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Régimes matrimoniaux : ce qu’il est bon de savoir en expatriation

chaises pour maries dans l'herbechaises pour maries dans l'herbe
@jeremywong-unsplash
Écrit par Sabrine Cazorla Reverre
Publié le 28 juin 2021, mis à jour le 29 juin 2021

Une petite clarification tout d’abord. Selon le droit français, Les règles qui s’appliquent aux rapports pécuniaires entre les époux pendant le mariage sont regroupées autour de deux types de normes :

Le régime primaire régit par les articles 214 et suivants du code civil qui est le socle commun à tous les mariages. Le régime primaire n'est pas un régime matrimonial. Il s'agit d'un ensemble de règles "minimales" concernant le pouvoir des époux ainsi que leurs devoirs et obligations

Ces règles s’organisent autour de deux concepts principaux :

1. La coopération entre les époux qui comprend par exemple (non exhaustif)

- La participation aux charges du mariage : la règle, souvent méconnue, est que chacun est tenu de participer aux charges du mariage en proportion de ses facultés.

- La protection du domicile conjugal et du logement de la famille

- La solidarité des dettes ménagères

2. L’indépendance des époux l’un vis-à-vis de l’autre

- La possibilité d’avoir un compte en banque individuel (il est notable que les femmes n’ont eu ce droit qu’après 1965)

- La possibilité pour chacun de gérer individuellement ses biens propres,

- La possibilité pour chacun de travailler sans l’autorisation de l’autre

 

A ce premier régime est associé obligatoirement un second régime, le régime matrimonial. Le régime matrimonial est le corps de règles qui régit les relations patrimoniales entre les époux pendant le mariage mais aussi, et surtout, au moment où celui-ci se termine soit par le décès de l’un soit par le divorce. Le régime matrimonial est choisi par les époux.

Choisir est un bien grand mot, la majorité des français se mariant encore de nos jours sans passer devant le notaire et conclure formellement un contrat de mariage, ils sont dès lors soumis au régime légal, également appelé le régime par défaut, et qui en France, est celui de la communauté réduite aux acquêts. Ce régime prévoit que tout ce qui a été acquis pendant le mariage par l’un ou l’autre des époux tombe dans un pot commun qui sera divisé par deux en cas de rupture du mariage.

Pour les expatriés, les choses se compliquent…Deux raisons à cela :

Première raison : En cas de non-choix d’un régime matrimonial, celui qui s’applique à votre mariage n’est peut-être pas celui que vous croyez.

 

La première difficulté intervient dans la détermination du régime matrimonial des époux.

C’est la loi applicable au régime matrimonial qui va conditionner ce régime. Or, trois corps de règles peuvent s’appliquer en fonction de la date où les époux se sont mariés.

Avant le premier septembre 1992, il s’agit des règles de droit international privé français (nous ne nous y attarderont pas) Pour les mariages célébrés entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019, la convention de La Haye du 14 mars 1978 sur les régimes matrimoniaux, est l’instrument juridique de référence.

La règle édictée par cette convention internationale est qu’en l’absence de régime conventionnel conclu par les époux, la loi applicable est celle du pays où les époux ont établi leur premier domicile commun.

Par exemple, un couple Français qui se marie à Singapour (et y installe sa première résidence commune) sans signer de contrat ou sans désigner la loi applicable sera marié sous le régime de la séparation des biens avec contributions. Alors que le même couple domicilié en France aurait été marié sous un régime communautaire.

 

Pour rajouter encore à la complexité, la convention de La Haye prévoit qu’en en cas de résidence de plus de 10 ans dans un pays autre que la France, le régime mute automatiquement et se place sous la loi applicable dans ce pays.

En cas de divorce, le juge appliquera au régime matrimonial les lois successives faisant varier le régime selon les périodes de temps, aboutissant à l’obligation de procéder à plusieurs liquidations des régimes successifs et donc éventuellement contraindre les époux à prouver l’origine, la propriété des biens et la contribution de chacun à leur acquisition.

Cette difficulté a bien heureusement disparu le 29 janvier 2019 avec l’entrée en application pour les mariages (et seulement ceux-ci) contractés après cette date du règlement européen du 24 juin 2016 sur les régimes matrimoniaux.

La règle du premier domicile commun est quant à elle maintenue par le règlement. 

En cas de divorce à l’étranger, le juge du divorce peut ne pas tenir compte de votre régime matrimonial et appliquer le droit local qui peut être fort différent de ce à quoi vous vous attendez.

La deuxième des difficultés est que selon le pays dans lequel le mariage finit, le régime matrimonial peut ne pas être pris en compte ni au moment d’un divorce par les juges, ni au moment du décès.

Un couple français, même marié en France, sous le régime légal de la communauté qui divorce à Singapour sera soumis aux lois singapouriennes et le juge appliquera les règles en vigueur pour la division des biens qui sont plus proches d’un régime séparatiste. Les conséquences peuvent donc être redoutables pour l’une des deux parties, en cas de divorce conflictuel.

Dernière réjouissance : il est possible que même les couples prévoyants soient pénalisés puisque le juge local peut écarter l’application d’un contrat de mariage français ou d’un prenuptial agreement.

Il faut donc se renseigner avec soin sur ces problématiques surtout si pour partir en expatriation, l’un des époux a abandonné sa carrière professionnelle.

 

 

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