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JAG, un herboriste dans la gastronomie

JAG, Restaurant français, herboriste, SingapourJAG, Restaurant français, herboriste, Singapour
@ JAG
Écrit par Michèle Thorel
Publié le 28 mars 2019, mis à jour le 31 mars 2019

Plus de 40 herbes savoyardes dans sa cuisine… La nouvelle perle gastronomique créative et française de Singapour, fondée par Jérémy Gillon et Anant Tiagy. Lorsqu’un chef normand amoureux de la Savoie découvre la richesse infinie des plantes avec un herboriste passionné, il est subjugué par leur vertus, arômes et puissance et les intègre au cœur de sa cuisine. Il renverse les codes créatifs : le végétal devient la clé de voûte de sa créativité et tout le reste : viande, volaille, gibier, poisson, fruits de mer, œuf… ne fait qu’accompagner le végétal pour le mettre en valeur.

 

 

Jérémy Anant Gastronomy : JAG. Simple et « ça claque »! Initiales des 2 fondateurs.

 

Jerémy Gillon, JAG, Singapour
 Jérémy Gillon est un chef sérieux et reconnu : il entre dans le métier à 14 ans, se fraye rapidement un chemin vers de belles tables avec l’appui d’excellents mentors (dont Michel Kayser au restaurant Alexandre de Nîmes), « roule sa bosse » en Corse au Belvédère (alors 1*) avant de se poser pendant plus de 10 ans dans les Alpes savoyardes : le Chabichou à Courchevel (2*) puis L’Epicurien à Val Thorens, à qui il apportera sa 1ère étoile en 2015. Sollicitations diverses et curiosité l’amènent à Singapour : consulting (ME@OUE), enseignement, ouverture d’Audace, restaurant génial, hélas au mauvais endroit ! Chef officiel de l’équipe de France olympique en Corée… Il s’associe à un businessman de la restauration, Anant Tiagy pour créer JAG, dans un amour commun du service et du détail.

 

Cuisine semi ouverte en fond de salle avec l’herboristerie culinaire de Jérémy Gillon ! Une descente de 40 petits pots en verre contenant les 40 plantes aromatiques séchées provenant exclusivement des terres savoyardes qui signent l’originalité de la maison. Agastache, Menthe ricola, Serpolet, Ortie (à l’odeur identique aux crevettes séchées indissociables de la cuisine chinoise !), Carves (on dit « carvi » !), Berce, Fleur de coucou, Mélisse sauvage, Achillée millefeuilles, Monarde… Le chef est toujours heureux de venir présenter ces joyaux aux clients, avec une affabilité désarmante !

 

Ambiance chic chalet moderne : murs effet béton ciré et pierre, panneaux et poutres en bois sombre, lampes vintage industriel et de nombreuses lumières indirectes. Sobre et épuré, assez monochrome, méticuleusement fignolé jusqu’aux moindres détails, c’est zéro esbroufe et 100 % élégance. Couteaux Opinel évidemment (depuis un siècle, de Chambéry). Raffinement ultime : les verres aux lignes superbes, d’une finesse remarquable sont faits à la main par un créateur japonais.

 

Un décor qui laisse présager des assiettes gourmandes, graphiques et audacieuses.

 

JAG, Restaurant français, Herboriste, Singapour

 

Pas de carte, mais des menus en 3 ou 5 plats pour midi ($58, $108) et en 5, 7 et 9 plats pour le soir ($108, $168, $218). Excellents amuse-bouches (petit chou de chou-fleur en gelée d’algue et galette à l’ortie) et mignardises (tarte aux pommes façon galette extra fine. Inoubliable) inclus.

 

Pain de campagne (Christophe Grilo, le boulanger de l’excellence) et trilogie de beurres présentés en médaillons siglés JAG : infusé au citron, à l’aspérule odorante, salé de Normandie. Surprenant, enchanteur, stylé.

 

Le reste de la partition est exécuté avec le même brio : de l’audace, de la fraîcheur, des saveurs contrastées et cependant harmonieuses, un sens artistique dans tous les détails de la présentation. L’art par définition : la technique disparaît derrière une évidence d’apparente simplicité.

Chaque plat est une découverte d’une ou plusieurs plantes aromatiques parmi les 40 qui composent l’herboristerie culinaire de Jérémy Gillon. Oser les menus 7 ou 9 plats : portions dégustation et il y a tant à découvrir ! Ils suivent « nos » saisons. Une idée du menu de fin d’hiver :

 

JAG, Restaurant français, Herboriste, Singapour

 

* Celtuce (type d’asperge/endive géante et blanche) et origan, en tuile et en sirop ; petite émulsion de mascarpone et caviar Osciètre. Sculptural façon dentelle dans l’assiette, doux et subtil au palais.

* Variation de champignons (shitake, shimeiji, bouton) passés la torche, feuille de bouleau en décoction (exhausteur gustatif des champignons) sur un lit extra fin de foie gras frais fumé. Saveurs franches et pleines, finesse de présentation tout en longueur et bicolore : grande élégance.

* Crones (artichaut chinois au goût de navet) à l’angélique, truffe noire du Périgord et ris de veau : délice au « look » magnifiquement déstructuré dans l’assiette.

* Achillée millefeuilles en sirop pour relever les racines de persil en purée et la tempura de Saint-Jacques à l’encre de seiche.

* La berce (légère amertume) s’allie au jus d’argousier (doux sucré) pour révéler l’acidité du chou blanc braisé et des petits oignons des Cévennes ainsi que son filet de Saint-Pierre. N’y pense pas qui veut…

 

* Un « trou savoyard » digestif : sorbet au citron infusé d’épines de sapin (une longueur en bouche incroyable !) servi… avec du Calvados ! Unique infidélité à la Savoie et clin d’œil à la Normandie natale.

 

* Le palais est prêt à accueillir le carves (prononcé « carvi »), le cumin des montagnes qui s’associe à la fleur et poudre de brocoli pour jouer avec du cœur de bœuf en croûte de sel ! Quelques graines de lin grillées pour ajouter du croquant au plat sans doute le plus clivant du menu : fort et salé.

 

* Un pré-dessert autour de l’oseille verte et de l’ananas confit et en émulsion. Un tantinet sucré mais extra frais et léger.

* Pour arriver au premier dessert : berce et mandarine en sorbet, petite ganache de chocolat blanc saupoudrée de meringue aux algues râpées ! Frais et acidulé.

* Et (déjà…) le second dessert. Éblouissant : truffe noire en lamelles et chocolat noir en ganache fumée au bois de hêtre, tuile au grué de cacao (éclats de fèves torréfiées et concassées), lamelles de champignon de Paris.

 

C’est peu de parler de créativité. Il y a du génie, un travail colossal et une intuition féconde dans ces propositions gourmandes.

 

La carte des vins est fort bien étudiée, diversifiée et intelligente. Positionnement prix plus que raisonnable ($100-400 en moyenne et quelques perles précieuses comme un Léoville Barton 1995… plus cher !)

 

Signalons l’arrivée d’un menu supplémentaire omakase « prestige », autour du caviar osciètre, en association avec la maison Kaviari de Paris…. À $458. Ouch… Mais le rapport qualité (et quantité de caviar)/prix est remarquable. Le vrai prestige se trouve rarement en solde…

 

Le second étage, en mezzanine avec vue sur la cuisine, est un bar-lounge, ambiance club anglais colonial intime (10-12 personnes maximum). Imposant bar en marbre noir, lumières chatoyantes et vue somptueuse sur les tours du CBD. Pour un apéritif ou un dernier verre tout en élégance feutrée.

 

Inutile de tourner autour du pot : cette table est un petit joyau et un ravissement à découvrir de toute urgence.

 

JAG – 76, Duxton Road – Singapore 089535 – T : 3138 8477 – MRT Tanjong Pagar

 

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