À Singapour, une initiative pionnière veut protéger les Françaises victimes de violences : la première clinique de droit étranger hors de France qui célèbre ses 4 années, avec 75 permanences au total. Chloé Vialard, avocate établie à l’étranger, a impulsé l’initiative avec l’ambassade de France, le Barreau de Paris, le Barreau de Singapour et des associations locales. Le modèle peut-il s’étendre à d’autres pays ?


Selon la Direction des Français de l’étranger, 186 situations de violences faites aux femmes ont été rapportées en 2024, un chiffre bien en dessous de la réalité.
“Si je devais résumer notre initiative, je dirai que nous avons ouvert une porte d'entrée sûre, gratuite et bilingue pour des femmes françaises victimes de violences, afin qu’elles puissent comprendre leurs droits, décider en sécurité et agir efficacement” débute Chloé Vialard lors d’une grande table ronde le 20 novembre à Paris, organisée par la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof). Mais pourquoi un tel dispositif n’existe pas encore ailleurs ?

Help Center du tribunal judiciaire de Singapour, un lieu “central, sécurisé, sans contrôle d’identité, à l’écart de la communauté française, pour préserver l’anonymat”
Une clinique juridique unique en son genre contre les violences
Le dispositif est né d’une réalité préoccupante, identifiée par le consulat dès 2019 : des Françaises expatriées confrontées à des violences conjugales sans savoir vers qui se tourner. Les obstacles sont multiples selon l’avocate : “la barrière linguistique, l’isolement, mais aussi la méconnaissance du droit local, le coût élevé de la justice, et souvent une dépendance financière ou liée au titre de séjour”. Une convention est signée le 10 décembre 2021 entre le Barreau de Paris, the Law Society of Singapore, l’organisation locale Pro Bono SG, et l’ambassade de France.
Toutes les formes de violences sont prises en charge : “psychologiques, physiques, sexuelles, économiques, administratives, cyber, et souvent imbriquées”

Au cœur du dispositif s’organisent des permanences juridiques gratuites deux fois par mois au Help Center du tribunal judiciaire de Singapour, un lieu “central, sécurisé, sans contrôle d’identité, à l’écart de la communauté française, pour préserver l’anonymat” souligne Chloé Vialard. Les femmes y sont reçues en français par des avocats bénévoles du barreau de Paris. Le droit local est immédiatement intégré grâce à une astreinte téléphonique d’avocats singapouriens. Depuis quatre ans, 75 permanences ont été tenues, mobilisant une dizaine d’avocats des deux barreaux. Toutes les formes de violences sont prises en charge : “psychologiques, physiques, sexuelles, économiques, administratives, cyber, et souvent imbriquées” Ce modèle est “la première clinique de droit étranger à Singapour, et la première clinique gratuite du barreau de Paris hors de France. Concrètement, une femme qui pousse notre porte obtient dans sa langue une vision claire et fiable de ses options juridiques dans les deux ordres, ainsi que des conseils pour préserver les preuves et se protéger immédiatement.”
À compter de décembre 2025, une permanence fixe a lieu une fois par mois, le premier mardi de midi à 14 heures, dans des locaux dédiés au sein du Help Centre de la State Court située au 1 Havelock Square, State Courts, Singapore 059724, #B1-18, avec ou sans rendez-vous. Pour prendre rendez-vous, vous pouvez remplir le formulaire accessible sur la page dédiée. Pour toute question, y compris confidentielle, vous pouvez écrire à l’adresse barreausolidarite@avocatparis.org. Tout autre rendez vous peut être adapté aux demandes de bénéficiaires en dehors de ce créneau fixe, pour répondre au mieux à leurs besoins
L’accompagnement ne peut ignorer ni le contexte local, ni les protections accessibles via le droit français.
Une permanence juridique, un modèle exportable ?
Pour Chloé Vialard, l’expérience singapourienne a une portée bien plus large : “le modèle pilote de Singapour a une valeur systémique. Il documente les difficultés du terrain, il alimente les échanges institutionnels et il inspire des déclinaisons adaptées dans d’autres pays, en cohérence avec la diplomatie féministe de la France.” lancée le 7 mars 2025 au Quai d’Orsay. Exporter le dispositif ? Pas si simple car protéger les Françaises à l’étranger exige de prendre en compte deux réalités, locale et nationale. “L’accompagnement ne peut ignorer ni le contexte local, ni les protections accessibles via le droit français.” précise l’avocate. “Nous travaillons avec le barreau de Paris pour voir comment nous pouvons dupliquer cette pratique ailleurs dans le monde." déclarait en mars 2025 la Direction des Français de l’étranger.
Le réseau Bâtonnières du monde, “une quarantaine de bâtonnières et vice-bâtonnières à travers le monde”, de San Francisco à Abidjan en passant par l’Ukraine et l’Algérie

Pour Vanessa Bousardo, vice-bâtonnière de Paris depuis 2024 et à l’origine du réseau « Bâtonnières du monde », le rôle de l’avocat est central car c’est lui qui récolte une confidence douloureuse et dispense des premiers conseils. Le Barreau de Paris s’engage d’ailleurs auprès du dispositif porté par Chloé Vialard, grâce à des avocats expatriés. En attendant de voir d’autres permanences dans le monde, Vanessa Bousardo, vice-bâtonnière de Paris depuis 2024 rappelle l’existence du réseau Bâtonnières du monde, “une quarantaine de bâtonnières et vice-bâtonnières à travers le monde”, de San Francisco à Abidjan en passant par l’Ukraine et l’Algérie. “C’est une vraie force de frappe” capable de dupliquer ou déployer des dispositifs comme celui de Singapour. “Vous êtes loin, mais vous êtes citoyennes françaises”.
Selon la Direction des Français de l’étranger, 186 situations de violences faites aux femmes ont été rapportées en 2024, un chiffre bien en dessous de la réalité. Dans le monde, où les violences sont encore trop invisibles, l’initiative menée par Chloé Vialard doit résonner, et vite.
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