Cet artiste indonésien, au prénom lourd à porter, délivre un message de paix à partir de motifs violents dans le cadre de l’exposition « Delicate strangeness ».
Un prénom lourd à porter
Né en 1982 à Bandung, Mujahidin y a suivi des études à la faculté des beaux-arts et de design de l'Institut de Technologie.
Dès son plus jeune âge, Mujahidin a été traumatisé par le prénom que ses parents lui ont donné et qui a pris une connotation négative avec le développement d'un islamisme radical de plus en plus violent. Ses amis le chahutaient en lui prédisant qu'aucun pays étranger ne l'accepterait avec un tel prénom. Heureusement, cela n'a pas été le cas.
"Mujahidin" désigne en arabe "ceux qui s'engagent pour le jihad", le "jihad" étant le combat moral contre tout obstacle sur le chemin de bien. Aujourd'hui, ce terme est trop souvent associé à la guerre sainte (analogue aux croisades des chrétiens) contre les infidèles de tous bords, justifiant toutes sortes d'atrocités. Mais, à l'origine, il faisait plutôt référence à la lutte que chacun de nous doit mener contre les forces du mal qui nous habitent.
Un message de paix sur un fond de violence
C'est cette profonde contradiction entre le message de paix de l'islam originel et l'usage pervers qui en est souvent fait aujourd'hui que Mujahidin exprime à travers ses œuvres. Celles qui composent l'exposition apparaissent comme des dentelles de papier. De loin elles représentent des motifs abstraits, des crânes humains, ou des parties de squelettes. Dans un premier temps ces figures macabres font penser à la mort, peut-être les victimes de violences au nom de l'islam. Mais, pour Mujahidin, c'est avant tout des représentations du corps humain bien vivant, celui qui aime, celui qui se reproduit, celui qui réfléchit pour distinguer le bien du mal.
Mais, quand on étudie le détail des œuvres, on découvre qu'elles sont en fait constituées de la répétition d'un même motif : le tristement célèbre fusil d'assaut AK47 (autrement appelé "Kalachnikov"), arme de prédilection des combattants islamistes. Les œuvres sont constituées d'une seule feuille de papier dont les fines intrications sont dessinées avec l'aide d'un ordinateur, puis découpées à la main, ce qui représente un travail considérable d'une grande précision.
Le titre de l’exposition « Delicate strangeness » fait référence à la fois à la minutie de la création des œuvres et à cette contradiction entre le message de paix que Mujahidin souhaite passer et le motif sous-jacent choisi pour se faire : une invitation à abandonner les armes pour construire quelque chose de beau.
Une exposition qui arrive à point nommé
L'exposition s'est ouverte le 11 octobre, soit quelques jours après le début de l'offensive du Hamas sur Israël et de la riposte qui en a résulté. Quand on sait que Guillaume Levy-Lambert, le propriétaire de la galerie Art Porters, est juif et qu'il a une sœur qui réside en Israël, on peut voir cette exposition comme une invitation à unir toutes les bonnes volontés, quelles que soient leurs croyances, contre la flambée de violence actuelle, qui affecte les populations civiles, tant palestiniennes qu’israéliennes.
L'artiste sera présent à la galerie le samedi 4 novembre après-midi. Donc, n'hésitez pas à venir le rencontrer et l'interroger sur son parcours hors du commun.