un lieu de sûreté, de sécurité, de sérénité, de joie pour exprimer
- Réclamer notre voix pour raconter notre ‘entourage’
- Transformer les sentiments
- Enrichir et approfondir notre compréhension de notre communauté
L’écriture est un moyen de restituer et de jouer avec des métaphores pour que les enfants s’approprient un langage qui a du sens pour eux et qui intègre les différents sentiments. Accéder à des métaphores permet d’exprimer ce qui parfois ne peut pas se décrire ou difficilement : une sensation, une atmosphère, une poésie, une ambiance. C’est un début de langage qu’on crée nous-mêmes pour transformer notre vécu. Cela nous permet de nous projeter dans le futur. Une histoire racontée est une histoire qui devient assimilable.
Comment mettre en place une pratique narrative avec votre enfant ?
- on reste concret, authentique, riche en détails
- on écoute
- on lie des sentiments aux événements
- on ne cherche pas à justifier et à sur-analyser.
- on équilibre (pour reconnaitre) la part de négatif et de positif
- on utilise des métaphores pour représenter au lieu de chercher à tout comprendre
- on ne se soucie pas de la grammaire
- on ne dépasse pas 1h/jour
Nous vous proposons de suivre, le témoignage et les questionnements d’une enfant de 6 ½ ans qui vit à Singapour. Elle en est l’illustratrice, sa maman est sa complice ; elle l’écoute et se prend au jeu du plaisir de raconter.
La rencontre de cette petite fille avec le Corona sera reprise sous forme de conte et émaillée de parenthèses et de questionnements philosophiques par une représentante de l’association SEVE (Fréderic Lenoir). C’est une composition à trois mains, imaginée et orchestrée par Saveria Cristofari.
Un moment d’art brut, un dialogue éphémère qui valse entre poésie, musicalité et traces dans l’instant présent.
Vous pouvez suivre ce témoignage sur facebook
Si la démarche vous intéresse, vous pouvez envoyer vos dessins et quelques lignes à Saveria qui se rend disponible pour vous soutenir dans tout projet créatif : saveriacristo@yahoo.com
Illustratrice et Auteur : Indira
Son et lumières : Savéria Cristofari
Storytelleuse/Conteuse : Marie Paccard-Rambaud
-Indira aime la gymnastique. Elle sait faire des ‘handstand’ et veut apprendre à faire des backwalk (retour) sur poutre. Elle pratique la danse classique bharanattyam, elle est une artiste dans son cœur. Elle aime quand son papa le soir lui lit des histoires en marathi de Mumbai et fait le clown. En ce moment, elle apprend à lire et écrire ; elle fait des fubuki par zoom avec son Ama et son Grand-père et continue ses cours de mandarin. Elle a été fabriquée à Londres et est née à Paris. Elle fait des collages avec sa maman par ci- par là.
-Saveria Cristofari collabore comme artiste pour l’association ArtTherapy4All qui œuvre pour reconnaitre les bienfaits de l’art thérapie et le lien entre l’art et la santé mentale. Elle a longtemps travaillé dans des écoles primaires pour accompagner des enfants et leurs familles à développer leur résilience et leur capacité à être créatif. Elle est venue à Singapour pour intervenir à l’université Yale-NUS (le collège d’arts libéraux de National University of Singapore) en tant que psychothérapeute pour accompagner les étudiants et exerce actuellement dans le cabinet de psychologie et psychothérapie (www.sacac.sg.) Elle a un parcours d’école de commerce a l’origine (l’EDHEC) et a travaillé 10 ans en entreprise. Elle concilie ses connaissances de l’entreprise et la thérapie pour aujourd’hui travailler avec des adolescents et adultes, en individuel ou en entreprise. Elle est franco-américaine, a vécu 20 ans aux États Unis et en Angleterre et se reconnait ‘third culture child.’
-Marie Paccard-Rambaud, est membre de l’association SEVE (Savoir être et vivre ensembles) et de la fédération des arts-thérapeutes. Elle intervient en tant qu’art thérapeute et représentante SEVE pour animer des ateliers a visée philosophique dans les milieux scolaires et établissements culturels. Elle développe la rencontre entre les processus de la pensée réflexive et de la créativité philosophique et l’expression artistique. Elle pense qu’en chacun de nous existe un philosophe et un artiste ; elle aime réfléchir avec les enfants et adolescents pour les aider a grandir en discernement en créativité et en humanité. Les cinq valeurs qui définissent son cadre d’intervention sont la bienveillance, l’empathie et le respect, l’écoute de l’autre et la solidarité.
Dessin 1 : Titre (écrit par Indira)
Dessin 2- Il parait qu’il y a un marché ou sont vendus des animaux en cage : des serpents, des chauves-souris, des tortues, des poissons et même des écailles de pangolin.
Dessin 3 : Il y a un commerçant qui est tombé malade dans ce marché. Avait-il dégusté un hot pot de pangolin ? Il a de la fièvre et est allé à l’hôpital. Mais même plusieurs suppositoires n’ont pas réussi à le guérir. Ses poumons sont très rouges
Dessin 4 : Joséphine, la maitresse, n'arrête pas de prononcer le mot 'virus' en classe. Elle a les yeux rouges quand elle nous raconte qu’il y a des animaux qui rentrent dans les villes et que des humains chantent à leurs balcons. Des singes, des pumas, des dauphins et même des ' wild deer'.
Dessin 5 : Papa est à NY et dit qu’il va revenir bientôt. Il n’a pas de balcon. Il est dans un building ou vivait une sorcière. La sorcière a laissé des dessins au mur. Quand il m’appelle, il me montre chacun de ses dessins. Il est content. Il écrit un nouveau livre sur Pouna et Bandou
Dessin 6 : Moi, j'ai une nouvelle BFF. On a décidé de faire un spectacle de danse et de gymnastique et de hip hop et de roller-blades. On a écrit toutes nos invitations à la main et on les a distribuées à tous nos voisins et on va leur demander 2 dollars par personne. A la troisième chanson, la police est arrivée et nous a dit d'arrêter de danser. Maman a coupé la musique. (**BFF=Best Friend For Ever)
Dessin 7 : Nos voisins ont disparu depuis un certain temps. On ne les entend plus crier. Devant leur porte, des nouveaux pots de plantes s’entassent chaque jour. Il y en a une qui est très grande.
Mais il est où ce virus ?
Dessin 8 : Elle se réveille et écrit son rêve
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