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Rencontre avec Kennie Ting, Directeur de l’Asian Civilisations Museum

Kennie Ting, Asian Civilisations Museum, Musée des civilisations asiatiques, SingapourKennie Ting, Asian Civilisations Museum, Musée des civilisations asiatiques, Singapour
Écrit par Catherine Soulas Baron
Publié le 16 avril 2019, mis à jour le 18 mai 2019

Depuis septembre 2016, le talentueux et fringant Kennie Ting est à la tête de l’Asian Civilisations Museum. Écrivain, historien, photographe et bloggeur, parlant cinq langues dont l’arabe, le français et le japonais, insatiable voyageur, sa curiosité compulsive semble sans limite. Sa connaissance du monde de l’art, son amour de l’histoire, du patrimoine, des villes du monde et de la vie urbaine l’ont propulsé directeur de la vénérable institution. En esthète avisé Kennie Ting nous embarque dans son univers captivant.

 

 

Lepetitjournal.com: Qui êtes-vous Kennie ?

Kennie Ting : Je suis né à Singapour et ai passé la plupart de ma vie ici, à l’exception de mes études aux États-Unis et en Grande-Bretagne. J’ai aussi vécu un temps à New York. J’ai toujours voulu travailler dans l’art. Au départ mon rêve était d’être écrivain. Petit, je lisais beaucoup. J’ai suivi des études littéraires et économiques à Berkeley puis à Goldsmith College à Londres où j’ai obtenu un master. J’ai, dès le début de mes études, choisi de suivre des cours de français et de littérature française. J’ai donc naturellement séjourné à Paris et étudié à la Sorbonne en cours d’été.

 

Comment êtes-vous arrivé à la position de directeur de l’ACM ?
J’étais « administrateur d’art » pour le ministère de l’Information, de la Communication et des Arts et travaillais à la division Arts et Patrimoine. L’une des priorités était d’analyser des stratégies pour le secteur culturel à Singapour. Puis étant devenu directeur du National Heritage Board, j’ai eu la charge de mettre en œuvre des politiques de préservation du patrimoine. Je suis arrivé au musée grâce à cette formation et une expérience de gestion d’organisations culturelles. On a considéré que j’avais les qualités et les compétences professionnelles requises pour ce poste. Je dois beaucoup à mon prédécesseur, Docteur Alan Chong. Nous partagions une vision commune, nous souhaitions que le musée se focalise sur les réseaux, sur la culture digitale. J’occupe aussi en parallèle la position de « Group director » au National Heritage Board qui administre et supervise les musées nationaux (Musée national, musée Peranakan, musée philatélique, ainsi que les principaux festivals de Singapour – Singapore Night Festival, Singapore Heritage Festival, Children's Season and River Nights).

 

Pouvez-vous nous préciser votre vision du musée aujourd’hui et dans le futur ?

Il y a deux aspects. Le premier recouvre la mission de curateur et de conservation des collections, mais aussi l’organisation des expositions qui, selon nous, doivent toujours explorer la façon dont les civilisations ont interagi et construit des ponts entre elles à travers l’histoire jusqu’à nos jours. Nous avons à cœur de mettre en avant les liens de l’Asie avec le reste du monde. C’était le cas pour l’exposition sur Angkor : nous nous devions de ne pas seulement nous arrêter sur la civilisation Khmer et son patrimoine artistique, mais aussi de nous interroger sur sa rencontre avec la culture française. De même pour l’exposition sur Raffles, la confrontation entre les Anglais, les Javanais et le monde malais nous semblait primordiale.

Plus largement que souhaitons-nous pour le musée ? C’est le deuxième aspect qui s’organise autour de trois principes : beauté, émerveillement et pertinence. Notre musée (le seul musée sur l'île qui n'est pas consacré à Singapour) n’a aucune obligation de représenter des nations en particulier, ce qui nous donne une grande liberté. Nous avons donc le pouvoir, et c’est un luxe, de présenter ce qui se fait de mieux, de n’exposer que des œuvres majeures et ainsi de démontrer combien l’Asie et le sud-est asiatique ont de longues traditions d’art, d’artisanat et de décoration. Nous aspirons à mettre en avant le lien entre le passé et le présent, à dévoiler la façon dont l’histoire a façonné notre société multiethnique, à souligner la résonance intemporelle de l’ancien avec le contemporain.

 

Notre mission, à travers nos expositions et rétrospectives, a pour but de susciter un sentiment d’émerveillement afin que les personnes qui visitent le musée vivent une expérience accessible et unique et que les Singapouriens puissent se sentir fiers de leur patrimoine et y trouver une part de leur identité nationale.

 

Vous étiez l'un des invités d’honneur à l’exposition Versailles Virtually, quelle part allez-vous donner au digital ?

Nous devons d’abord définir ce que l’on entend par intervention digitale, de façon à ce que cela donne un sens à l’orientation spécifique du musée. Nous étudions la façon d’installer les œuvres afin de les partager sur des plateformes digitales. Le langage du Virtual et Digital est plutôt visuel, nous permettons déjà aux visiteurs de s’approcher au plus près des pièces pour les photographier. Nous aimerions digitaliser les contenus des expositions mais cela représente un travail énorme et un gros budget.

 

Parlez-nous du musée maritime

Nous avons une section maritime, qui n’expose pas de bateaux, mais qui traite de l’histoire du commerce maritime en Asie et avec le reste du monde. Certaines galeries mettent en lumière le commerce du sud-asiatique avec l’Europe, avec des ports comme Canton et Nagasaki, sans oublier Singapour, port asiatique cosmopolite, l’un des carrefours du commerce mondial au XIXe  siècle. Nous valorisons aussi les relations commerciales pan-asiatiques, la Chine avec le Moyen-Orient, la Chine avec le sud-est asiatique, la Chine avec l’Inde.

 

Nous exhibons des objets précieux fabriqués en Asie à partir du IXe siècle pour l’export, comme les céramiques, la plupart venant de Chine, d’Inde ou du Japon. En novembre 2016, une exposition sur les villes ports* racontait à travers peintures, photographies, mode et objets luxueux, l’histoire de ces villes sur les routes maritimes, devenues des villes multiculturelles.

 

Quelles sont les expositions qui ont eu le plus de succès jusqu'à présent ?
Les expositions phares ont été certainement les plus populaires, comme celle de l’armée des soldats de terre et de l’empereur Kangxi. La prochaine se nomme Guo Pei sur l’art et la couture chinoiseLe travail s’avère considérable et nous devons prévoir ce genre d’expositions plus de trois ans à l’avance. Mais mon équipe est très professionnelle.

* Port Cities: Multicultural Emporiums of Asia, 1500–1900.

 

Depuis novembre 2017, Kennie Ting préside le Réseau des musées Asie-Europe qui englobe entre autres le British Museum, le musée national de la culture mondiale de Suède et le musée Guimet. Il est l'auteur de 3 livres : Singapore 1819 - A Living Legacy, Singapore Chronicles: Heritage, The Romance of the Grand Tour - 100 Years of Travel in South East Asia.

 

Kennie Ting

 

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